Prédication du 15 mars 2020

Romains 5.1-8 : Etant donc justifiés par la foi, nous avons la paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus-Christ, à qui nous devons d’avoir eu par la foi accès à cette grâce, dans laquelle nous demeurons fermes, et nous nous glorifions dans l’espérance de la gloire de Dieu. Bien plus, nous nous glorifions même des afflictions, sachant que l’affliction produit la persévérance, la persévérance la victoire dans l’épreuve, et cette victoire l’espérance. Or, l’espérance ne trompe point, parce que l’amour de Dieu est répandu dans nos coeurs par le Saint-Esprit qui nous a été donné.
Car, lorsque nous étions encore sans force, Christ, au temps marqué, est mort pour des impies. A peine mourrait-on pour un juste; quelqu’un peut-être mourrait-il pour un homme de bien. Mais Dieu prouve son amour envers nous, en ce que, lorsque nous étions encore des pécheurs, Christ est mort pour nous.

Chers frères et sœurs en Christ,
«Par Jésus Christ, nous avons la paix avec Dieu. »
Par ces mots que nous venons d’entendre, Paul veut nous dire que la paix avec Dieu c’est la paix conclue entre chacun de nous et Dieu. Et l’expression de cette paix nous amène à modifier notre comportement.
Par conséquent, la paix avec Dieu, ce n’est pas simplement un sentiment joyeux de bonheur qui serait susceptible d’exprimer à travers ce que nous sommes au quotidien.
Bien sur, qu’un tel sentiment peut accompagner l’expression de cette paix; mais il ne la constitue pas. Ce qui la constitue, c’est, bien évidemment et avant tout la foi, et même la foi seule.
« Par Christ, nous précise Paul, nous avons, par la foi, accès à cette grâce. »
Paul souhaite nous transmettre ce qu’il a lui même vécu. Paul souhaite que nous comprenions ce que cela signifie que d’être «mis à part pour le Message de Salut de Dieu».
Lui qui a été ramené dans ses limites. Lui qui a été aboli en tant que Saul. Lui qui en devenant aveugle, s’est mis alors à aimer Dieu, l’a ensuite reconnu comme son Créateur et son Sauveur, et, de surcroît, et c’est bien ce qu’il essaye de nous transmettre il s’est mis à le reconnaître comme le Créateur et le Sauveur de tous les hommes.
Voilà pourquoi, il sait ce qu’il fait quand il insiste sur cette notion devenue un des leitmotiv des réformés à savoir «par la foi seule ». C’est dans la foi et dans la foi uniquement que Paul a trouvé, lui-même, «l’accès » qui mène à la paix avec Dieu. Paul sait ce qu’il fait quand il désigne, sans cesse, cette porte, en disant « par Lui» à savoir « par notre Seigneur Jésus-Christ » car ce n’est que par l’œuvre de Dieu en lui, ce n’est que par la vision du Crucifié Ressuscité, qu’il a cru, qu’il croit et qu’il est dans la foi…
La paix avec Dieu de l’homme nouveau, car c’est bien de cela dont il s’agit, tel cet homme nouveau qu’est devenu Paul, et tel que chacun de nous est appelé à devenir, une telle paix surpasse toute raison. De même que l’amour infini de Dieu surpasse toute raison. De même aussi que l’espérance qui est fondée en cet amour surpasse toute raison. Incontestablement, l’homme nouveau, tel celui qu’est devenu Paul, et tel que chacun de nous est appelé à devenir, cet homme nouveau vit par la foi qui surpasse toute raison. Cela surpasse la raison, tout simplement parce que cette foi a sa source dans la résurrection du Christ qui devient visible dans la mort sur la croix. Et même, il est important de le préciser et de le dire avec insistance, seulement, uniquement et exclusivement dans sa mort sur la croix.
« Par lui, nous avons, par la foi, accès à cette grâce. »
Ces mots de Paul nous rappellent qu’aucune autre réalité n’est susceptible de paraître à côté de ce sens unique et exclusif du Christ. Aucune réalité, ni la personnalité de Jésus telle que nous la rapporte les évangélistes, ni le Sermon sur la montagne, ni la guérison des malades, ni ce que l’on entend par l’amour fraternel, ni la lutte de Jésus contre la religion traditionnelle, ni son invitation à l’imiter dans la pauvreté, ni le côté social, ni le côté individuel… Rien de tout cela ne brille de sa propre lumière. Par contre, tout cela brille dans la lumière qui provient de la mort sur le bois de la croix. Comprenons le bien. Aucune ligne des écritures ne peut se comprendre sans la lumière qui provient de la croix. Et même le royaume de Dieu, c’est le royaume qui commence juste au-delà de la croix, c’est à dire au-delà de toutes possibilités humaines susceptibles d’être saisies comme« religion» ou comme «vie », comme positon qu’elle soit orthodoxe ou libérale, comme amour ou comme mépris des hommes.
Tout cela brille dans la lumière qui provient de la mort sur le bois de la croix parce qu’incontestablement « Christ est mort pour nous ».
« Pour nous » : Comprenons bien ces deux mots. « Pour nous » dans la mesure où cette mort est le lieu où se produit la réconciliation avec Dieu, le lieu où se produit la paix avec Dieu.
C’est en cela que le Christ vient à notre rencontre. C’est en cela que d’une manière si étonnante, si paradoxale, le Christ vient nous apprendre la passion de l’homme. Réalisons cela : « Christ est mort pour nous » parce qu’il croit en l’homme, parce qu’il croit à chacun de nous, qu’il y croit infiniment, qu’il y croit même jusqu’à donner sa vie, qu’il y croit jusqu’à la mort sur le bois de la Croix.
« Christ est mort pour nous » parce qu’il veut sauver la dignité et la grandeur de chacun de nous. « Christ est mort pour nous » pour nous rappeler que ce qui importe, c’est ce devant quoi il s’est mis à genoux au lavement des pieds à savoir justement la grandeur et la dignité de chacun de nous. « Christ est mort pour nous » après cette effroyable agonie, pour faire contrepoids à tout ce qui nous empêche de l’atteindre, jusqu’à lui-même, dans cette humanité qui doit être la notre afin de réaliser non seulement notre propre grandeur et dignité  mais aussi et surtout celles de tous nos frères et sœurs en humanité.
Paul, parce qu’il l’a lui même vécu, Paul comme homme nouveau, par son témoignage, Paul veut que nous comprenions bien que ce qui est prodigieux dans le Christ, c’est que sa passion, cette passion à laquelle ce temps de Carême nous prépare, cette passion du Christ est une passion pour l’homme, c’est à dire une passion pour chacun de nous, les présents et les absents, les visibles et les invisibles. Et, cela est prodigieux parce que cela représente une estime extraordinairement infinie pour chacun de nous.
« Par Christ mort pour nous, nous avons, par la foi, accès à cette grâce. » Ces mots de Paul sont prodigieux. Cela est prodigieux en effet de réaliser que la passion du Christ, c’est le coup de grâce, le coup de la grâce absolue, le coup du pardon et de l’estime infini « pour nous », pour chacun de nous.
La passion du Christ, c’est le coup de grâce, le coup de ce pardon et d’estime infini qui nous « a été accordée en Lui de toute éternité ». Le coup de ce pardon infini qui nous permet de prendre la résurrection au mot a savoir la possibilité de ce qui nous semble si naturel mais qui l’est beaucoup moins qu’il n’y paraît, c’est à dire la possibilité de se réveiller et de se lever.
Le coup de ce pardon infini qui nous permet de réaliser que la « résurrection » c’est la Vie qui se réveille à l’appel de la foi. C’est effectivement prodigieux de réaliser que le coup de grâce c’est le Crucifié « relevé » en Ressuscité qui nous révèle que la perte est la manière qu’a la Vie de se donner.
C’est tellement prodigieux que comme le rajoute Paul : « cela nous rends ferme et fort, et même; cela nous glorifie à notre tour dans l’espérance de la gloire de Dieu. »
Cette espérance, il nous faut la garder en mémoire et même, il nous faut en respirer si l’on ne veut pas tomber dans l’inquiétude qui est la marque de notre époque.
Convenons que puisque «par Jésus Christ, nous avons la paix avec Dieu», alors l’inquiétude, le tourment, l’anxiété ne peuvent pas être nos amies. De même que la panique ne peut pas être notre chemin. Il y a longtemps que le livre des Proverbes nous l’a signifié : « Si tu défailles au jour de l’adversité, ta force est petite ». En disant cela, Salomon ne voulait pas qu’il soit dit que le peuple de Dieu est gouverné davantage par la crainte que par la foi. Et depuis, tous les prophètes n’ont cessé de nous le rappeler : l’inquiétude ne vide pas demain de ses peines, mais par contre l’inquiétude vide aujourd’hui de sa force. L’inquiétude n’a jamais rien accomplit si ce n’est l’affaiblissement du cœur et de la tête. D’autant plus que « par Christ mort pour nous, nous sommes rendus fermes et forts, et même nous sommes glorifiés dans l’espérance de la gloire de Dieu. » Autrement dit, en temps de crise, le monde a besoin de nous, fortifiés par la grâce de Dieu et rendus altruistes par la puissance de Dieu c’est à dire par toutes les possibilités qu’il nous offre. Cela signifie que si nous devons rester en alerte face à tous les virus que ce soit ceux des idéologies mortifères, des économies licencieuses et des maladies endémiques, nous inquiéter ne changera en rien nos circonstances ni ne diminuera nos risques d’être, à notre tour, infectés. Par contre, quelles que soient les circonstances, nous connaissons Celui qui a vaincu le péché et la mort pour nous afin que nous soyons glorifiés dans l’espérance de la gloire de Dieu. Dés lors, nous sommes appelés à une grandeur infinie en décollant de nous-mêmes, en cessant de nous regarder, en nous tournant vers ce trésor intérieur à nous-mêmes, en rendant un culte dans la vie des autres à cette Présence infinie qui les consacre et qui rend leur dignité inviolable. Dans la foi, Dieu a besoin de chacun de nous parce qu’il n’accepte pas la défaite du monde.
Comment ne pas penser, en disant cela, à la prière qu’écrivait  la jeune hollandaise Etty Hillesum avant de mourrir à Auschwitz : « Je vais t’aider, mon Dieu, à ne pas t’éteindre en moi, mais je ne puis rien garantir d’avance. Une chose, rajoutait-elle, cependant m’apparaît de plus en plus claire : ce n’est pas toi qui peux nous aider, mais nous qui pouvons t’aider – et ce faisant nous nous aidons nous-mêmes. C’est tout ce qu’il nous est possible de sauver en cette époque, et c’est aussi la seul chose qui compte : un peu de toi en nous, mon Dieu. Peut-être pourrons-nous aussi contribuer à te mettre au jour dans les cœurs martyrisés des autres…Il m’apparaît de plus en plus clairement à chaque pulsation de mon cœur que tu ne peux pas nous aider, mais que c’est à nous de t’aider et de défendre jusqu’au bout la demeure qui t’abrite en nous. »
Effectivement, dans la foi, Dieu a besoin de chacun de nous parce qu’il n’abandonne pas l’humanité et le monde à leur sort. « Par Christ mort pour nous, nous sommes rendus fermes et forts, et même nous sommes glorifiés dans l’espérance de la gloire de Dieu. » Sa Parole doit rester vivante et agissante. Sa Parole qui parcours toutes les Ecritures est une prédication, un « comme l’appelle Paul et non un manuel de doctrines. Voilà pourquoi, Dieu nous sauve malgré la Croix, en dépit du crime horrible quelle constitue qui est celui de notre opposition en tant qu’être humains à sa parole divine. Dieu nous sauve malgré la Croix, en dépit du drame que constitue notre désobéissance, dans le refus d’entendre sa Parole. Mais qu’importe, car quoiqu’il arrive et quelles que soient les circonstances de notre temps, désormais, comme nous le dit Paul : « Dieu prouve son amour envers nous, en ce que, lorsque nous étions encore des pécheurs, Christ est mort pour nous ».
A lui soit la gloire.
Amen

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