Prédication du 16/02/20

1 Corinthiens 2.6-10 : Or nous proposons une sagesse entre les parfaits, une sagesse, dis-je, qui n’est point de ce monde, ni des princes de ce siècle, qui vont être anéantis. Mais nous proposons la sagesse de Dieu, qui est en mystère, c’est-à-dire, cachée; laquelle Dieu avait, dès avant les siècles, déterminée à notre gloire. Et laquelle aucun des princes de ce siècle n’a connue; car s’ils l’eussent connue, jamais ils n’eussent crucifié le Seigneur de gloire. 9 Mais ainsi qu’il est écrit: ce sont des choses que l’oeil n’a point vues; que l’oreille n’a point ouïes, et qui ne sont point montées au coeur de l’homme, lesquelles Dieu a préparées à ceux qui l’aiment. Mais Dieu nous les a révélées par son Esprit. Car l’Esprit sonde toutes choses, même les choses profondes de Dieu.

Chers frères et soeurs en Christ,
Paul nous invite à un choix : celui de choisir notre chemin dans l’existence. Et pour faire, Paul insiste sur le mot « sa­ges­se ». Il s’adresse aux chrétiens de Corinthe, c’est-à-di­re à des Grecs pour qui la sa­ges­se est la ver­tu la plus pré­cieu­se. Et si Paul oppose la sa­ges­se du mon­de, l’esprit du mon­de, et la sa­ges­se de Dieu c’est que, d’après lui, les deux sont totalement contra­dic­toi­res. Et, il nous exhorte donc de choi­sir : vi­vre no­tre vie se­lon la sa­ges­se du mon­de ou se­lon la sa­ges­se de Dieu.
La sagesse, selon les philosophes, c’est à la fois un savoir tout autant théorique que pratique. L’un ne va pas sans l’autre. Selon le mot du philosophe André Comte-Sponville: « Le sage pense sa vie et vit sa pensée. » Ce qui signifie qu’il s’agit toujours d’essayer d’incarner ses idées et ses convictions dans des actes. Cela ne signifie pas qu’il y aura toujours parfaite cohérence entre les deux, mais qu’il nous faut constamment y tendre.
Par contre, la sagesse de Dieu à laquelle se réfère Paul, n’est pas une sorte de philosophie, ni un bon sens, ni un résultat de l’expérience, ni un juste et bon équilibre au milieu des événements et des opinions. Ce n’est pas une juste connaissance des choses et encore moins la  modération, la retenue inspirée par la raison.
Toutes les Ecritures nous apprennent que la sagesse est une manière de gouvernement de la vie , une conduite, et dans le sens noble du mot, une politique. C’est bien pour cette raison que le même mot est utilisé pour l’attitude de Dieu et celle de l’homme. Car il y a prolongement de celle-ci à celle-là. La seconde, l’attitude de l’homme devant être l’expression et le reflet de la première à savoir l’attitude de Dieu.
Autrement dit la sagesse c’est tout simplement la façon dont Dieu choisit de se comporter et d’agir envers l’ensemble de la création et donc envers chacun de nous.  Comprenons que parce qu’il a un plan de salut pour l’ensemble de l’humanité Dieu intervient dans chacune de nos vies. Nous pouvons alors dire que la sagesse de Dieu c’est l’équilibre entre sa puissance et son respect.
Paul ne cesse de le dire, l’expression parfaite de cet équilibre, se résume dans le Christ Jésus, qui est l’aboutissement incarné de cette sagesse.
Pour autant la voie qui nous amène à la compréhension de cet aboutissement , le chemin qui nous amène à vivre de cette sagesse, qui mène à une vie bonne nous ne pouvons pas le trouver tout seuls. « La sagesse de Dieu, nous dit Paul, est un mystère. (..) Ce que nous pro­cla­mons, c’est, comme dit l’Écriture, rajoute Paul en citant le prophète Esaïe « ce que l’œil n’a pas vu, ce que l’oreille n’a pas entendu, ce qui n’est pas venu à l’esprit de l’homme, ce que Dieu a préparé pour ceux dont il est aimé. » Paul ne veut pas nous dire qu’il y a des privilégiés ou des exclus. Le pro­jet de Dieu, son dessein bien­veillant est évi­dem­ment pour tous sans aucune exception. Mais ne peu­vent y par­ti­ci­per que ceux qui ont le cœur ou­vert. Là est la source de notre choix car justement de no­tre cœur, nous som­mes seuls maî­tres. La sagesse de Dieu, qui répétons le est Dieu lui-même, cette sagesse est la clé d’un monde qui n’existe pas encore  parce que c’est la clé d’un monde qui ne peut pas exister sans nous, qui ne peut pas exister si nous n’ouvrons pas notre coeur.
Dans cette prise de conscience, il y a quelque chose d’infiniment pathétique. C’est de réaliser que nous existons et que nous le savons pas. Cette constatation nous met devant un fait accompli : nous existons sans l’avoir voulu, nous existons sans l’avoir choisi. Nous existons avec des milliards d’années derrière nous. Nous sommes d’une certaine façon le fruit de cet univers. Il nous a engendré et il faut que, à chaque instant, nous empruntions à l’univers des éléments qui nous sont indispensables pour vivre parce que, d’une certaine manière, nous sommes un morceau d’univers. Nous avons respiré dans l’atmosphère créée par nos parents, ou créée par toute cette société qui nous environne. Toutes ces influences ont pesé et pèsent encore sur nous, elles sont inscrites en nous, et même au plus profond de chacun de nous… Tout ce que nous avons vécu depuis notre plus petite enfance est en nous d’une manière durable et indélébile, et la plupart d’entre nous, l’immense majorité, ne faisons que développer dans notre vie d’adulte, les influences que nous avons subies durant ce temps. Sous cet aspect, il est donc possible de dire que nous sommes des êtres simplement préfabriqués. Il est même absolument incontestable que parce que «  préfabriqué » nous sommes quelque chose… Et tout le problème, comme nous y exhorte Paul dans toutes ses lettres, tout le problème reste de savoir si de ce quelque chose que nous sommes, nous pouvons devenir et être quelqu’un.
Et, s’il y a un problème dans nos existences, c’est précisément parce qu’il y a cette possibilité et même cette liberté qui nous est offerte de pouvoir passer de quelque chose à quelqu’un.
Cela nous renvoie à cette réflexion de Gustave Flaubert dans son journal, lorsque il reçoit, de Baudelaire, une lettre qui lui demande d’appuyer sa candidature à l’Académie. Flaubert, qui lui a tout sacrifié avec une pureté de cœur et de vie admirables, Flaubert est scandalisé de cette demande de Baudelaire, et il écrit dans son journal ce mot qui mérite de passer les siècles : « Pourquoi vouloir être quelque chose quand on peut être quelqu’un ? »
Voilà des mots forts simples que chacun est capable de comprendre : « Pourquoi vouloir être quelque chose quand on peut être quelqu’un ? »
Ces mots tracent précisément l’itinéraire humain : nous sommes d’abord quelque chose et chacun de nous est appelé à devenir quelqu’un. Réalisons que si rien en nous n’était de nous-même, si notre existence ne pouvait pas jaillir un jour de nous, nous serions purement et simplement des choses, et nous ne serions pas ici, dans la suite de Jésus Christ, lui qui a su si précisément être extraordinairement quelqu’un, à nous interroger sur le sens même de notre vie.
Et à propos de ce sens même de la vie Paul précise que : « Ainsi qu’il est écrit, ces choses cachées qui font que sa sagesse est un mystère Dieu nous les révèlent par son Esprit. »
Comprenons bien que le monde de l’esprit c’est ce monde qui ne peut exister que par nous, c’est ce monde qui ne peut pas exister sans nous. C’est ce monde qui tient tout de nous, à condition que nous-même nous ayons intégré et compris le sens de cette nouvelle naissance offerte en et par Christ. A condition que nous nous engagions, à l’exemple de Jésus, à surmonter cet être préfabriqué que nous sommes nécessairement et inévitablement.

A cet égard, il existe un témoignage remarquable de Saint-Augustin, cet homme, qui, d’ailleurs, n’a pas toujours été égal à lui-même, qui a même eu une théologie contestable à certains moments, en dépit de son génie. Dans les Confessions, dans les quelques lignes où il nous rend sensible à sa conversion, il a ce mot particulièrement simple et profond qui nous laisse percevoir ce mouvement étonnant et magnifique où un être passe de quelque chose à quelqu’un : « Tard, nous dit Saint-Augustin, je t’ai aimée, beauté si antique et si nouvelle, tard je t’ai aimée, et pourtant tu étais dedans, et c’est moi qui était dehors, et sans beauté, je me ruais vers ces beautés qui, si elles n’étaient en toi, ne seraient pas. Tu étais avec moi, c’est moi qui n’étais pas avec toi. »
En ces quelques mots se trouvent le problème qui consiste de passer de quelque chose à quelqu’un. C’est en cela que ce témoignage d’Augustin apparaît véritablement inépuisable tant il est un des sommets les plus merveilleux de la sagesse et de la grandeur humaines. C’est que précisément en passant du dehors au dedans, la découverte de soi permet la découverte de l’Autre avec un grand A, la découverte de soi permet la découverte de cette Présence infini en nous qui est plus intime à nous-même que nous-même. C’est découvrir comme le dit Paul et les Ecritures « ce que l’œil n’a pas vu, ce que l’oreille n’a pas entendu, ce qui n’est pas venu à l’esprit de l’homme, ce que Dieu a préparé pour ceux dont il est aimé. ». En un mot c’est réaliser l’extraordinaire que nous sommes en Dieu et que Dieu est en nous.

C’est en cela que, contrairement à celle du monde, la sagesse de Dieu est une naissance. C’est en cela que la sagesse de Dieu est une genèse. Le sens profond de la sagesse de Dieu , c’est justement de ne pas subir l’univers. C’est de n’être pas confronté avec l’univers comme avec une chose. C’est d’immatérialiser à la fois l’univers et nous-même. C’est ce déprendre de toute limite pour que nous soyons devant l’univers comme devant une réalité que nous pouvons contempler, que nous pouvons aimer. Mais surtout avec qui nous pouvons dialoguer.

C’est en cela que se trouve la Sagesse de Dieu « qui comme nous l’a dit Paul, est en mystère, c’est-à-dire, cachée; mais que Dieu a, dès avant les siècles, déterminée à notre gloire ». Notre gloire, et c’est bien de cela dont il s’agit, c’est de comprendre qu’il y a un univers qui n’existe pas encore, mais qui peut exister, qui doit exister pour que nous existions réellement en forme humaine, pour que nous soyons vraiment quelqu’un, pour que nous soyons enfin libérés et affranchis de ce monde préfabriqué.
Il est évident que si Dieu la sagesse de Dieu c’est cela alors il est incontestable que nous ne pouvons pas souscrire à une autre expérience… celle de découvrir notre Dieu qui est un pur dedans, qui nous appelle au-dedans qui est une pure générosité et qui surtout, expression de sa sagesse nous permet de faire de tout nous-même un pur élan d’amour.

Il ne s’agit plus de savoir comment le monde va. Il est évident que le monde préfabriqué ne peut pas aller bien, puisqu’il est un monde chose, un monde objet. Il ne peut pas aller bien. Dans ce monde préfabriqué, le vrai Dieu ne peut pas trouver place. Dieu ne peut se révéler que lorsque nous passons du dehors au-dedans que lorsque nous passons de quelque chose à quelqu’un… C’est dans cette conversion du dehors au-dedans que se situe toute la sagesse de Dieu tant que justement elle est humanisante. C’est-à-dire quelle nous fait exister comme des personnes à titre de source, d’origine, dans un immense espace où se respire cette Présence que l’on ne connaît jamais, mais que l’on reconnaît toujours… La sagesse de Dieu est humanisante parce qu’elle est ce dialogue de générosité qui nous amène à vivre de façon neuve parce que nous-même nous sommes neufs, parce que nous-même nous passons par cette nouvelle naissance dont Jésus dit à Nicodème : « À moins de naître de nouveau, personne ne peut voir le Royaume de Dieu. »
Nous sommes enfin neufs parce que tout simplement nous vivons les mots de Paul qui nous propose : « (..) la sagesse de Dieu, qui est ce mystère caché bien avant les siècles, mais que Dieu a déterminé à notre gloire en nous les révélant par son Esprit. »
Amen

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