Prédication 2 aout 20 (Romains 8. 35-39)

Romains 8. 35-39 : Qui nous séparera de l’amour de Christ? Sera-ce la tribulation, ou l’angoisse, ou la persécution, ou la faim, ou la nudité, ou le péril, ou l’épée?  selon qu’il est écrit: C’est à cause de toi qu’on nous met à mort tout le jour, Qu’on nous regarde comme des brebis destinées à la boucherie. Mais dans toutes ces choses nous sommes plus que vainqueurs par celui qui nous a aimés.

Car j’ai l’assurance que ni la mort ni la vie, ni les anges ni les dominations, ni les choses présentes ni les choses à venir, ni les puissances, ni la hauteur, ni la profondeur, ni aucune autre créature ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu manifesté en Jésus Christ notre Seigneur.

Chers frères et soeurs en Christ,

« Rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu manifesté en Jésus Christ notre Seigneur. »

Voilà de la part de Paul une magnifique confession de foi. Et de surcroît c’est une certitude qui s’énonce au futur pour tous les temps à venir… Nous avons là, en quelques mots, la première annonce fondamentale que l’Église, c’est à dire chacun de nous qui la composons, a pour mission de porter au monde et que le monde attend de l’Église. Cette annonce est celle de l’amour de Dieu. Cependant, pour que nous, les évangélisateurs du monde que nous sommes ou du moins que nous devrions être, soyons en mesure de transmettre cette certitude, il faut que nous en soyons nous-mêmes totalement imprégnés et que cette certitude soit la lumière de chacune de nos vies. Ce qui, convenons en, est loin d’être le cas tout simplement parce que nous avons un problème avec l’« amour de Dieu »…

Notre prédication est en grande partie responsable de cela pour avoir insisté et parlé, du moins à certaines époques, presque uniquement du « devoir » d’aimer Dieu. Ce qui a eu pour résultat que la primauté de notre amour pour Dieu, autrement dit la primauté de ce que nous faisons, nous, pour Dieu, a pris le pas sur l’amour de Dieu pour nous.

Ce faisant, nous oublions, ou plutôt omettons, que la révélation biblique, elle, donne la primauté à l’amour « de » Dieu et non à l’amour « pour » Dieu. La philosophie grecque depuis Aristote nous apprend que Dieu dirige le monde « en tant qu’il est aimé », c’est-à-dire en tant qu’il est objet d’amour et cause finale de toutes les créatures… La Bible, depuis Moïse et les prophètes, nous dit exactement le contraire, à savoir que Dieu crée et transforme le monde en tant qu’il aime le monde. La chose la plus importante, s’agissant de l’amour de Dieu, n’est donc pas tant que l’homme aime Dieu, mais que Dieu aime l’homme et l’aime « le premier » : « En ceci consiste l’amour, nous dit Jean dans sa première lettre, rajoutant, : ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, mais c’est lui qui nous a aimés. »Effectivement, tout le reste en dépend, y compris notre possibilité même d’aimer Dieu. Ce qui fait dire à Jean : « Quant à nous, aimons, puisque lui nous a aimés le premier. »

Toute la Bible ne fait que raconter l’amour de Dieu pour nous. C’est la bonne nouvelle qui soutient et explique toutes les autres. On discute souvent, à n’en plus finir, pour savoir si Dieu existe. Pour autant, la chose la plus importante n’est pas de savoir si Dieu existe, mais s’il est amour. Si, de nature, il existait, mais n’était pas amour, il y aurait bien plus à craindre de son existence que de s’en réjouir, comme nous le rapporte les expériences malheureuses de divers groupes, peuples et civilisations. Notre foi, la foi chrétienne nous garantit justement que Dieu existe parce que précisément il est amour comme l’énonce si bien le prologue de Jean :« Au commencement était l’amour, et l’amour était auprès de Dieu, et l’amour était Dieu ».

A écouter cela, nous pourrions dire dirait qu’il s’agit d’une foi facile et agréable…  Pourtant, c’est peut-être la chose la plus difficile qui soit, pour nous, tant nous avons du mal à croire vraiment que Dieu nous aime.

Dans tous les cas, si nous n’y croyons pas vraiment, du moins nous n’y croyons pas assez… Car, si cela était le cas, si nous arrivions à croire vraiment à l’amour de Dieu pour nous, notre vie, nous-mêmes, les choses, les événements, et même la souffrance ou le tragique, tout, tout se transformerait immédiatement sous nos yeux…

Le monde a fait qu’il est de plus en plus difficile de croire à l’amour. Quiconque a été trahi ou blessé, un jour et en quelques circonstances, a peur d’aimer et d’être aimé parce qu’il sait combien cela fait mal d’être trompé, d’être leurré… Si bien que la foule de ceux qui n’arrivent pas à croire à l’amour, sans parler même de l’amour de Dieu, cette foule ne cesse de grandir au point que la marque de notre culture sécularisée, la marque de notre temps est devenue le désenchantement, le cynisme et le repli narcissique… Pourtant le monde, les hommes et les femmes de ce temps, ont besoin de réapprendre ce qu’est l’amour comme ils doivent savoir que Dieu les aime… Et, personne, mieux que les disciples du Christ que nous sommes, n’est en mesure de leur apporter cette bonne nouvelle.

A travers le monde, actuellement, d’autres partagent avec les chrétiens, et souvent même bien mieux qu’eux un certain nombre d’engagements comme par exemple la préoccupation d’une justice sociale, celle du respect de la dignité de la personne, ou encore l’engagement à la paix et à la tolérance…  Mais personne, nulle part ailleurs, personne en dehors des Ecritures, ne dit aux être humains que Dieu les aime et que c’est Dieu qui les aime en premier. Mais que de surcroît, Dieu les aime comme il aime chaque créature ainsi que toute la création d’un amour de miséricorde et d’un amour de désir. Et c’est bien que cela que nous avons du mal à comprendre nous-mêmes et donc du mal à proclamer au monde.

« Rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu manifesté en Jésus Christ notre Seigneur. »

Dieu est en éternelle émission de lumière et d’amour, c’est-à-dire que, du côté de Dieu, tout est accompli, tout est donné, parce qu’éternellement Dieu se transmet, Dieu se donne, Dieu se communique. Entendons bien alors que toutes les prières sont déjà exaucées, toutes les grâces sont accordées, toutes les révélations faites, il n’y a rien en Dieu qui puisse être ajouté au don éternel qu’il est de toute éternité. C’est nous, nous seuls qui limitons l’effusion de sa lumière et de son amour. Il est extrêmement grave de voir à quel point nous sommes repliés sur nous-mêmes, sur notre amour- propre, à quel point nous pouvons, dans nos rapports avec les autres, faire écran à toutes les valeurs essentielles par notre égoïsme sur lequel nous nous refermons.

Alors que du côté de Dieu, tout est donné. Du côté de Dieu, tout est accompli dans un amour éternel. Et que, si les événements ne sont pas heureux, s’il y a des catastrophes, s’il y a des épidémies, si agit, comme l’énonce Paul, «(..) la tribulation, ou l’angoisse, ou la persécution, ou la faim, ou la nudité, ou le péril, ou l’épée… »…tout cela ne vient pas de Dieu mais du fait que nous avons, par l’expression orgueilleuse de notre amour-propre, presque régulièrement repoussé le bien essentiel que Dieu ne cesse de nous offrir et qui est lui-même.

Certains font le rêve d’un dieu qui règlerait les misères de l’homme sur la terre, un dieu qui nous protègerait quand on le prie ou qu’on se sacrifie pour lui, un dieu qui donnerait la santé et la richesse à ceux et celles qui sont généreux pour l’Église et assidus au culte… C’est oublier comme le dit l’apôtre Paul, et il est bien placé pour le savoir, les chrétiens ont aussi des malheurs. La souffrance, l’angoisse, les violences volontaires, la faim, la pauvreté, l’épidémie, les catastrophes en tout genre frappent avec une sereine injustice les hommes et les femmes, croyants ou incroyants, chrétiens ou non.

Et, quand il nous arrive de parler des bienfaits de Dieu, il est bien rare que nous songions à ce bienfait capital et essentiel, le seul, après tout, digne de Dieu et digne de nous, qui est cette communion d’amitié, qui est cette effusion en nous de la vie divine pour que Dieu et nous formions vraiment une unité indissociable et éternelle. Nous préférons plutôt penser à la santé, nous pensons à des avantages de situation, nous pensons aux catastrophes et aux maladies qui nous ont été épargnées, et très souvent nous rendons grâces de ce que nous avons échappé à des malheurs qui ont atteint les autres sans penser que tous ces autres sont, eux aussi et autant que nous-mêmes, aimés de Dieu.

« Quoiqu’il arrive, rien ne peut nous séparer de l’amour de Dieu manifesté en Jésus Christ. »

Effectivement, nous sommes tous, tous sans exception, tous quoiqu’il nous arrive, nous sommes tous aimés par ce Dieu qui le manifeste précisément en Jésus Christ, par ce Dieu qui aime jusqu’à la mort de la Croix. Nous sommes tous aimés par ce Dieu qui nous révèle ainsi qu’en effet, il n’y a de grandeur, il n’y a d’existence authentique, que dans ce vide total que l’on fait de soi en faveur de l’autre. Et c’est cela qui est le cœur du cœur de notre cœur, de notre expérience, le cœur du cœur de nos relations avec nous-même, comme de nos relations avec les autres. C’est là que la Croix prend tout son éclat et toute sa magnificence. Comprenons bien que l’éclat de La Croix, la crucifixion du Christ, c’est de nous faire comprendre que l’Amour ne peut rien, que l’amour ne peut absolument rien s’Il ne rencontre pas l’amour.

Dieu ne peut se poser nulle part sinon dans l’intimité qui l’accueille. Si Dieu ne peut se poser dans notre intimité si nous ne l’accueillons pas, il n’a alors qu’une seule ressource, celle de l’Amour qui persévère malgré tous les refus jusqu’à mourir d’amour comme le manifeste effectivement le Christ Jésus sur le bois du supplice.

Nous oublions, précisément parce que nous sommes enfermés dans les bornes de notre amour-propre, nous oublions que « la différence de Dieu, c’est de n’en avoir point. » pour reprendre le mot de Fénelon. La différence de Dieu, c’est de ne pas en avoir. Cela veut dire que Jésus Christ ne vient pas limiter pour nous la notion de l’Eternel mais qu’il vient au contraire l’élargir à l’infini.

Jésus Christ n’est pas un théoricien qui vient nous apporter des idées sur Dieu. Jésus Christ, c’est la Divinité qui s’adresse à nous personnellement à travers une humanité qui n’envisage en rien de posséder, en rien de s’approprier, mais qui nous transmet, dans toute sa pureté, le jour de l’éternelle innocence et de l’éternelle bonté.

Durant toute sa vie parmi nous, Jésus Christ, dans une pleine humanité absolument dépouillée d’elle-même, toute sa vie Jésus Christ nous révèle Dieu précisément comme Celui qui se donne à l’infini, comme Celui qui n’est que l’Amour et qui n’attend de nous que l’amour, c’est-à-dire comme Celui qui veut nous rendre semblable à Lui, qui veut faire de nous aussi une source jaillissante de lumière et de bonté.

Durant toute sa vie Jésus n’a de cesse de nous conduire à ce Dieu dont la différence est de ne pas en avoir. Entendons bien cela. Nous ne pouvons témoigner de ce don infini qui est Dieu, que par le don de nous-même. Soyons sûr que, dès que nous fermons notre cœur, dès que nous restreignons le don de nous-même, dès que nous prétendons faire de la Vérité une possession et un monopole, nous sommes essentiellement opposés à l’esprit certes mais surtout à « l’amour de Dieu manifesté en Jésus Christ. »

Par contre, à l’image de Dieu qui est uniquement Amour, à l’image de Dieu qui est uniquement le don de Soi, il est parfaitement sûr que la seule manière de témoigner de Sa Présence, c’est d’être nous-même un don sans limite pour montrer qu’effectivement, quoiqu’il arrive, rien ne peut nous éloigner de cet amour rendu public au monde, de cet amour manifesté comme un exemple éternel par notre Maître Jésus Christ.

Amen

Pasteur Jean-Paul Nunez

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