Prédication 18 octobre 20 (1 Thessaloniciens 1.1-5)

1 Thessaloniciens 1.1-5 : De la part de Paul, Silvain et Timothée à l’Eglise des Thessaloniciens qui est en Dieu le Père et dans le Seigneur Jésus-Christ: que la grâce et la paix vous soient données [de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus-Christ]!

Nous disons constamment à Dieu toute notre reconnaissance pour vous tous en faisant mention de vous dans nos prières.  « Nous nous rappelons sans cesse l’oeuvre de votre foi, le travail de votre amour et la fermeté de votre espérance en notre Seigneur Jésus-Christ, devant Dieu notre Père.  Nous savons, frères et soeurs aimés de Dieu, qu’il vous a choisis  parce que notre Evangile ne vous a pas été prêché en paroles seulement, mais avec puissance, avec l’Esprit saint et avec une pleine conviction. Vous savez en effet comment nous nous sommes comportés parmi vous à cause de vous.

Avec ces mots de Paul, nous venons d’entendre le début de la première prédication chrétienne.  Nous avons tellement l’habitude de voir les évangiles figurer en tête du Nouveau Testament que nous en oublions qu’ils sont postérieurs aux lettres de Paul. La passage de la lettre que nous venons d’entendre  a été écrite seulement deux décennies après la résurrection du Christ.  C’est la première fois qu’un écrit essaie de formuler  la découverte extraordinaire  du mystère de Jésus-Christ. Et cette révélation est annoncée très loin de Jérusalem dans la Macédoine actuelle. Avant d’arriver dans ce pays, Paul a déjà eu le temps de fonder des communautés dans toute la Méditerranée orientale comme nous le conte les Actes des Apôtres. Et partout, il s’exprime avec ces  mots :« À vous la grâce et la paix. À tout moment, nous rendons grâce à Dieu au sujet de vous tous »

A travers cette expression immense de respect, omniprésente chez Paul, et  adressée, là,  à une toute petite communauté chrétienne, nous avons ce qui incontestablement  motive l’action de grâce ainsi que la jubilation et la satisfaction  même quand il n’a pas que des compliments à se dire et à  se faire. Quels que soient les défauts, les imperfections, les travers  qui incontestablement existent entre les frères et soeurs des communautés chrétiennes, Paul qui le constate partout où il passe, nous demande avant même d’envisager un idéal de relations et de fonctionnements de comprendre et de voir que chaque communauté est, quoiqu’il en soit, sous l’action même de Dieu. Voilà pourquoi Paul rajoute :

« Rappelons nous,  sans cesse, le dynamisme déployé par notre foi, les travaux résultant de notre amour et la ténacité acquise grâce à notre espérance en notre Seigneur Jésus, Christ… parce que ce n’est pas sous forme de paroles que nous a été annoncé l’Evangile mais par le Souffle saint qui l’a porté avec puissance par toutes sortes de signes».

A travers cette exhortation Paul adresse là un véritable manifeste a la petite communauté chrétienne de Thessalonique, qui est exactement à l’image de la notre. Et, ce manifeste est particulièrement fort dans ce qu’il exprime.

L’Evangile ce ne sont pas que des paroles. L’Evangile c’est la vie. Et, affirmer, comme nous le faisons, habituellement que l’Evangile est une « heureuse annonce » cela signifie que la vie n’est vie qu’à se transmettre, et, qu’à se communiquer.

Convenons que si nous prenons le temps de demander autour de nous de quoi parle  l’Évangile, il y a de fortes chances que les réponses renverrons l’Evangile   au mieux à un message d’amour ou plus simplement  encore à la vie même de Jésus.

C’est alors oublier que bien plus qu’un message ou qu’une biographie, l’Évangile est une opération et une réalisation.

« ce n’est pas sous forme de paroles que nous a été annoncé l’Evangile mais par le Souffle saint qui l’a porté avec puissance par toutes sortes de signes».

Effectivement,  l’Evangile  agit en nous. Il ne délivre pas un contenu, mais il nous fait et signifie quelque chose. Car l’Évangile est à lui-même son propre à-venir à savoir celui d’être une parole d’encouragement et de joie qui nous est adressée, à chacun de nous, tel que nous sommes.

C’est à dire qu’il parle à l’intime de chacun.

Autrement dit, il parle  au lieu qui, en chacun, désigne ce qui est ou ce qui pourra être l’à-venir dans le sens de ce qui doit advenir, de ce qui doit s’accomplir. Alors, évidemment, nous avons du mal à comprendre cela parce que  le temps que nous vivons ne connaît pas, ne connait plus l’intime. L’individualisme narcissique de notre époque nous amène au  privé et même au privatif c’est à dire au repliement sur soi, sur notre petit ego. Ce qui nous prive de la possibilité même de faire du commun et donc d’être et de faire réellement communauté.

C’est pour nous prémunir contre cette illusion que Christ nous rappelle sans cesse que l’Évangile ne peut se faire entendre des « repus » mais uniquement des « pauvres de moi », c’est à dire de ceux qui souffrent d’une disette de vie vivante. Nous avons la fâcheuse tendance à oublier que l’Évangile ne parle qu’aux pauvres en existence, à ceux qui manquent à être, à ceux qui souffrent de ne pas exister.  Cela revient à dire que les « satisfaits » d’eux-mêmes, les narcissiques de ce temps, ceux qui comptent sur leur « moi » et leur « ego » pour exister, n’entendent plus l’Évangile comme Évangile.  Et si d’aventure il leur arrive de l’entendre, il leur fera, ou bien l’effet d’une « mauvaise nouvelle » moralisante, ou bien le réduiront-ils à des histoires incompréhensibles, voire même à des histoires pour enfants…

  Au moment où grandit le risque que l’Évangile devienne inaudible, nous devons nous demander  si l’interpellation du Christ : « Pourquoi ne comprenez-vous pas mon langage ? » n’est pas, plus que jamais, la question critique et décisive que nous devons nous poser. De fait, elle est d’autant plus importante  pour l’avenir de nos communautés que toutes les questions de morales comportementales que nous  n’arrêtons pas de nous poser…

Entendons bien que nous, chrétiens de souche,  pour ainsi dire, nous ne pouvons prétendre et encore moins affirmer que nous « comprenons » le langage de l’Évangile. En disant cela,  nous serions comme les interlocuteurs du Christ qui prétextent de leur appartenance à la descendance d’Abraham alors qu’ils se trouvent dans une complète inintelligence des Écritures. Et c’est bien parce que, dans leur vie quotidienne, qu’elles ne les touchent même pas que Jésus en revient à dire : « N’est-ce point parce que vous ne connaissez ni les Écritures ni la dynamique de Dieu que vous êtes allez de travers ? »

C’est bien parce que la parole de Dieu garde intacte son altérité  que jamais elle ne peut devenir homogène au savoir ou à la raison. Au contraire, plus elle se fait entendre, plus elle devient extraordinaire et merveilleuse. Et plus nous acceptons d’être dérouté par ce que nous entendons ou lisons plus notre écoute devient réceptive à l’extraordinaire, au merveilleux et à l’inouïe.  Ce qui relance d’autant plus notre écoute qui alors est synonyme de la foi.

Voilà pourquoi le juste rapport à cette parole n’est pas le commentaire, mais l’inspiration c’est à dire la présence du Souffle Saint   « qui l’a porte avec puissance par toutes sortes de signes».

Cela nous devons le retenir.

Le souffle saint jamais ne se confondra avec la raison. Le souffle saint jamais ne pourra être réduit  à une activité de l’intelligence. Parce qu’il porte l’annonce de l’Evangile « avec puissance par toutes sortes de signes» le souffle saint devient  la possibilité que chacun de nous a à sa disposition pour  ne pas subir son petit moi et son ego.

C’est la raison pour laquelle, là, dans sa première prédication, dans cette première lettre aux Thessaloniciens, Paul souligne en quoi, lui, comme tous les évangélistes se sont rendus à l’écriture de l’Évangile :« Rappelons nous,  sans cesse, le dynamisme déployé par notre foi, les travaux résultant de notre amour et la ténacité acquise grâce à notre espérance en notre Seigneur Jésus,Christ… parce que ce n’est pas sous forme de paroles que nous a été annoncé l’Evangile mais par le Souffle saint qui l’a porté avec puissance par toutes sortes de signes».

Autrement dit, réalisons que l’auteur véritable des Écritures ce n’est pas Paul, ni Marc, Matthieu, Luc , Jean ou autre…mais  c’est le Christ lui-même ou, plus exactement, cet autre du Christ, celui qui en est l’avoué, qui en est l’avocat, qui en est le porte voix,  à savoir le Souffle saint.

Jésus nous l’a parfaitement énoncé dans l’Evangile rapporté par Jean : « En venant,  le Souffle de vérité ne parlera pas en son nom mais transmettra ce qu’il a entendu et annoncera ce qui vient »

En ce sens, ce n’est pas une quelconque nostalgie qui souhaite tout retenir qui  pousse Paul comme tous les évangélistes, à écrire pour ne rien perdre de ce qui s’est passé dans un autrefois qui n’est plus.  Mais tous, tous  se sentent autorisés à inventer une parole qui assemble une parole entendue en son temps  avec ce qu’elle fait entendre d’inouï, de merveilleux et d’extraordinaire pour aujourd’hui et pour  les temps à venir. Certes, il est vrai que dès que nous parlons  d’invention et donc d’innovation cela  inquiète, dérange et même angoisse…  Pour autant, toutes les certitudes  qui s’incrustent dans le passé rendent la foi stérile. Dire et répéter : «  Hier ! », « Hier c’était bien… », « Hier, nos pères dans le désert recevaient la manne… », « Hier, nous étions une multitude… nos temples étaient pleins… »… Dire cela c’est oublier à ce propos les mots même de Jésus :  « Ils sont morts  ces gens dont vous parlez ! ».

Autrement dit, pour entendre la Parole encore faut-il écouter le présent. Effectivement  l’Évangile est le témoignage d’une conviction à l’oeuvre, là, présentement, au moment où nous parlons… Non plus hier, mais là… .

Voilà pourquoi Paul insiste pour que nous comprenions bien que l’Evangile ne nous est pas annoncé sous forme de paroles mais par le « Souffle saint qui le porte avec puissance par toutes sortes de signes». Ce qui signifie précisément qu’il ne s’agit pas de thésauriser  un passé qui quoiqu’on fasse n’existe plus, mais bien de puiser pour un  à-venir que nous devons inventer. Puiser sans fin car la parole du Christ nous révèle quelque vérité sur la possibilité de sortir de son petit moi pour advenir à soi c’est à dire à tous les autres.  Puiser sans fin  car la parole du Christ nous  dévoile, à travers Jésus le Fils de Dieu,  ce qu’il en est d’un Soi advenu enfin à lui-même.

Il y longtemps que nous aurions du comprendre que  si la parole humaine peut être accueillie comme parole de Dieu, c’est parce que celle-ci est une dimension de celle-là. Si nous ne comprenons pas cela alors nous ne pourrons pas saisir que si Dieu parle, si Dieu nous parle, c’est tout simplement pour attester que la  parole humaine peut réaliser pleinement la vocation de toute parole à savoir ouvrir à l’infini du possible offert à chacun et à toute communauté. Autrement dit,  la parole est dite « de Dieu » quand, grâce aux mots où s’échangent la promesse, la confiance, le pardon, la joie  c’est à dire en un mot  l’amour , alors cette parole est capable d’ouvrir une brèche, alors cette parole est capable d’inventer un nouveau possible. C’est à dire une nouvelle manière d’être soi avec les autres dans une commune union.  Une nouvelle manière d’être soi comme expression présente de la communauté  du bien aimé pour annoncer l’Evangile  porté par le Souffle Saint.

Amen

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