Prédication du 05/01/20

Eph 3.2-6 :  -(si du moins vous avez entendu parler de l’administration de la grâce de Dieu qui m’a été donnée envers vous:   comment, par révélation, le mystère m’a été donné à connaître (ainsi que je l’ai déjà écrit en peu de mots;   d’après quoi, en le lisant, vous pouvez comprendre quelle est mon intelligence dans le mystère du Christ),   lequel, en d’autres générations, n’a pas été donné à connaître aux fils des hommes, comme il a été maintenant révélé à ses saints apôtres et prophètes par l’Esprit:   savoir que les nations seraient cohéritières et d’un même corps et coparticipantes de sa promesse dans le Christ Jésus, par l’évangile;

Chers frères et soeurs en Christ,
Aujourd’hui, la période de Noël culmine par une fête qui resplendit comme le soleil pour illuminer le monde entier : c’est l’Épiphanie. Ce mot, en grec, signifie  « la manifestation » ou encore « la révélation ». Ainsi il est possible d’affirmer que l’épiphanie est la révélation et la manifestation de la lumière qu’est pour nous Jésus le Christ de Dieu, Parole faite chair qui éclaire notre route. Nous fêtons donc la révélation du Dieu-fait-homme, du Sauveur du monde annoncé par les prophètes et tant attendu par le peuple des Ecritures. Et, cette révélation, l’apôtre Paul, au début de sa lettre aux Éphésiens, l’appelle « le dessein bienveillant de Dieu » qui pour l’apôtre est le mystère de la volonté divine. Et ce « mystère », pour Paul, n’a absolument rien à voir avec un secret que Dieu garderait jalousement pour lui. Au contraire, le mystère c’est son intimité, c’est l’intimité de Dieu dans laquelle il souhaite nous faire pénétrer, dans laquelle chacun d’entre nous est appelé à entrer…
Et ce dessein, Dieu le révèle progressivement. Nous pouvons découvrir tout au long des Ecritures, tout au long de l’histoire biblique, toute la longue, lente, patiente et progressive pédagogie que Dieu a déployée pour faire entrer son peuple, non pas un peuple particulier, mais bien chacun de nous, dans ce mystère, dans son mystère.
Bien sûr, avec le Christ  révélé, incarné en Jésus de Nazareth, cette révélation a franchi une étape décisive.
Et lorsque Paul précise que « Toutes les nations sont associées au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse dans le Christ Jésus » nous pouvons entendre, dire et préciser que l’Héritage, c’est Jésus-Christ…que la Promesse, c’est Jésus-Christ… Que le Corps, c’est Jésus-Christ… Voilà ce qu’est le dessein et le projet bienveillant de Dieu à savoir que Jésus-Christ, qui est héritage, promesse et corps, et bien Jésus Christ devient ainsi le centre du monde puisque toutes les nations nous dit Paul sont réunis en lui. Ainsi, lorsque nous proclamons le Notre Père et que nous disons « Que ta volonté soit faite », c’est bien de ce projet de Dieu que nous parlons et de rien d’autre. Et, peu à peu, à force de répéter cette prière, nous nous imprégnons du désir de ce Jour où enfin ce projet sera totalement réalisé. Là est bien notre espérance et en cela est notre foi. Nous oublions trop souvent que cette dimension universelle du plan de Dieu a été l’objet d’une découverte progressive par les hommes et les femmes des Ecritures que l’on fait remonter à Abraham avec la promesse de bénédiction de toute l’humanité  : « En toi seront bénies toutes les familles de la terre » comme le précise le livre de la Genèse. Et le passage du prophète Esaïe qui est lu en cette fête de l’Épiphanie est exactement dans cette ligne.
« Les nations dit Esaïe marcheront vers ta lumière,
et les rois, vers la clarté de ton aurore.
Lève les yeux alentour, et regarde :
tous, ils se rassemblent, ils viennent vers toi ;
Les trésors d’au-delà des mers afflueront vers toi,
vers toi viendront les richesses des nations.
ils annonceront les exploits de l’Eternel. »
De même, Matthieu, dans l’évangile de la visite des mages, nous dit exactement la même chose.
Nous signifiant en cela que la visite des Mages est le symbole, que l’humanité est entrée en et par Jésus, dans une Nouvelle Alliance, un nouveau pacte qui ne s’adresse plus à un peuple particulier. Elle s’adresse à des personnes, à chaque personne de toute nation et de toute langue. Et, elle suppose un libre choix dans un acte sans cesse renouvelé de foi et d’amour.
En ce sens,cette Nouvelle Alliance est vraiment universelle. Et non seulement elle ne limite plus Dieu à un peuple, à son histoire, aux lenteurs de son progrès et à la tolérance de défauts qu’il n’est pas encore possible d’extirper, mais elle interdit à tout humain lui-même de se limiter, elle lui demande de se faire un cœur sans frontière, capable d’accueillir le monde entier et de prendre soin des autres comme de soi-même…
Il y a donc une différence énorme entre l’Ancienne et la Nouvelle Alliance, qui nous deviens merveilleusement sensible comme dans l’entretien de Jésus avec la Samaritaine. Désormais, il ne s’agit plus d’adorer Dieu à Jérusalem ou en Samarie, selon tel rite ou tel autre.  Désormais, il faut l’adorer en esprit et en vérité, avec son cœur et dans son cœur. Dieu n’est plus enfermé dans l’histoire ou la géographie d’une nation. Il est une source qui jaillit, au plus profond de nous-même, en vie éternelle.
C’est bien ce que signifie l’arrivée des Mages à Bethléem. Alors que les habitants de Judée les considèrent comme des incroyants impurs et méprisables, ces gens d’ailleurs sont appelés, au même titre qu’eux, au royaume de Dieu.
Au final, à travers cette Epiphanie «manifestation » et « révélation » l’Evangile nous dit et nous précise que notre foi en Christ n’est pas, n’est en rien et ne sera jamais un monopole.
L’Évangile ne peut pas être un monopole car il est ce Logos, cette pensée neuve qui est en capacité de rendre raison à la raison étroite de notre temps devenue folle. La parole évangélique est destinée à bousculer et à hanter les discours insensés de la bien-pensance suffisante. L’Évangile est cette parole originale, qui pense toute chose à partir de la fin, ce qui, dans une infinie espérance, revient à inscrire cette fin dans notre temps présent…
Voilà pourquoi « le mystère du Christ » comme l’appelle Paul doit et peut poser le problème humain pour tous les gens qui ne sont pas chrétiens mais qui ont la possibilité de le devenir.
Ainsi, ce n’est pas l’actuelle déchristianisation massive de l’Europe qui doit nous inquiéter. C’est plutôt de savoir pourquoi l’Évangile est trop souvent considéré par le plus grand nombre, même parmi nous, comme une vision particulière du monde liée à une histoire passée. Une vision particulière du monde qui a envie de s’écrier avec le poête Arthur Rimbaud : « Hélas ! L’Évangile a passé ! »
C’est oublier que « le mystère du Christ » est un retournement qui met l’origine non pas derrière mais devant nous. Un retournement qui regarde vers l’origine pour apercevoir ce qu’elle fait commencer pour nous qui sommes au temps de la fin. Et qui fait résonner Alors, ce que dit si bien le livre de l’Apocalypse « ne scelle pas les paroles prophétiques du livre de la Vie, car le temps est proche ».
Si notre monde n’entends plus l’Evangile c’est parce que le langage de notre monde épuisé est de plus en plus réduit à de l’institué, est de plus en plus réduit à des « discours idéologiques », à des « supposés dogmatiques » à des « éléments de langage »… Partout la parole est sommée de dire ce que l’on attend d’elle… La « bien-pensance », devenue ridicule comme un canot de sauvetage du Titanic, n’a rien à voir avec le « bon sens » auquel nous invite Paul dans sa lettre à Tite car le « bon sens » s’entend littéralement de ce qui laisse advenir un sens ouvert à savoir l’inattendu et même le non-entendu, c’est à dire littéralement un sens inouïe, ce qui n’a rien à voir avec un quelconque sensationnel.
Dorénavant, et parce que justement l’époque le rend inaudible, si l’Évangile parle, c’est uniquement parce qu’il offre les ressources d’une pensée permettant réellement de vivre. C’est parce qu’il offre une pensée permettant de vivre rien que moins que la vie du Christ, en faisant de soi un espace illimité où la présence divine se respire. C’est parce qu’il offre une pensée permettant de comprendre que croire, c’est donner son coeur à une cer­taine lumière parce que nous avons découvert que c’est elle qui donne une solution à absolument tous les problèmes humains.
Voilà pourquoi nous avons à aider nos proches, tous ceux que nous côtoyons, à réaliser, une bonne fois pour toute, que Jésus comme Christ est celui qui ne peut rien posséder, celui qui n’a rien parce qu’il donne tout, celui qui peut être intérieur à nous-mêmes parce qu’il n’a pas de chez lui, celui qui n’existe que pour nous promouvoir à notre liberté en nous libérant de nous-mêmes. En mot, celui, dont Paul a pu dire : « Pour moi, vivre, c’est Christ ».
C’est à cette compréhension là que nous appelle le « mystère du Christ ». Nous sommes appellé à ne pas oublier que Dieu s’incarne en nous, qu’il s’incarne en toute créature, que c’est là son mode normal et on peut dire exclusif de manifestation et que l’Incarnation, le Verbe fait chair, la parole faite humanité c’est seulement le cas limite, d’une communication de Dieu qui, en Jésus, atteint un extraordinaire et merveilleux sommet.
Jésus n’est pas venu pour nous détourner de la vie, de cette vie, de cette vie quotidienne, de nos activités qui sont souvent notre gagne-pain, et du pain que nous mangeons en nous assoyant à la table commune. Jésus est venu pour que nous ayons la vie et qu’elle soit débordante, pour que sa joie soit en nous et que notre joie soit parfaite. Il ne s’agit donc pas, pour être un chrétien convaincu et parfait, de se retrancher de la vie, mais au contraire de d’aimer cette vie avec passion, de la vivre avec plénitude, et d’en faire à chaque pas, même les plus difficiles, un chef-d’œuvre de lumière et d’Amour.
Voilà pourquoi nous devons tous être les porteurs du « mystère du Christ ». C’est à dire que nous devons être des porteurs d’Evangile… Ceci nous concerne tous, et nous avons des raisons d’autant plus impérieuses de le faire que l’Évangile est de plus en plus incompris et discrédité.
Faisons notre ces paroles de l’apôtre Paul qui doivent nous inspirer :
« Je me suis fait un point d’honneur, dit Paul, de n’annoncer l’Évangile que là où le nom du Christ n’avait pas encore été prononcé, pour ne pas bâtir sur les fondations qu’un autre avait posées. Ainsi je me conforme à ce qui est écrit : « Ils verront, ceux à qui on ne l’avait pas annoncé, et ceux qui n’en avaient pas entendu parler comprendront » (Rm 15, 20-21).

Réalisons que Dieu attend notre collaboration à son dessein bienveillant : les mages ont aperçu une étoile, pour laquelle ils se sont mis en route ; pour beaucoup de nos contemporains, il n’y aura pas d’étoile dans le ciel, mais il faut des témoins de la Bonne Nouvelle. Nous devons être ces porteurs pour pouvoir proclamer comme Paul :
« Toutes les nations sont associées au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse dans le Christ Jésus par l’annonce de l’évangile ».
Amen

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