Culte proposé par Jean-Pierre Molina

Aujourd’hui nous sommes le premier dimanche de l’Avent ! Premier dimanche de quatre, 4 semaines, 4 marches qui conduisent à Noël.

L’Avent n’est pas biblique : il apparaît aux 5-6è siècles, d’abord sous forme d’un jeûne de 3 ou 5 semaines avant Noël ! L’idée est donc dès l’origine de (se) préparer (à) Noël. Dans la Bible, il n’y a pas de fête de Noël donc pas d’Avent, mais on y trouve l’affirmation que la venue (adventus) de Jésus est un accomplissement. Elle a été préparée par les prophètes anciens qui ont annoncé aux juifs : « Dieu, un jour, accomplira toutes vos espérances déçues et établira enfin une justice réelle ». En ce sens l’Avent n’est pas un rituel dévoyé par rapport à l’évangile.

Au 19è siècle, un pasteur a l’idée de faire patienter les enfants pressés de vivre la fête, en leur donnant une surprise chaque jour à partir du commencement de l’Avent. Cette surprise se présente sous la forme d’une image liée à un verset. C’est l’invention du calendrier de l’Avent qui, aujourd’hui, porte généralement sur 24 jours. À  chaque matin surprise et cadeau.

À mon anniversaire des amis m’ont offert un calendrier de l’Avent. Il n’a pas été conçu pour accompagner l’ancien jeûne des 4 semaines. Non, il me donne droit à ouvrir des petites fenêtres derrière lesquelles je découvre un Kinder-surprise chaque jour. Surprise et cadeau. Quelle joie!

Les parallèles

Ainsi le calendrier des églises et celui du commerce marchent parallèlement : on s’avance vers Noël et sur ce chemin, des cadeaux viennent à notre rencontre.

Dans la coutume chrétienne ces cadeaux sont des images, des symboles exprimant la grâce, autrement dit l’amour gratuit de Dieu. Dans le rituel commercial, ces cadeaux sont des incitations à acheter et consommer. Il ne s’agit plus du tout de gratuité car Noël et tout ce que cette date traîne avec elle est devenu une phase capitale de l’économie dans les pays occidentaux. En matière monétaire, Noël est une extraordinaire réussite. Un exemple de sécularisation, c’est-à-dire de traduction d’un message religieux dans la réalité profane. Quelqu’un m’a demandé : si tu avais la certitude que dans 20 ans, plus personne ne croira en ce que tu crois, est-ce que ce serait une catastrophe pour toi? Même si un humanisme en continuait les valeurs ? J’ai répondu : oui. Les parallèles ne sont pas par eux-mêmes constants. Il suffit de voir ce que devient Noël dans sa version néolibérale.

Quel écart entre les parallèles?

Dans le passage de Luc 21 Jésus appelle ses partisans à se préparer à la Fin (« apocalypse synoptique »). Tableau horrifique de catastrophes, digne des prédictions de nos spécialistes du changement climatique. Dans l’évangile ces catastrophes ne sont pas elles-même la Fin. Elles annoncent l’accomplissement des promesses de Dieu. L’horreur avant le bonheur, les douleurs avant l’accouchement. Et notre église nous appelle à lire l’avent dans ce texte. Jésus n’est pas un prophète de pacotille, ni ses témoins des faussaires. Sa prophétie s’est accomplie dans les temps : la fin du monde a eu lieu en 70 et encore en 90 : ruine du Temple, cœur de la religion juive (v.6) ; destruction de Jérusalem, capitale mondiale du Judaïsme ; fin du pays juif ; dislocation de son peuple. Ce monde n’est plus, nous pouvons tous le constater. Mais le grand accomplissement à venir après la catastrophe est encore en route, en Avent, car la justice à laquelle aspirait une partie du peuple juif est devenue notre aspiration, mais sans jamais s’accomplir de manière stable – nous pouvons tous le constater.

Du côté de la veuve :

Car il reste un problème, précisément à propos de cette justice : le sort des pauvres gens. Ici il faut parler de ce que certains économistes appellent le ruissellement, ce phénomène produit par l’expansion de la richesse des plus riches. Les plus riches en effet sont perchés en haut de la pyramide sociale. Comme ils ne peuvent pas avaler toute leur richesse, ils la laissent déborder d’une manière ou d’une autre, et en suivant le sens de la pente elle ruisselle sur les étages inférieurs jusque tout en bas pour le bien de tous. Grâce à la dépense des possédants, les pauvres consomment et, dans les meilleurs cas, produisent. Quand la pauvre veuve place ses petites pièces dans la collecte du temple, celles-ci sont noyées sous les grosses libéralités qui tombent des étages supérieurs, et quand elle n’aura plus rien, c’est encore d’en haut que la charité lui tombera dessus.

Ce système, Jésus en annonce la ruine complète : « Plus pierre sur pierre ». Comme la chute de la tour de Babel. Seulement si la veuve est encore en bas au moment de la chute, elle risque d’avoir très mal. Cette certitude établie par les prophètes est confirmée par Jésus : les changements désastreux sont plus durs pour les humbles, mais les révolutions progressistes aussi : « (à l’heure de la dévastation) que ceux qui seront en Judée s’enfuient dans les montagnes, ceux qui seront à l’intérieur de la ville qu’ils en sortent, ceux qui seront à la campagne qu’ils n’entrent pas dans la ville. (…) Malheureuses celles qui seront enceintes et celles qui allaiteront en ces jours-là car il y aura grande misère dans le pays… »( v.21-23). Ainsi, les grands malheurs qui précéderont la justice de Dieu ne seront pas eux-mêmes justes.

Et si le réchauffement climatique enfle de plusieurs degrés encore, les malheurs qui s’abattent déjà sur les populations frapperont les plus pauvres avant les plus pollueurs.

Dieu en Jésus est avec la veuve pauvre, pas dans l’abri le plus sûr contre les bombes, la fonte des glaces, la rareté de l’eau potable… Et l’apocalypse annoncée diffère des prophéties anciennes sur un point : elle n’est pas présentée comme un châtiment envoyé par Dieu. D’ailleurs les disciples de Jésus sont au 1er rang des victimes. Et le cadeau que Jésus promet à ses amis n’est pas la vie sauve mais…le courage ( v.9 : « ne soyez pas effrayés » ,v.28 : « redressez la tête… »  ) ! Si notre monde sombre dans la catastrophe, la foi ne fait pas de nous des épargnés mais des témoins de la délivrance promise (v.13). C’est le message de l’Avent en 2021 : on va tous dans le mur mais Dieu ne se détourne pas de nous. Ici, divergence des parallèles. Le thème est commun à la foi et au marché : la surprise et le cadeau. À Noël, Dieu donne Jésus à l’humanité. C’est gratuit, personne ne peut acheter le Fils de l’Homme. Mais dans l’Avent et le Noël du marché, il faut payer pour pouvoir donner. Le marché peut bien promettre la consommation sans fin : en fait le mouvement de la richesse est circulaire, elle remonte au lieu d’où elle était descendue et le ruissellement est une illusion. L’évangile de ce jour s’adresse à la foi. Il dit : la consommation sans borne, la pollution sans frein, c’est Babel ; le monde va dans le mur et nous risquons d’être écrasés en voulant arrêter sa folie.

M ais… « pas un cheveu de votre tête ne sera perdu » (v.18) ; parce que Dieu est Dieu, vous pouvez être assassinés, malades, ruinés mais pas détruits. La fin d’un monde vendu peut entraîner la fin de notre monde, mais nous ne serons pas détruits parce que la fidélité de Dieu ne peut être détruite. Voilà pourquoi Jésus ose vous appeler au courage : quelles que soient les avanies que l’on vous inflige, rappelez-vous qu’accrochés à Dieu, vous êtes indestructibles. Ça fait du bien d’y croire.

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