Prédication du 17 mai

1 Pierre 3.15-18 : Reconnaissez, dans votre coeur, le Seigneur c’est-à-dire le Christ comme le Saint ; si l’on vous demande de justifier votre espérance, soyez toujours prêts à la défendre, avec humilité et respect, et veillez à garder votre conscience pure. Ainsi, ceux qui disent du mal de votre bonne conduite, qui découle de votre consécration au Christ, auront à rougir de leurs calomnies.  Car il vaut mieux souffrir en faisant le bien, si telle est la volonté de Dieu, qu’en faisant le mal.

Le Christ lui-même a souffert la mort pour les péchés, une fois pour toutes. Lui l’innocent, il est mort pour des coupables, afin de vous conduire à Dieu. Il a été mis à mort dans son corps mais il a été ramené à la vie par l’Esprit.

Chers frères et sœurs en Christ,

Aujourd’hui, l’apôtre Pierre nous interpelle pour nous faire comprendre que nous devons, en tant que chrétiens, en tant que disciple du Christ, nous devons être prêts à nous expliquer devant tous ceux qui nous demandent de rendre compte de l’espérance qui est en nous.

C’est ainsi, selon l’apôtre Pierre, que le procès fait à Jésus et qui l’a amené à la torture, à la vindicte et à la mort, ce procès devient le procès de l’espérance où l’Esprit en est l’avocat et où chacun de nous en devenons les témoins.

« Soyons toujours prêts à défendre notre espérance devant ceux qui nous en demandent compte ».

Entendons nous bien, ce procès de l’espérance nous engage forcément dans une entreprise aléatoire comme le sont tous les procès. Nous sommes loin et même à l’inverse des leçons de morale ou de théologie qui donnent des réponses et des solutions et qui apportent des schémas dans lequel si nous faisons ceci, il se produit cela.

il ne s’agit pas d’épiloguer d’une espérance en général ou qui se situera dans un quelconque futur lointain , dans une hypothétique fin des temps. De même qu’il ne s’agit pas de parler d’une espérance de n’importe quelle illusion pour n’importe quelle utopie… 

L’espérance dont nous devons rendre des compte c’est celle qui est en nous. Celle qui est en chaque chrétien. C’est à dire l’espérance enracinée dans la foi au salut de Dieu en Christ comme nous l’a si bien expliqué Paul. Il est d’ailleurs significatif que lui-même attribue son appel apostolique à l’espérance de la gloire éternelle c’est à dire à la résurrection même des corps comme à la résurrection de toute la création.

Ce qui signifie que cette espérance, qui est la notre et dont nous sommes les témoins, cette espérance est la victoire de l’imprévu. C’est l’inattendu de l’esprit. Rien n’est fait d’avance à savoir qu’elle accepte toutes les réponses, tous les aléas, pourvu qu’il y ait avancée, pourvu qu’il y ait création.

Aucun événement passé, aucune circonstance, aucun déterminisme, aucun fatalisme ne dicte ni ne détermine de façon nécessaire ce que nous pouvons et ce que nous devons vivre. Mais l’espérance affirme seulement que nous pouvons en effet vivre les événements qui sont constitutifs de chacune de nos vies. Voilà pourquoi Pierre nous suggère de ne pas parler en premier ;  Soyons toujours prêts… devant ceux qui nous en demandent compte ». Nous devons être d’une grande discrétion pour nous contenter de répondre aux questions de notre entourage. Cela fait penser à cette phrase attribuée à divers auteurs, mais qui n’en reste pas moins très suggestive : « Ne parle que si on t’interroge, mais vis de manière à ce qu’on t’interroge. »

Autrement dit, les interrogations ne peuvent germer que si notre vie tout entière est effectivement un témoignage d’espérance afin que ceux qui nous voient vivre se demandent d’où elle nous vient.

Comprenons et entendons bien que sans nous, sans notre témoignage, sans l’expression de notre espérance, ce monde dans lequel nous sommes et dans lequel nous vivons ne peut rien savoir de Jésus le Christ de Dieu. Nous avons la fâcheuse tendance à oublier que si Jésus a pris possession de l’Histoire, lui qui n’a rien écrit, ce qui en soit reste une bonne chose… si Jésus a pris possession de l’histoire, c’est à travers tous les témoins que nous sommes et à travers toutes les communautés qui le rendent présent et qui affirment que nous sommes, comme témoins, comme communauté et comme église, envoyés pour le donner et le faire connaître au monde.

Et lorsque Pierre, là dans son Evangile rajoute : « Le Christ lui-même a souffert la mort pour les péchés, une fois pour toutes. Lui l’innocent, il est mort pour des coupables, afin de vous conduire à Dieu. Il a été mis à mort dans son corps mais il a été ramené à la vie par l’Esprit. »

Pierre veut nous faire comprendre que si Jésus a pris possession de l’Histoire ce n’est pas simplement parce qu’il a été crucifié… Des crucifiés, à l’époque romaine, il y en avait tous les jours, partout et en nombre… Mais si ce crucifié a survécu, c’est uniquement par le témoignage des chrétiens, a qui il est apparu ressuscité. C’est à eux qu’il est apparu relevé de la mort selon qu’ils pouvaient comprendre pour leur permettre d’attendre l’événement essentiel qui allait changer leur cœur dans le feu de la Pentecôte. Sans ces témoins, aujourd’hui, on ne saurait rien.

Jésus n’est pas un philosophe. Il ne nous a pas amené une doctrine que nous pourrions séparer de lui comme il est possible de le faire avec toutes les philosophies, toutes les doctrines et toutes les idéologies.

Il y a longtemps que nous aurions dû comprendre que notre foi, que la foi chrétienne qui fait de nous des disciples de ce Jésus, Christ, crucifié et ressuscité et bien ce n’est pas un livre. Ce n’est pas un livre même si les Ecritures parlent de lui depuis Moïse et les prophètes comme l’explicite Luc.

Mais c’est une personne. Le ressuscité est une présence bien vivante. C’est une présence expérimentée, vécue par chacun, dans la plus simple et la plus particulière de nos relations. Réalisons bien, et c’est bien là l’enjeu du procès de l’espérance, réalisons que si l’humanité ne vit pas du Christ, et si le Christ ne vit pas dans l’humanité, il n’y a plus aucun moyen de l’atteindre car il ne s’agit pas, répétons encore une fois, de réciter une doctrine mais d’entrer en contact avec quelqu’un qui est bien vivant aujourd’hui là où nous sommes. Et il est chez tous ceux qui le vivent.

Voilà pourquoi les maux et les douleurs de notre monde, comme celui qui traverse notre planète actuellement, ne doivent pas être des excuses pour réduire notre engagement et notre ferveur. Lorsque nous commençons à douter des autres, à douter de la vie et de soi-même, quand nous nous mettons à douter de l’avenir et finalement à douter même de Dieu, alors le découragement engendre une sorte de certitude imprégnée de fatalité. Et, laisser la gangrène du désespoir s’installer à la faveur d’une perte de confiance envahissante c’est littéralement démissionner de notre rôle de témoin au procès de l’espérance.

Et nous voilà, alors, comme tout un chacun, terrifiés, comme nous le sommes actuellement, par la maladie et la mort sans autres secours que le tâtonnement d’un savoir médical désemparé à nous sauver d’une conjoncture aux conséquences incalculables dont les solutions nous échappent.

Nous oublions que le fait de mourir n’a jamais insulté, par principe, la condition humaine. Autrefois, en dehors des accidents malheureux de la vie, on mourait plutôt en famille, au milieu des siens. C’était un moment collectif auquel on ne s’habituait jamais, mais qu’on acceptait car dans l’ordre du monde. La mort était un choc et un étonnement, pas un scandale. Notre modernité a changé la donne. Aujourd’hui, trop souvent, et l’actualité nous la montré avec force et nombre, les murs blancs et les appareillages médicaux remplacent les familles. Il est évident que nous vivons plus longtemps, mais que nous mourrons bien plus seuls. Il est intéressant de noter combien l’affolement causé par le virus traduit une fuite éperdue devant le vide métaphysique auquel nous a conduits l’idolâtrie des biens matériels. Congédiant la gravité des choses, nous nous divertissons d’activités futiles et nous nous mettons à exalter de fausses valeurs dans lesquelles nous nous complaisons.

Et nous en délaissons l’esprit espérance que nous devrions faire voir. Et nous contentons de penser qu’il suffira, pour remédier à cela, d’en afficher quelques signes. Pour autant, notre foi n’est nullement faites de signes.

Dieu qui se révèle ne nous donne pas seulement des signes de ce qu’il est mais il se révèle lui-même dans sa réalité révélable. La croix, le bois de la croix du supplice n’est pas simplement un signe mais elle est bien, effectivement, la délivrance, la libération de tous les hommes. La résurrection, ce n’est pas un signe mais véritablement la victoire concrète sur la mort. Quand à la personne de Jésus, il n’est pas seulement le signe de ce que doit ou peut être la relation avec les autres hommes mais c’est certainement la présence de Dieu avec chacun de nous.

De toute façon, dans une société comme la nôtre, complexe, écrasante de médias et surtout exorbitée par les milliards de signaux venant de partout, dispersés partout, et par les millions d’images donnés par n’importe qui pour n’importe quoi, un signe ne signifie strictement plus rien. Ce n’est pas vrai que dans notre société de réseaux sociaux et asociaux devenus littéralement des décharges collectives, un signe provoque le sens. Les signes sont devenus des dérisions. Ce qui veut dire que prétendre donner des signes de la foi, de l’amour et de l’espérance ne signifie plus rien.

Mais comprenons bien, il ne s’agit pas de se taire, ou de se dissimuler. Il ne s’agit pas de s’assimiler au point de disparaitre. Il s’agit de rester le ferme et constant porteur d’une vérité qui n’est plus entendu et qui ne fait plus sens. Mais il s’agit pas non plus de modifier cette vérité parce que les autres n’y croient plus, ou qu’il est impossible de la partager avec eux. Le procès de l’espérance dans lequel nous sommes engagés ne nous demande pas d’abandonner devant la non compréhension de l’Évangile. Mais de nous abstenir de parler tant que l’on ne nous demande rien. De refuser de nous exprimer parce que l’on ne jette pas les perles devant les porcs. Convenons que quand Dieu se tait, il n’y a aucune raison d’être le faux prophète qui joue la comédie, et fait semblant qu’il parle.

Mais là encore ne faisons pas d’erreur. Ce n’est pas une abstention d’échanger entre frères et sœurs de la même espérance. Au contraire, plus que jamais il nous faut ensemble entrer dans la lutte de l’espérance avec Dieu. Plus que jamais il faut prier et méditer ensemble l’Écriture, et par là constituer un noyau chrétien plus solide, plus solidaire et plus fraternel. Mais abstenons nous de nous exprimer à ceux qui font la sourde oreille. Refusons de répondre aux questions fausses et vicieuses, exactement comme Jésus refusait des miracles ou répondait à côté des pièges qui lui étaient tendus. Et, in fine, sans jamais se décourager en dépit des circonstances n’oublions pas l’exhortation de Pierre : « Soyons toujours prêts à défendre notre espérance devant ceux qui nous en demandent compte ». Alors, vivons simplement pour qu’on vienne nous en demander compte.

Amen

Pasteur Jean-Paul Nuñez

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