Prédication 31 mai 2020

1 Cor 12.3-13 : Nul ne peut dire : Jésus est le Seigneur ! si ce n’est par le Saint-Esprit.Il y a diversité de dons, mais le même Esprit;diversité de ministères, mais le même Seigneur;diversité d’opérations, mais le même Dieu qui opère tout en tous.Or, à chacun la manifestation de l’Esprit est donnée pour l’utilité commune.En effet, à l’un est donnée par l’Esprit une parole de sagesse; à un autre, une parole de connaissance, selon le même Esprit;à un autre, la foi, par le même Esprit; à un autre, le don des guérisons, par le même Esprit; à un autre, le don d’opérer des miracles; à un autre, la prophétie; à un autre, le discernement des esprits; à un autre, la diversité des langues; à un autre, l’interprétation des langues.Un seul et même Esprit opère toutes ces choses, les distribuant à chacun en particulier comme il veut.

Car, comme le corps est un et a plusieurs membres, et comme tous les membres du corps, malgré leur nombre, ne forment qu’un seul corps, ainsi en est-il de Christ.Nous avons tous, en effet, été baptisés dans un seul Esprit, pour former un seul corps, soit Juifs, soit Grecs, soit esclaves, soit libres, et nous avons tous été abreuvés d’un seul Esprit.

Chers frères et soeurs en Christ,

Aujourd’hui nous fêtons Pentecôte.

Pentecôte, initialement, n’est pas une fête chrétienne. C’est une fête juive. On y célèbre les premières récoltes sous forme d’offrande à Dieu des prémices de tout ce qui va être récolté et engrangé. Si la Pâque juive commémore la sortie d’Egypte, cinquante jour plus tard, la fête de « Shavouot » célèbre le don de la Loi – de la Torah – au Mont Sinaï.La Loi, inspirée de Dieu, est donnée par Moïse au peuple libéré de l’esclavage et du joug égyptien, afin qu’il puisse vivre libre et faire bon usage de sa liberté. Les dix paroles que nous appelons « commandements » sont offertes comme mode d’emploi d’une vie juste et heureuse,c’est à dire ajustée au bonheur de Dieu, comme points de repère pour ne plus s’égarer et retomber en esclavage de nos idolâtres.

Pour les chrétiens, la fête de Pentecôte prend une autre signification. Après la mort et la résurrection du Christ, elle célèbre le don de l’Esprit Saint c’est à dire le souffle de Dieu, sa respiration c’est à dire ce qui fait vivre.

Dans tous les cas, en évoquant les multiples facettes de cette fête de Pentecôte, ce que nous pouvons remarquer, c’est tout ce que Dieu met en œuvre à destination de l’être humain. Dieu ne cesse de vouloir faire alliance avec son peuple. Il lui donne la Loi pour lui permettre de vivre libre et d’accomplir sa volonté. Puis, il envoie son Fils, son représentant, son mandataire à savoirJésus Christ, pour renouveler son alliance. Enfin, le don de l’Esprit atteste encore de cette volonté d’alliance de Dieu avec ses enfants, qui, avec la force du souffle créateur et régénérateur de Dieu, sont envoyés dans le monde pour porter la Bonne Nouvelle du salut et annoncer, comme dit Paulles « merveilles de Dieu » qui font notre bonheur…

«  Nous avons tous, en effet, nous dit Paul, été baptisés dans un seul Esprit, pour former un seul corps, soit Juifs, soit Grecs, soit esclaves, soit libres, et nous avons tous été abreuvés d’un seul Esprit. »

C’est là le fondement de l’unité du corps du Christ. Et ce fondement, comme l’exprime Paul en employant une forme passée, il est en quelque sorte derrière nous et il nous porte à chaque moment de notre existence : «  Nous avons été baptisés ». Etymologiquement nous avons été plongés dedans, nous avons été plongé dans l’Esprit Saint.Dieu a déjà réalisé l’essentiel. Nous avons tous été baptisés, plongés, dans l’Esprit de Dieu qui habite dans nos cœurs.

Et Paulen rajoute en continuant par ce beau verbe d’abreuver : « nous avons tous été abreuvés d’un seul Esprit ». Abreuvé en hébreu signifie littéralement faire taire. Non pas dans le sens d’imposer le silence ou de forcer aumutisme, mais dans le sens d’apaiser, de rasséréner, et même de pacifier. Dans tous les cas, tous, disciples de Christ, nous avons bu à la même source cette source qui jaillit d’une passion et qui nous donne une nouvelle respiration,une vie nouvelle, une nouvelle existence…

Ainsi en nous disant que «  Nous avons tous été baptisés dans un seul Esprit, pour former un seul corps,(..) et nous avons tous été abreuvés d’un seul Esprit » Paul nous fait entendreque le fondement de notre unité ne repose pas de prime abord sur nos capacités, ni sur nos mérites, ni sur nos compétences ni sur nos systèmes. Par contre et incontestablement, notre unité est un don de Dieu.

La langue française nous embrouille légèrement. Dans notre langue le don suppose un contre-don pour contribuer au lien social. Quand au charisme il rejoint l’idée d’une qualité séduisante…Dans tous les cas nous nous embrouillons avec l’idée de « compétence » qui suppose habileté, savoir-faire et maitrise… Alors que, au contraire, les mots « don » et « charisme » ont le même sens qui signifie un don fait par bienveillance et sans l’attente d’aucune réciprocité. Il doit sa noblesse avant tout au mot dont il dérive, et qui signifie justement la bienveillance, ou plutôt le mot le plus lumineux des Ecritures : la « grâce ». C’est à direle rayonnement et l’expansion de la bonté, l’inclination toute désintéressée à faire du bien.Il est plus que significatif qu’au début de leurs lettres aux Églises, aussi bien Paul que Pierre ne pensaient pas pouvoirfaire meilleur souhait à leurs destinataires que celui-ci : « À vous, la grâce et la paix de par Dieu notre Père et le Seigneur Jésus Christ » (1Co 1,2). Nous avons là dans cette salutation que nous reprenons à notre compte encore aujourd’hui, l’expression de toutes les Ecritures oùla grâce, souhait grec rejoint la paix, souhait sémitique.

Que nous parlions de « don » ou de « charisme » tout vient de Dieu pour l’édification de la communauté, de l’assemblée en vue du bien commun. Réalisons que même si cela nous engage,c’estquelque chose qui nous dépasse totalement. D’ailleursle jour oùquelqu’un pense être à l’aise avec un don ou charisme, vous pourrez être quasiment sûr que ce don n’est pas en train de s’exercer. Prendre la place de l’Esprit Saintn’est possible que lorsque sa propre imagination est à l’œuvre. Vouloir mettre la main sur un don de Dieuc’est alors l’inviter à s’échapper… Moyennant quoi, dans les groupes dans lesquelson s’évertue à demander des charismes… généralement on en obtient peu comme le démontre l’expérience avec le temps.

Pour autant nous savons qu’ils existent et Paul lui même nous invite à « Cherchez !es dons les meilleurs ».Et, juste après nous avoir exhortés à cela, Paul nous invite à accéder à un autre registre : « Je vais vous montrer une voie qui les dépasse toutes. » Et pour le coup il va nous parler d’un don que chacun peut et doit avoir et surtout doit exprimer. C’est l’amour. « Quand je parlerais les langues des hommes et des anges, nous dit Paul (…), quand j’’aurais le don de prophétie et connaîtrais tous les mystères et toute la science (…), si je n’ai pas l’amour, cela ne me sert de rien ».

C’est l’amour qui est la clé de voûte de toute vie chrétienne. Il ne s’agit pas pourd’un beau sentiment, qui nous rapproche des êtres par affinité, par attirance, mais d’un engagement concret et volontaire vers notre prochain, quel qu’il soit. Cela ne revient pas à tout excuser, tout croire, tout endurer comme l’expression d’une grandefaiblesse teinté de lâcheté. Au contraire, avec l’amour, cette apparente faiblesse devient puissance de Dieu, qui n’est, rappelons-le,puissant que dans sa toute bonté. L’amour est la ressource que nous avons a disposition en permanence pour construire et bâtirnos relations entre nous, avec nos différentes Églises et dans notre rapport avec le monde pour annoncer les « merveilles de Dieu » qui font notre bonheur et celui de l’humanité.C’est d’ailleurs ce que Jésus n’a jamais cessé de nous montrer et de nous expliquer…

Comprenons bien qu’annoncer les « merveilles de Dieu »c’est d’abord annoncer à tous que justement  l’Esprit Saint agit en nous, non pas en nous transformant en un autre, mais en nous faisant devenir davantage ce que nous sommes, en nous faisant devenir encore plus unique ; unique certes mais toujours au service de l’ensemble. N’oublions jamais qu’une véritable symphonie est faites d’une pluralité de notes qui ne valent que dans les rapports qu’elles soutiennent les unes aux autres. D’ailleurs lamarque la plus sûre de l’Esprit-Saint, outre la croissance de l’amour, c’est qu’il fait l’unité dans la diversité. C’est importantde prendre conscience de cela dans une époque comme la notre oùla marque du totalitarisme humain, c’est l’uniformisation. Regardons, en effet,autour de nous combien tout le monde devient pareil, combien plus personne n’ose exprimer une particularité…
Tout au contraire, la vie dans l’Esprit Saint,fait lever des hommes et des femmesqui ont quelque chose d’unique à apporter aux autres : «Chacun reçoit le don de manifester l’Esprit en vue du bien de tous, dit saint Paulet c’est le même Dieu qui agit en tous.»
Effectivement, l’Esprit remémore les paroles du Christ, il leur donne une actualité vitale, une résonance qui saisit et qui pousse à agir avec audace.

Alors bien sûr certains n’hésitent pas à écarter tout cela comme des balivernes ou autre des fariboles en objectant qu’il est bien difficile d’y croire quand on voit persister tant de problèmes, de misères, de drames et de tristesses, de tiédeur dans les êtres et de manques de pardon dans les cœurs. C’est vrai certes. Mais ce qui est vraic’est surtout que n’avons pas accueilli, ou si peu, en nous le souffle de Dieu dont on ne meurt jamais, et que nous n’avons pas su, ou si timidement, le transmettre et le faire vivre entre nous.

Le monde, aujourd’hui, dans le moindre de ses recoins, dans le plus petits de ses replis, a grand besoin de l’Esprit Saint.Le monde a grand besoin d’hommes et de femmes qui se laissent envahir parle souffle de Dieu dont on ne meurt jamais pour devenir prophètes et témoins du Christ, pouraller crier l’évangile sur la chaussée des hommes.
Voilà pourquoi, il nous faut retrouver et faire notre la signification concrète de l’Esprit Saintqu’il a dans toutes les Ecritures.Comme disciple, il ne nous est guère possible de comprendre les textes bibliques si on ne « vit »pasl’Esprit Saint, si on ne le respire pas comme le souffle qui nous habite,pour retrouver la densité d’expérience, le poids de vie et de vécu, que ce terme emporte avec lui.

L’Esprit nous permet de nous mettre en marche, d’accomplir notre mission à la suite du Christ, afin de donner la vie en plénitude, en proclamant le salut de Dieu, son amour qui accueille et qui pardonne, gratuitement, sans condition. En un mot, la finalité du don de l’Esprit permet à chacun de nous de faire le bonheur de Dieu. Nous souhaitons faire le bonheur de Dieu parce que nous l’aimons infiniment jusqu’à désirer que son bonheur soit infini… A l’exemple de Jésus, qui homme parmi les hommes,nous a aimé infiniment, parce qu’il voulaitpour nous un bonheur infini. Souvenons nous que le premier mot de sa vie publique sera « Heureux ! », « Heureux ! », « Heureux ! », répété une bonne dizaine de fois… D’ailleurs, depuis, le meilleur signe auquel on reconnaît qu’une personne estauthentiquement chrétienne c’est qu’elle répand le bonheur autour d’elle. Car c’est aussila seule manière de faire pour que Dieu soit pleinement heureux. 

En ce jour de fête, puisse notre joie et notre bonheurnous amener a avoir cette passion du bonheur de Dieu par l’Esprit, par ce souffle et cette respiration qui nous habite et qui nous rend capable d’inventer, de créer, de défricher, d’ouvrir de nouveaux sentiers, afin que naisse ce monde nouveau voulu par le Christ de Pâques.

Amen

Pasteur Jean-Paul Nunez

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