Prédication du 01/12/19

Romains 13.11-14 

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Matthieu 24.37-44 : Ce qui est arrivé à l’époque de Noé arrivera de même au retour du Fils de l’homme. En effet, dans les jours précédant le déluge, les hommes mangeaient et buvaient, se mariaient et mariaient leurs enfants, jusqu’au jour où Noé est entré dans l’arche. Ils ne se sont doutés de rien jusqu’à ce que le déluge vienne et les emporte tous. Il en ira de même au retour du Fils de l’homme. Alors, deux hommes seront dans un champ: l’un sera pris et l’autre laissé; deux femmes moudront à la meule: l’une sera prise et l’autre laissée. Restez donc vigilants, puisque vous ignorez à quel moment votre Seigneur viendra. Vous le savez bien, si le maître de la maison savait à quelle heure de la nuit le voleur doit venir, il resterait éveillé et ne laisserait pas percer les murs de sa maison. C’est pourquoi, vous aussi, tenez-vous prêts, car le Fils de l’homme viendra à l’heure où vous n’y penserez pas.

Frères et soeurs en Christ,
Voici qu’aujourd’hui commence le beau temps de l’Avent avec, à l’horizon, la fête de Noël.
Pour nous l’avent n’est pas ce qui précède mais bien ce temps tourné vers ce qui vient. Voilà pourquoi ce temps que nous inaugurons aujourd’hui, est tout entier consacré à l’espérance. Cette vertu que le poète Charles Péguy appelait la plus petite des trois vertus, mais dont il disait aussi que c’est elle qui entraîne ses deux grandes soeurs, la foi et l’amour.
Notre problème c’est que nous ne savons pas très bien quoi faire de l’espérance. Bien souvent, parler d’espérance revient à appliquer la méthode Coué, une méthode qui permet de se rassurer à bon compte en répétant que tout ira mieux demain… Mais de demain, par définition, nous ne savons rien. Et, affirmer que l’avenir, par nature, apportera des solutions c’est charmant, mais parfaitement gratuit. D’ailleurs, tout bien considéré, l’histoire de l’humanité a compté bien plus de gueules de bois monumentales que de lendemains qui chantent. Combien d’espoirs brutalement douchés, combien de doux rêves qui ont fini en cauchemars. Au fond, il serait plus rationnel d’être pessimiste car, au moins, avec le pessimisme on n’est jamais déçu. On ne peut avoir que de bonnes surprises. A ceci près que l’histoire justement nous a apprise que le pessimisme est toujours la laisse de la soumission.
Et, nous n’en sommes pas loin lorsqu’on voit combien nous sommes dans un temps où on n’a jamais autant parlé de désespoir. Un désespoir sur lequel tous les medias s’interrogent gravement, un désespoir dont bruissent les réseaux sociaux. Un désespoir sans cesse commenté par toutes sortes d’experts déclarés qui ressassent jusqu’à la dépression ce que nous savons.
Nous savons, par exemple, que l’économie va mal allant de façon chronique de crise en crise. Nous savons que derrière les chiffres déprimants de notre économie, il y a du chômage et de l’exclusion, il y a l’angoisse de perdre sa place qui fait accepter n’importe quelles conditions de travail. Il y a des emplois destructeurs et des emplois détruits, il y a du stress et du découragement, il y a des drames concrets et, bien plus que de la misère, il y a de nombreuses vies découragées…
Nous savons aussi que nous vivons dans un monde qui change vite, sans que le sens de ces bouleversements nous apparaisse jamais clairement. De là naissent nos interrogations sans fin, et toujours plus inquiètes, en autre sur notre identité. Quand on en arrive à se demander qui on est, c’est sûr que la crise est particulièrement avancée. Et nous savons désormais que nous ne savons pas quel nouveau cadre culturel, métissé et ouvert sur le monde, va émerger pour remplacer Corneille et Racine, les Fables de La Fontaine et surtout « nos ancêtres les Gaulois ».
Et nous savons qu’au final le malaise est bien plus profond que cela, car, après des décennies d’une paix que l’on croyait définitive, nous réalisons que notre continent européen n’est pas sortie de l’histoire, et que la paix perpétuelle n’est qu’une utopie de plus. Et , de plus, nous réalisons surtout ce que nous nous refusions à savoir que rien n’est jamais acquis, et certainement pas la disparition de la violence et de la haine…

Nous savons tout cela. Et nous en savons encore bien plus sur ce tableau sombre de notre temps. Mais nous devrions vite nous rendre compte que, dans les années qui viennent, d’autres inquiétudes vont nous remplir encore plus de consternation, de chagrin et de nostalgie.
C’est dans ces ruines que l’Evangile de ce jour nous demande de regarder la nuit comme elle est.
Alors, bien sûr, à première vue cela nous apparait comme apocalyptique. Mais précisément, et contrairement à toutes les idées reçues, l’apocalypse, qui veut littéralement dire « un coin du voile qui se lève », l’apocalypse, ce « coin du voile qui se lève » est heureuse. Elle est heureuse car elle dévoile la réalité sur un projet qui est lui-même heureux. Ce projet est heureux cet il d’abord et avant tout un projet de salut et non de jugement, un projet annoncé à tous, promis à tous, offert à l’humanité toute entière. Et il revient à chacun de nous de le proclamer à notre tour, comme des veilleurs, des vigies des sentinelles joyeuses que nous sommes, et de le transmettre comme ce qu’il est, à savoir une bonne nouvelle… Cette joyeuse annonce qui fait de nous des semeurs d’étoiles dans notre monde déchiré, est fondamentale, même si elle relève du défi.
C’est un défi qui consiste simplement, mais avec toute l’exigence que la suppose, à nous préparer à accueillir le Christ, le Messie, l’oint de Dieu dans ses deux avènements. D’abord l’accueillir dans son humanité à travers la nôtre et ensuite l’accueillir dans sa divinité, comme ressuscité à travers l’Église, corps du Christ, que nous formons ensemble.
Dans le passage de sa lettre aux Romains que nous avons entendu, Paul parle de façon très explicite de ces deux avènements : le sommeil qui correspond à la nuit et aux ténèbres et le réveil, c’est à dire la résurrection, qui « est le moment, nous dit Paul, de sortir de notre sommeil car la nuit est bientôt finie ».
Ce qui caractérise la nuit et le jour correspond à la réalité humaine qui est faite de limites et de pauvretés, mais aussi de dépassement et de promesse de résurrection. Pour autant, contrairement à ce que certains entendent, Paul ne moralise pas; il oppose tout simplement le rapport à la jouissance immédiate :

« ripailles, beuveries, orgies, débauches, dispute et jalousie» , à celle de l’esprit : « Revêtez Jésus Christ ».

C’est à dire qu’il nous appelle simplement à nous laisser habiter par l’Esprit de Christ. Et se laisser habiter par l’Esprit de Christ c’est sortir des schémas classiques, habituels, c’est sortir des fonctionnements tout tracés auxquels la société présente dans laquelle nous vivons nous demande de nous engouffrer…

C’est cela que signifie cet avènement du Fils de l’Homme qui ressemble à ce qui se passait à l’époque de Noé. A cette époque, en effet, chacun mangeait, buvait et se mariait… C’est-à-dire que le fonctionnement fonctionnait et que l’homme était réduit à celui-ci. Le déluge a tout englouti et paradoxalement c’est en « entrant » dans l’arche que Noé est sorti du fonctionnement.
C’est aussi cela que signifie cette venue du Fils de l’Homme qui ressemble à celle d’un voleur. Quelle incroyable image… Comprenons qu’un voleur est toujours inattendu, il fait irruption et il surprend toujours. Mais le voleur est aussi celui qui brise les habitudes et les fonctionnements. Un voleur ne fait pas rentrer l’argent à la maison, il le fait sortir. Le voleur n’est que de passage : s’il entre, c’est pour sortir. Le voleur ne remplit pas la maison, il la vide. Avec les voleurs, le monde fonctionne à l’envers. Il sort de notre fonctionnement.
Entrer dans l’Avent, c’est donc sortir de son fonctionnement. “Sortez du sommeil”, dit Paul.
C’est l’heure de Noé, c’est l’heure des voleurs, l’heure de la nuit et il faut sortir de nos fonctionnements, des « activités de ténèbres » pour « revêtir » le Christ Jésus.

C’est pourquoi, ici l’exhortation est un appel à la veille.
Veiller et se tenir prêt pour annoncer une espérance en chaque lieu où le monde désespère. Veiller, cela suppose de l’engagement, cela suppose de préparer son cœur à cette réalité qui est déjà là. Veiller c’est apprendre à être vigilant, c’est-à-dire discerner et interpréter avec intelligence le monde ainsi que sa propre vie à la lumière de l’évangile. 
Veiller c’est se trouver comme une sentinelle, c’est à dire scruter l’horizon de nos vies pour y déceler justement l’avent du royaume. C’est à dire non pas ce qui se trouve à la fin de l’histoire, comme en des temps improbables ou inaccessibles, mais ce qui se donne à vivre aujourd’hui même et là où nous sommes. Notre position de veille se doit être enracinée dans le présent et tendue vers demain, non pas engluée dans l’épaisseur des jours ou en fuite dans des rêves d’au-delà plus ou moins inquiétants, mais solidement arrimée à ce monde et à l’œuvre aujourd’hui, au nom du royaume qui vient.
Répétons le, il s’agit d’aujourd’hui il s’agit de maintenant, il s’agit de l’instant même parce que c’est aujourd’hui, maintenant, à l’instant même.
Soyons conscient que nous ne pourrons jamais suspendre l’amour à un porte-manteau. Il faut entendre par là qu’il n’est pas possible d’attendre et d’atteindre Dieu sans le laisser s’enraciner au plus profond de nous. Pour que Dieu devienne une réalité de l’histoire, et qui compte, et qui tienne la première place, et qui aimante et oriente toute la vie, il faut nécessairement qu’il s’enracine en nous , il faut nécessairement que nous devenions l’espace où sa vie pourra se répandre.
Veiller et se tenir prêt c’est devenir le berceau , c’est devenir la couche de paille, c’est devenir l’étable de Bethléem de Jésus en offrant à nos frères et soeurs en humanité cette révélation silencieuse de l’amour fraternel et éternel. Il n’y a pas pour eux normalement d’autre chemin vers Dieu.
« Rejetons les activités des ténèbres, revêtons-nous pour le combat de la lumière » nous a dit Paul. Voilà, se tenir prêt pour le combat de la lumière c’est à dire pour ce qui se voit ; plus la nuit est noire, plus la lumière brille. Dans les ténèbres de la forêt, le chêne gigantesque reste invisible, mais le ver luisant resplendit de loin. Mais la lumière n’est pas seulement ce qui se voit, c’est encore ce qui rassure et qui réjouit.
La lumière est le principe de la joie et de la beauté dans l’univers.
Nous devons, nous qui avons revêtu Christ, être lumière c’est à dire non pas être des moines vêtus de bure, ni des pleureurs, ni des espèces de fantômes bannissant la félicitée comme les épouvantails chassent les oiseaux… Par contre, parce que nous avons revêtu Christ, notre rôle est de mettre un ourlet flamboyant aux nuages noirs.
Parce que nous avons revêtu Christ, notre rôle est de mettre une auréole d’or autour des ruines de ce temps, notre rôle est de mettre un bouquet de couleurs à toutes les laideurs, et encore plus simplement, parce que nous avons revêtu Christ, notre rôle est d’amener un sourire à tous les visages…

Proposons-nous du moins, Durant cet Avent qui commence, proposons-nous de sourire à tout être, et de nous prêter joyeusement à tout ce qui pourra nous être demandé.
Ce sera un simple commencement en attendant, en veillant, en nous tenant prêt, à ce que « les montagnes distillent la tendresse et que les collines laissent couler le lait et le miel. »
Amen

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