Prédication du 25/01/20 (Semaine Unité)

Marc 16. 14-20 : Enfin, il apparut aux onze, pendant qu’ils étaient à table; et il leur reprocha leur incrédulité et la dureté de leur coeur, parce qu’ils n’avaient pas cru ceux qui l’avaient vu ressuscité.
Puis il leur dit : Allez par tout le monde, et prêchez la bonne nouvelle à toute la création. C  elui qui croira et qui sera baptisé sera sauvé, mais celui qui ne croira pas sera condamné. Voici les miracles qui accompagneront ceux qui auront cru : en mon nom, ils chasseront les démons; ils parleront de nouvelles langues; ils saisiront des serpents; s’ils boivent quelque breuvage mortel, il ne leur fera point de mal; ils imposeront les mains aux malades, et les malades, seront guéris.
Le Seigneur, après leur avoir parlé, fut enlevé au ciel, et il s’assit à la droite de Dieu. Et ils s’en allèrent prêcher partout. Le Seigneur travaillait avec eux, et confirmait la parole par les miracles qui l’accompagnaient.

Rendons grâce à nos frères et soeurs des églises de Malte ne nous avoir réunis pour cette semaine de l’unité autour, entre autre, des deux passages des Ecritures que nous venons d’entendre, celui d’Actes et celui de l’Evangile de Marc.
Deux passages des Ecritures qui sont remplis de signes.
Nous avons la fâcheuse tendance d’oublier que le « signe » c’est l’autre nom, en grec biblique, du miracle. Et que le signe ou que le miracle n’est jamais fait pour lui-même. Il n’est… qu’un poteau indicateur… Et, parce qu’il est un poteau indicateur, ce n’est pas le miracle ou le signe qu’il nous faut regarder.. Il nous faut regarder la direction qu’il montre et regarder la réalité qu’il manifeste pour qu’à notre tour nous puissions la manifester c’est à dire la rendre publique et ainsi la partager.

Et cette réalité que nous devons manifester, quelle que soit notre confession, notre rite, notre liturgie, quelle que soit notre manière d’être c’est comme nous le demande le Christ ressuscité, là, dans son apparition aux onze, c’est, comme le formule Marc, d’aller« dans tous les coins proclamer l’Evangile, la Bonne Nouvelle à toute la création ».
Comprenons bien, que tous, autant que nous sommes, nous vivons de cette Bonne nouvelle. Nous vivons de la recevoir. C’est évident. Mais, nous vivons aussi et surtout pour la transmettre. La parole est notre alpha et notre oméga en ce sens qu’elle est ce qui nous rends pleinement humain. Et cela ne vaut que si nous le partageons.. Et, si là , dans l’Evangile de Marc un envoi a lieu … c’est parce que les onze, c’est à dire les apôtres, les envoyés et même plus précisément les missionnés sont arrivés à un moment où ils peuvent s’engager à la suite du Ressuscité. Comprenons bien, qu’en s’élevant, qu’en allant à la droite de Dieu, Christ ne se retire pas. Sa gloire, car c’est bien de cela dont il s’agit, sa gloire c’est justement qu’il ne se retire et ne s’efface jamais de rien… mais qu’au contraire il ouvre une suite. Christ ouvre une suite pour le monde entier, pour toute la création. Et, cette suite, quoiqu’il se passe dans les obscurités, dans les ténèbres de notre temps, cette suite il l’ouvre pour l’histoire de l’humanité… Et, s’il nous revient, à notre tour, de porter cette espérance illimitée c’est tout simplement parce cette bonté, cet amour infini et éternel qui est présent, actif et bienveillant en chacun de nous, cet amour nous donne la capacité d’en parler pleinement, d’en parler pour révéler, pour offrir à chacun, pour permettre à tous ceux que nous côtoyons de rencontrer le Christ lui-même.
C’est en cela que tous, là, tous, nous sommes l’Eglise.
Tous, nous avons la même mission qui nous engage tout entier et qui nous demande de faire de notre vie, à chaque instant, une donation de nous-même au Christ Jésus qui est ,du même coup, une donation du Christ à tous nos frères et soeurs en humanité. C’est d’ailleurs par là que nous entrons dans l’oecuménisme. Et même que nous entrons dans un œcuménisme sans frontières, sans barrières sans limites c’est à dire un oecuménisme qui ne concerne pas seulement les chrétiens d’avec lesquels nous sommes séparés ni avec lesquels nous brûlons de nous unir, mais qui concerne absolument toute l’humanité et même toute la création puisque Christ est tout et qu’il est en tout comme le proclame Paul. Autrement dit parce que Christ n’est pas un monopole, nous avons à transmettre non pas une théorie ou une dogmatique mais une attitude, une posture reçue de la relation à un autre. Nous avons à transmettre non pas une confession ou une théologie mais un mouvement qui peut épouser la terre entière et qui peut même la transformer…

Et pour ce faire « Voici, nous dit l’Evangile de Marc, les signes qui accompagneront ceux qui auront cru : en mon nom, ils chasseront les démons; ils parleront des langues nouvelles; ils prendront des serpents à mains nues; ils boiront des posons mortels sans en souffrir ils imposeront les mains aux malades qui seront guéris »

Autant de signes qui sont des indications dans notre monde d’angoisse, dans ce monde submergé par la propagande médiatique, dans cette atmosphère sombre où chacun en arrive à dérouler son monologue, enfermé dans le compartiment de son moi, aux écrans interposés des autres. Chacun en arrive à parler un langage déformé, impropre, qu’il faut toujours traduire. Tant quelques mots, même entre proches, suffisent à créer des malentendus de toutes sortes. Alors que seule la confiance en Christ et en l’homme nous permet de comprendre vraiment ce que dit l’autre. Seule cette confiance nous donne de nous retrouver, chez nous dans la langue de l’autre, dans un dialogue de cœur à cœur. Parler « dans des langues nouvelles », c’est dire le non-dit et l’ineffable, c’est découvrir ce qui n’avait encore jamais été dit, non encore entendu ce qui revient à entendre l’inouï à savoir une parole qui permet de ne pas abandonner le monde à son sort en lui offrant les ressources d’une pensée permettant réellement de vivre…

Ceux qui vivent à l’exemple de Jésus nous dit l’Evangile en viendront même à « saisir les serpents». Il y a tant de choses, en cette époque désespérante, que nous préférons laisser enfoui dans les sables de nos déserts avec l’espoir que tout cela restera tranquille et ignoré. Par un soucis de bien pensance ambiante, nous en arrivons à refouler les choses désagréables et même à nous les cacher à nous-même. Naturellement, cela complique les problèmes au lieu de les résoudre. Cela grossit les risques au lieu de les supprimer. Et, tous ces nœuds de vipère que nous tentons d’enterrer ne font que proliférer. Il ya longtemps que nous aurions du comprendre qu’affronter la réalité, à l’exemple de Paul dans sa tempête ou lorsqu’il va se fait mordre par une vipère c’est cesser de se sentir menacés pour regarder le présent en face avec les yeux de l’espérance ,de la foi et de l’amour.

Voilà les signes, voilà les miracles. Tel celui d’« imposer les mains aux malades pour les guérir». Le miracle c’est bien le geste qui dit la confiance totale, l’intimité, la protection, l’abri. Réalisons qu’étendre les mains sur l’autre, c’est accueillir tout son être. Il ne s’agit plus de savoir ce qu’il fait, ce qu’il possède, ce qu’il devrait être pour trouver justice et paix à nos yeux, mais seulement ce qu’il est, ce dont il souffre, ce qu’il pense, ce qu’il sent en vérité et ce qui vit en lui. Lui imposer les mains, c’est l’accepter, sans restriction, tel qu’il est.
Souvenons nous combien Marc ainsi que tous les autre évangélistes n’ont cessé de souligner la gravité des maladies qui nous frappent, lorsque dans notre angoisse, nous nous laissons aller aux « esprits mauvais» de la déchirure intérieure, ce qui ne manque pas de diviser notre intériorité et notre spiritualité. Alors que, ici, encore, seul l’espace de confiance et d’accueil, l’ombre tout amicale des mains qui nous abritent peuvent nous permettre de retrouver notre unité et notre lien aux autres.

Comprenons que c’est dans cet immense respect de l’autre perçu comme le porteur de l’Infini que nous surmontons les obstacles en commençant justement par le plus proche de nous qui est de respecter au dedans de nous cette présence adorable qui est confié à notre amour. Si nous ne trichons pas dans notre intimité, si nous essayons d’être sincères avec nous-mêmes, si nous témoignons de Christ pour qu’il devienne un événement de l’Histoire à travers nous, nous accomplissons l’essentiel de notre tâche.
C’est cela notre vocation d’être chrétien, d’être universel, d’être un cœur sans frontières d’être à l’écoute de ce cœur du Christ qui bat dans le nôtre et qui nous envoie pour témoigner d’un amour infini qui s’adresse personnellement à chacun, qui nous envoie pour que nous devenions joyeusement un espace où Sa Présence se respire, pour que comme Paul lorsqu’il rencontre les gens de Malte nous puissions dire à notre tour : « Ces freres et ces soeurs nous ont témoigné un amour fraternel incommensurable… A Christ en soit la gloire »
Amen

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