Prédication 20 juin 21 (2 Corinthiens 5.14-17)

2 Corinthiens 5.14-17 : C’est que l’amour de Christ nous presse, parce que nous sommes convaincus que si un seul est mort pour tous, tous donc sont morts.  Et s’il est mort pour tous, c’était afin que ceux qui vivent ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour celui qui est mort et ressuscité pour eux.  Ainsi, désormais, nous ne percevons plus personne de manière humaine; et si nous avons connu Christ de manière purement humaine, maintenant nous ne le connaissons plus ainsi.

Si quelqu’un est en Christ, il est une création nouvelle. Les choses anciennes sont passées; voici, toutes choses sont devenues nouvelles.

Cher frères et soeurs en Christ,

C’est extraordinaire de pouvoir  recevoir les mots de Paul à ses amis Corinthiens que nous venons d’entendre  :

« Si quelqu’un est en Christ, il est une création nouvelle. Les choses anciennes sont passées; voici, toutes choses sont devenues nouvelles. »

C’est d’autant plus extraordinaire d’entendre ces mots en ce jour où notre soeur K. a reçu son baptême. Le baptême est un geste que nous pratiquons dans nos églises, que ce soit pour des adultes ou des  enfants. En ce sens, il est d’ailleurs magnifique que nos Eglises chrétiennes, protestante, catholique ou autre reconnaissent le même baptême. Mais il y a là plus qu’un geste ou qu’un simple rite, c’est en soi tout un enseignement . Et comme cet enseignement  est le premier des sacrements de la vie,  il devient le geste qui dit la chose la plus essentielle, la plus fondamentale de toute la vie chrétienne, et même de toute notre vie en général. Et cela devrait nous habiter au lieu de nous évertuer à projeter sur le baptême ce qu’il n’est pas…

Jusqu’à Jean le Baptiste, tous ceux qui venaient à lui  étaient  plongés (d’où l’étymologie du mot baptême)  dans l’eau du Jourdain en signe de pardon pour leurs péchés. Ce geste hérité du  judaïsme a continué à être pratiqué dans le temps comme un rite d’ablution et de purification… D’ailleurs ce  rite juif n’était certainement pas pratiqué une seule fois dans la vie… Pour autant, Jésus, lui qui n’a en fait institué précisément aucun sacrement, Jésus lui qui n’a pas donné de liturgie, ni de consigne sur la manière d’organiser  la pratique religieuse, Jesus nous explique dans son dialogue avec Nicodème,  qu’il ne suffit pas d’être né de chair et de sang, mais qu’il faut naître de nouveau pour naître d’eau et donc d’esprit. Autrement dit il faut  entendre que notre dimension biologique n’est pas tout, mais qu’un être humain pour accomplir sa vocation doit aussi avoir une dimension spirituelle. Nous retrouvons cette idée  dans le livre des Actes des apôtres quand le chrétien baptisé était  alors plongé dans l’eau comme s’il était mort afin de ressortir comme né de nouveau…Cela pouvait faire sens et fait encore sens aujourd’hui pour ceux qui, se convertissant, abandonnent leur ancienne vie pécheresse pour naître à une vie nouvelle en Jésus Christ.  Et alors, l’eau de ce type de baptême a  le sens qu’elle peut avoir dans l’ensemble des Ecritures pour dire la mort, pour dire l’épreuve et le mal. Cette eau  est alors celle de du déluge qui détruit tout, celle de la mer où l’on risque de se noyer et  au fond de laquelle gisent des monstres marins terrifiants…

Pour autant, en Christ, tout a changé. Nous sommes passés du régime de la loi et des cérémonies à celui de la grâce et de la foi.

Paul nous l’a précisément dit : « Si quelqu’un est en Christ, il est une création nouvelle. Les choses anciennes sont passées; voici, toutes choses sont devenues nouvelles. ». Autrement dit, les signes ne sont plus là pour nous renvoyer  à une réalité à venir. Au contraire, en Christ, le signe posé, l’enseignement nous rappelle  non pas ce qui a déjà été accompli mais ce qui va advenir.

C’est d’ailleurs tout le sens de la petite quantité d’eau que nous posons sur la tête… Cette eau là  symbolise ce qui donne la vie. C’est l’eau de la rosée,  c’est la source qui sauve le promeneur perdu et mourant de soif, c’est l’eau de la pluie qui transforme le désert stérile en un espace verdoyant et fécond, c’est le puits, qui est la ressource d’un jardin merveilleux… Cette eau du baptême en petite quantité, c’est la vie offerte humblement par Dieu. Cette eau en petite quantité est la grâce de Dieu dont Jésus expliquera à la Samaritaine qu’elle va devenir une « source jaillissante pour la vie éternelle. »  Et elle est signe aussi de cette grâce universelle. En effet, la source dans le désert se donne au voyageur sans aucune condition de sa propre valeur. De même la pluie tombe de la même manière pour arroser le jardin du bon comme celui du méchant. Ainsi l’exhortation de Jésus à notre égard : « Soyez comme votre père qui est dans les cieux, qui fait pleuvoir sur les justes comme sur les injustes »

C’est en cela que le baptême est appelé « sacrement ». Il est  un signe visible de la grâce invisible de Dieu, donc un geste qui dit l’amour de Dieu pour nous. N’oublions jamais cette affirmation fondamentale de l’Evangile  que la grâce de Dieu est offerte à tous, et, de surcroît, comme son nom l’indique, elle est offerte « gratuitement », sans la nécessité du moindre mérite de notre part ou même que l’on en ait conscience. Dieu nous aime parce qu’il a choisi de nous aimer, et non pas parce que nous aurions su nous rendre aimables.

Voilà pourquoi notre foi chrétienne n’est pas d’abord une question de choix de ce qu’il faut croire, comme si on était une sorte de consommateur dans un supermarché spirituel. Notre foi est notre réponse à cette étonnante, extraordinaire et inouïe  découverte que nous avons déjà été choisis. Et, ce choix  précède notre foi et la détermine. Marie, Matthieu, Zachée, le brigand de Golgotha, Madeleine, Jean comme Paul  et une multitude d’autres, ont été élus non seulement avant de croire, mais même avant leur naissance, et même avant  « la fondation du monde », comme le dit si bien  l’épître aux Ephésiens.

Souvenons nous combien Paul n’a pas pris  le temps de peser les arguments pour  devenir ou  non chrétien. Dieu a fait brutalement irruption dans sa vie… Paul n’a pas eu grand-chose à dire sur la question.  Autrement dit, Dieu n’a pas besoin de nos sacrements pour nous donner sa grâce, et pas besoin de nos gestes pour nous aimer.

C’est cela le point de départ de toute notre vie chrétienne, c’est là dessus que l’on peut construire sa vie de chrétien, comme une réponse à la grâce, et c’est là dessus que nous pouvons vivre tout simplement, en sachant qu’un amour nous précède.

Et, qu’à partir de là nous pouvons grandir et avancer dans la liberté et dans la joie.

Voilà pourquoi Paul précise bien qu’en Christ nous devenons non pas comme le laisse entendre les traductions habituelles une « créature nouvelle » mais nous devenons  bien une « création nouvelle »… Une création qui attend son accomplissement du rayonnement du Christ à travers nous. Une création avec cette part d’infini qui caractérise  le chrétien comme créateur d’humanité.  Ou plutôt devrions nous dire le « christien »… C’est à dire le disciple de Christ, le disciple  du Messie c’est à dire de celui qui  a reçu l’onction de Dieu.

Tant nous sommes persuadé de le  savoir  il est dommage que nous ayons oublié ce que signifie être chrétien, ce que signifie être, en Christ, une nouvelle création.

L’appellation chrétien, « christos »  dans la langue grecque de tous les jours, était un mot employé pour décrire une qualité particulière d’huile d’olive. Plus précisément,  c’était un adjectif signifiant « qui convient pour l’onction ». C’est  dire que l’huile christos était une huile de qualité inférieure à celle qui convenait à la consommation alimentaire. Cette huile de consommation  d’ailleurs portait un autre nom.qui signifiait  « très fiable » ou « sans risque » autrement dit de qualité bien supérieure à l’huile que l’on utilisait dans les tâches domestiques.

Par conséquent, pour des oreilles communes, donner à quelqu’un le nom de christos ,donc de chrétien c’était comme le traiter de « sous-produit ». Et puisque nous parlons de l’huile d’olive ce serait aujourd’hui, contrairement à une huile « extra-vierge  pressée à froid »,   une huile de mélange « produit de différents pays de la communauté européenne ».  Ce qui, paradoxalement, convient tout à fait pour l’huile  christos qui symbolise l’unité de toutes les nations dans l’humilité du Christ.

C’est aussi la raison pour laquelle, pratique que nous avons oubliée,  les premiers chrétiens étaient frictionnés d’huile sur tout le corps, « des cheveux de votre tête jusqu’à vos orteils», précise le Père de l’Eglise Cyrille de Jérusalem. Il fallait  oindre, enduire totalement le corps d’huile  des baptisés  pour qu’ils soient assez glissants et insaisissables.   Ainsi, à l’égal du corps des lutteurs, les chrétiens devenaient les athlètes du Christ dans leur combat contre les pouvoirs des ténèbres… Pouvoirs des ténèbres, qui, devant notre  corps glissant et insaisissable ne peut pas avoir de prise sur nous, chrétiens …

Contrairement à l’amour du Christ qui lui justement nous saisit… Et même plus précisément comme l’affirme Paul : « L’amour du Christ nous empoigne quand nous pensons qu’un seul est mort pour tous »… Autrement dit être chrétien c’est sortir de la logique humaine pour ne plus se poser la question de savoir si nous parlons de l’amour du Christ pour nous ou de l’amour que nous portons au Christ.  Par contre, et, c’est bien cela qui est premier,  nous apprenons  à contempler celui qui «  seul est mort pour tous »  sur le bois du supplice.  Car effectivement, la croix  est le lieu  de la révélation de Dieu. Christ a accepté de mourir pour que nous connaissions Dieu tel qu’il est  car c’est sur la croix que nous voyons enfin son visage et que nous connaissons jusqu’où va son amour pour nous .

C’est sur la croix que nous voyons  l’amour qui survit à toutes les haines, toutes les jalousies, toutes les soifs de pouvoir et de domination. C’est contre toutes ces dérives humaines que Jésus a lutté tout au long de sa vie publique. Et c’est en luttant contre toutes ces dérives humaines qu’il est mort. Il a accepté d’affronter cet océan de violence humaine pour y révéler la douceur, la tendresse, le pardon de Dieu. En ce sens-là, nous pouvons dire, avec le prophète Esaie, qu’il a effectivement « été broyé par nos iniquités ».  Mais comprenons bien qu’en mourant pour nous, il ne compense rien, il n’expie rien. Il se révèle. Il s’agit bien d’une révélation tout simplement parce que la mort du Christ nous apporte la vie. Et il nous apporte la vie non pas parce qu’il aurait, comme on ne cesse de le dire et de le répéter,  payé le prix de nos fautes. Il nous apporte la vie parce que dans sa mort, nous connaissons enfin le  visage de Dieu.

Voilà pourquoi, comme le dit Paul, « Si quelqu’un est en Christ, il est une création nouvelle. »

C’est extraordinaire , c’est inouïe  c’est une chose merveilleuse  que chacun de nous soient ainsi appelés, comme cela se concrétise lors d’un baptême, que nous soyons appelés  pour être des créateurs de la vie humaine,  que nous soyons appelés  pour que cette vie humaine si grande, si secrète, si mystérieuse, si chargée d’attente et d’espérance, que cette vie promise à l’éternité soit confiée à notre amour…et que cette vie humaine soit remise  entre nos mains d’athlètes du Christ pour décider si le monde doit durer pour la gloire de Dieu.

Amen

Pasteur Jean-Paul NUNEZ

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