Prédication du 13 septembre (Romains 13.1-5)

 Romains 13.1-5 : Que toute personne soit soumise aux autorités supérieures ; car il n’y a point d’autorité qui ne vienne de Dieu, et les autorités qui existent ont été instituées de Dieu.  C’est pourquoi celui qui s’oppose à l’autorité résiste à l’ordre que Dieu a établi, et ceux qui résistent attireront une condamnation sur eux-mêmes.  Ce n’est pas pour une bonne action, c’est pour une mauvaise, que les magistrats sont à redouter. Veux-tu ne pas craindre l’autorité ? Fais-le bien, et tu auras son approbation.  Le magistrat est serviteur de Dieu pour ton bien. Mais si tu fais le mal, crains ; car ce n’est pas en vain qu’il porte l’épée, étant serviteur de Dieu pour exercer la vengeance et punir celui qui fait le mal.  Il est donc nécessaire d’être soumis, non seulement par crainte de la punition, mais encore par motif de conscience.

Freres et soeurs en Christ,

« Que toute personne soit soumise aux autorités  car il n’y a pas d’autorité qui ne vienne de Dieu…»

Voilà une exhortation de Paul extraordinaire qui, en ces temps particuliers,  prends une résonance formidable…

Voilà un enseignement de l’apôtre Paul à première vue bien surprenant dans l’absolue soumission qu’il semble instituer !

Voilà un propos qui détonne complètement avec ce que Paul vient de nous exhorter auparavant dans sa lettre  en nous disant : « Ne vous conformez pas au monde présent ».

Voilà une parole qui détonne aussi dans la bouche de quelqu’un qui a déjà  été plusieurs fois  emprisonné,  et qui sera éliminé par les  autorités. Et cela pour la simple raison  qu’il  n’a jamais cessé de se positionner clairement, tout au long de ses écrits, « anti-légaliste » en montrant et démontrant  que la Torah est périmée, que la seule « loi » est l’amour, et que l’œuvre du Christ est de libérer chacun de nous…

Voilà une déclaration commenté des milliers de fois et dont une seule phrase a été retenu  de façon résumé  : « Tout pouvoir vient de Dieu! » « Omnis potestas a Deo ».

Cela est même devenu la caution parfaite, totale et le leimotiv de 17 siècles de coopération entre l’Eglise et l’Etat : « Omnis potestas a Deo »... Comme quoi le fait de prendre Dieu comme point de départ est une sacrée manœuvre politique.  Certes, on s’est livré à une casuistique extraordinaire pour expliquer que le pouvoir ne vient de Dieu  que si celui qui l’exerce y est arrivé d’une façon légale, légitime et pacifique… et surtout s’il exerce son pouvoir d’une façon morale et régulière.

De là une nécessaire soumission aux réalités existantes et, en particulier, aux hiérarchies et structures sociales.  Et voilà donc un enseignement qui, en fonction des circonstances, pourra devenir utile en tout cas abondamment utilisé, comme l’a fait, par exemple, notre ancêtre  Luther dans la guerre dite des paysans…

Mais voilà aussi un enseignement qui peut être embarrassant et gênant lorsqu’on a affaire à des tyrans… Et c’est ainsi que c’est avec beaucoup de délicatesse que nos anciens à Barmen  ou à Pomeyrol ont abordé cette relation aux autorités…

Retenons que toute la lettre de Paul  nous montre que l’oeuvre de salut de Dieu pour l’humanité est accomplie en Jésus-Christ, et en lui seul, une fois pour toutes. Celui qui a reçu cette parole sait alors que son salut ne se joue ni dans ce qu’il fait, ni dans ce qu’il pense, ni dans le monde, ni dans l’histoire. A la lumière de la Croix, la vie est libérée du poids du péché et de la mort, et cette même vie n’a pas d’autre sens que d’être, comme Paul le dit si bien « un culte raisonnable à Dieu ». A partir de ceci, il est évident qu’il ne plus y avoir de lecture littérale des Ecritures.

Toutes les Ecritures comme Parole du Dieu vivant, sont, quelles que soient les circonstances,  un point de départ, une adresse qui n’a pour seul but que de nous relever, de nous réveiller, de nous ressusciter.

Et c’est bien parce que  cette parole nous relève qu’elle est toujours Parole de Révélation. C’est en cela que c’est toujours une joyeuse annonce, une merveilleuse découverte, qui a pouvoir d’effacer les plis, les rides accumulés sur tous les fronts.

Ainsi, avec l’exhortation de Paul nous ne sommes pas là pour faire de la morale, nous ne sommes pas là pour édicter une loi, nous ne sommes pas là  pour élaborer une doctrine politique ou pour fonder une légitimité du pouvoir, ou encore pour théoriser le rapport des croyants à l’etat…mais nous sommes là  pour annoncer le fondement de notre foi à savoir Christ vivant et vainqueur de toutes les logiques mortifères.   Nous sommes là pour annoncer  Celui qui se révèle être l’Insoumis radical, dans son geste insurrectionnel du pain rompu et partagé avec tous et pour l’éternité.

  Nous sommes là pour annoncer  Celui qui va donner à entendre que si nous sommes effectivement dans le monde et l’histoire, la motivation de notre agir est en définitive le commandement nouveau et que par ce dernier  nous sommes en mesure de dépasser toute peur, toute crainte, toute inquiétude….

Car le commandement tout neuf, le commandement tout nouveau, sans précédent, se reconnaît dans l’histoire au fait qu’il est le contraire de tous les ordres. Oui, le contrordre d’absolument de tous les ordres au sens où pas un seul ordre social et même religieux ne peut subsister quand la pratique de l’amour fraternel du prochain devient l’unique norme du comportement universel.

Ce qui revient à dire que si nous pouvons nous soumettre ce n’est pas en avalant et en bénissant les décisions des autorités qui aujourd’hui sont souvent portées par les flux médiatiques rabâchés à l’infini.

Nous pouvons nous soumettre oui… mais en totale et pleine conscience comme le précise Paul et non  par crainte, par peur ou par contrainte.  Et être en capacité de se soumettre en totale et pleine conscience cela signifie qu’à tout moment nous sommes en capacité de discerner,  ce qui nous permet de comprendre la marche du monde dans lequel nous sommes.  Et si, pour prendre un exemple du ,moment, une autorité nous parle du fléau des maladies cardiovasculaires ou du cancer nous comprenons bien que c’est une affaire strictement médicale.  Mais si la même autorité évoque l’épidémie qui nous frappe, qui implique une responsabilité civique et donc des mesures collectives, alors, nous comprenons  bien  que c’est désormais une affaire politique. Et que chacun, comme citoyen, en devient concerné comme n’importe qui. Et nous sommes d’autant plus concernés que, sur le point précis de l’épidémie, l’autorité  politique comme médicale n’a jamais étalé aussi naïvement ses revirements et ses doutes…

Alors, devant l’obligation que se sont infligée nos autorités et gouvernements de faire quelque chose, et de le faire coûte que coûte,  il y  a urgence, en toute conscience, de se rappeler  que  notre Christ ne prêche jamais un monde bon,  ni un Dieu qui légitime l’ordre établi. Et au moment où nous sommes tous masqués, tous dissimulés, et au fond, tous muselés,  le discernement c’est comprendre que ce n’est pas notre liberté qui est bridée. Ni notre parole. Mais c’est l’éloquence des visages qui n’ont plus à partager que les yeux. C’est le reste de la bouche qui se tait. Cette bouche qui, habituellement, ne se contente pas d émettre des sons mais qui traduit les émotions avant de les articuler, qui exprime une tendresse, qui se crispe dans une grimace ou s’autorise une ambiguïté. C’est la Joconde qui, en chacune et chacun d’entre nous, n’a plus l’air ni de sourire ni de s’en abstenir. Réalisons bien, pour parler comme le philosophe Emmanuel Levinas, que c’est l’éthique du visage qui se voit amputée de sa part d’infini, qui se voit amputée  de cette part de Christ que chacun porte en soi.

« O mort, où est ta victoire ? O mort, où est ton aiguillon ? L’aiguillon de la mort, c’est le péché ; et la puissance du péché, c’est la loi.  Mais grâces soient rendues à Dieu, qui nous donne la victoire par  Jésus Christ notre maître Eternel  ! » Cette exclamation de Paul nous rappelle qu’aujourd’hui la peur est là certainement. L’inquiétude et la panique aussi, n’en doutons pas.  Mais, tapi derrière elles, c’est surtout  un possible triomphe de la mort qui anime la grande tentation suicidaire en  nous amenant à nous  distancer les uns des autres comme si nous n’étions que miasmes, glaires et sources d’infection. C’est l’aiguillon de la mort  qui voudrait nous condamner à une vie de zombies, gagnés par la méfiance, l’égoïsme, le repli et le sacrifice, hâtivement consenti sur l’autel de l’hygiénisme. Et, en oubliant ainsi les baisers de Jésus aux lépreux, aux fiévreux et autres eczémateux  qui, de Flaubert à Mauriac, ont inspiré tant de belles pages,  nous nous écartons de cette ouverture confiante à l’autre qui est le fondement même de notre foi.

Sauf retournement en faveur de la vie en Christ  avec ce qu’elle implique de liberté, d’espoir, de relations et de fraternité, il y a là une très mauvaise nouvelle à travers une soumission  qui n’a strictement rien à voir avec celle dont nous parle Paul.

Sauf retournement en faveur de la vie en Christ nous ne pouvons comprendre  que la vie n’est pas la vie si elle n’est que la vie…  C’est là pourtant le message de toutes les aventures humaines. C’est la sagesse de toutes les philosophies, vraiment toutes, en désaccord sur tout, sauf sur l’idée que l’humanité n’est jamais identité à soi, jamais égalité avec soi  et qu’elle n’est durable que si, soit par l’action, soit par la contemplation, soit par l’effort, soit par l’esprit divin, elle sort du confinement qu’est la vie à l’état natif pour aller vers l’autre, vers tous les autres, vers la relation. C’est le message du Verbe fait chair qui sans cesse nous enseigne que la vie ne vaut rien si elle n’aspire pas à la « bonne vie », c’est à dire à l’eu-angellion, à l’Evangile du Maître éternel pour l’amour du prochain.

Et réalisons que c’est bien contre tout cela,  qu’est en train de monter la panique épidémique, gonflée comme une énorme statue de Baal, dressée sur les pointes d’un virus devenu fou et qui rend fou jusqu’à nos autorités…

Alors soumission aux autorités oui, certes, mais en toute conscience que  la foi ne se satisfait jamais de ce qui est, même quand ce qui est vaut mieux que ce qui a été.  La foi suscite toujours l’aspiration à autre chose en contestant et bousculant les réalités existantes.   

Le Dieu qui demande à Caïn «où est ton frère ?» est un Dieu qui nous rends responsable, qui nous rends conscient de nos actes, de nos paroles et des conséquences qui en découlent. Le même Dieu qui parle à travers le Christ Jésus en disant « aime ton prochain comme toi-même » et « va et fais de même »continue à nous pousser dans le même sens. Il nous rends allègrement responsables. Le même Dieu inspire l’apôtre Paul pour nous dire à  plusieurs reprises que nous pouvons assumer nos responsabilités en toute confiance car, au préalable, Dieu nous a rendus libres.

Et l’exercice de cette responsabilité qui nous rend libre c’est  le refus de toute forme d’idolâtrie, c’est le refus  de toute confusion entre Dieu et toute réalité où se mele intérêts, désirs quelconques qui seraient élevés au rang de dieu…Et c’est cette responsabilité qui fait que nous sommes véritablement humain et non un automate, une étiquette, une catégorie  entre les mains d’un pouvoir ou un simple produit du milieu dans lequel il vit.

Ce qui veut dire que notre soumission ne peut jamais être ni aveugle ni une résignation. Car, si cela s’avère nécessaire  c’est justement cette même conscience qui peut nous amener parfois à désobéir…pour obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes comme le dit si bien  Pierre.

Alors soumis aux autorités oui mais en restant conscient que là où le commandement nouveau n’est plus aimée, comme disait Calvin, réside l’indice qu’une idolâtrie tente de prendre la place qui pourtant doit rester vide. Une idolâtrie se croit autorisé à se déclarer maitre de la liberté, de la dignité, du destin  ou de la vie d’autres hommes…. Une idolâtrie essaye de nous soumettre en nous masquant, dans tous les sens du terme, l’autorité même de Dieu. Là n’est pas la vie, là n’est pas la bonne vie, là n’est pas l’Evangile de Jésus, Christ éternel et Fils du Dieu vivant.

Amen

 

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