Prédication 15 novembre 20 (1 Thes 5.1-10)

1 Thes 5.1-10 : En ce qui concerne les temps et les moments, vous n’avez pas besoin, frères et soeurs, qu’on vous écrive à ce sujet. En effet, vous savez bien vous-mêmes que le jour du Seigneur viendra comme un voleur dans la nuit.  Quand les hommes diront: «Paix et sécurité!» alors une ruine soudaine fondra sur eux, comme les douleurs sur la femme enceinte; ils n’y échapperont pas.

Mais vous, frères et soeurs, vous n’êtes pas dans les ténèbres pour que ce jour vous surprenne comme un voleur.  Vous êtes tous des enfants de la lumière et des enfants du jour. Nous ne sommes pas de la nuit ni des ténèbres.  Ne dormons donc pas comme les autres, mais veillons et soyons sobres. En effet, ceux qui dorment dorment la nuit, et ceux qui s’enivrent s’enivrent la nuit. Mais nous qui sommes du jour, soyons sobres, enfilons la cuirasse de la foi et de l’amour et ayons pour casque l’espérance du salut.  En effet, Dieu ne nous a pas destinés à la colère, mais à la possession du salut par notre Seigneur Jésus-Christ,  qui est mort pour nous afin que, soit que nous veillions, soit que nous dormions, nous vivions ensemble avec lui.  

Cher frères et sœur en Christ,

Les chrétiens de Thessalonique, auxquels Paul s’adressent dans sa lettre, étaient dans l’attente. Ils étaient dans l ‘espérance imminente, de la venue du Christ. Entendons bien : Paul ne nous parle pas du « retour » du Seigneur.  Il parle  bien et de façon explicite de sa « venue ». Tout simplement  parce que Christ, le relevé de toutes les morts, étonnamment vivant est invisible, certes, mais il n’est aucunement absent. Ainsi, nous ne pouvons  donc pas parler de « retour » comme s’il était parti…  Tout comme Paul lui-même,  tous les chrétiens du début de l’ère vivaient dans cette attente, tous, vivaient tendus de tout leur être vers ce jour de la venue, vers ce qu’ils appelaient le « jour du Seigneur ».  Ce qui n’a rien à voir avec ce que nous,  aujourd’hui, nous nommons le  « jour du Seigneur ». A savoir  cette habitude rituelle que nous avons de nous réunir le premier jour de la semaine, le dimanche, qui  précisément, en latin, signifie « jour du Seigneur ». Par contre, les chrétiens, auxquels Paul s’adresse, attendent « ce jour là » qui, comme le précise l’apôtre, «  viendra tel un voleur dans la nuit ». Cette belle image est une comparaison, ou plutôt même, un genre littéraire un peu surprenant pour nous, pour qui l’attente du Messie, du Christ Eternel et de la venue du Royaume de Dieu n’est  plus  vive du tout, n’est même plus du tout  présente en nous…

Il y a longtemps que nous avons rangé aussi bien l’attente de la gloire éternelle, que l’espérance du Christ sauveur dans un coin de nos temples dépeuplées, au rayon des aspirations théologiques tombés en désuétude.  Nous avons déjà beaucoup de mal  et  déjà bien assez à faire avec la foi et avec l’amour des frères et sœurs en vue remplir notre programme de vie chrétienne sans chercher à savoir ce que l’espérance pourrait bien nous dire en ces temps de désespoir.  Temps de désespoir où nous voyons, pour reprendre les mots de Paul « une ruine soudaine fondre sur nous, comme les douleurs sur la femme enceinte »…sans que nous puissions y échapper…

Temps de désespoir où soudainement se croisent  des sphères d’émotions collectives  comme la dangerosité d’un virus ennemi, sournois et invasif, qui a poussé progressivement toute l’atmosphère mondiale à un repli confiné entrainant également nos petites communautés… Avec, désormais, une ombre  portée sur l’avenir  ouvrant une perspective dramatique de catastrophes économiques en cours et à venir, source de paupérisation tragique de nombreuses couches sociales parmi lesquelles de nombreux proches, et dont les effets d’engrenages calamiteux ne sont pas encore perçus pour le moment. Effectivement l’Histoire avec un grand H s’écrit souvent sans que personne ne puisse  rien voir venir.

Pour autant comme nous y exhorte Paul :

« (..) Frères et soeurs,  vous n’êtes pas dans les ténèbres… (..) Vous êtes tous des enfants de la lumière et du jour. (..) Alors, nous qui sommes du jour, (..) enfilons la cuirasse de la foi et de l’amour et ayons pour casque l’espérance du salut. »  

Ces mots de Paul ont un double objectif qui s’adresse à chacun de nous. D’abord conforter notre foi pour ne pas perdre courage et au final  désespérer. Ensuite, nous encourager  à avoir de l’audace dans le témoignage de notre foi à la face du monde, quelle que soit la dureté du temps présent.

Dans ces conditions, il est plus que  temps de parler de l’espérance. Et se rappeler que c’est une vertu incontestablement liée à notre foi. Il est donc particulièrement dommage qu’en ces temps si particulier nous ne sachions pas très bien quoi en faire. Certes nous l’avons inscrite avec la foi et l’amour pour éviter de l’oublier. Ainsi, l’espérance est devenue une vertu étrange, tant  elle consiste,  à la façon d’une  méthode Coué à effectivement  se dire que tout ira mieux demain… Pour autant, de demain, par définition et comme nous venons de le souligner, nous ne savons rien. Affirmer que l’avenir, par nature, apportera des solutions est une profession de foi charmante, mais parfaitement gratuite.

Paul a raison : « (..) nous sommes tous des enfants de la lumière et du jour. (..) » Voilà pourquoi nous n’avons pas à être ni optimiste ni même pessimiste. L’espérance n’a rien à faire de cela. L’optimisme veut améliorer le présent avec le futur ; le pessimiste veut la même chose, mais avec le passé. L’un promet une sorte de paradis avec le progrès ; l’autre, avec le regrès. Le premier attend le salut de l’avenir parce qu’il croit que tout s’arrange avec ses recettes progressistes ; le second estime que, puisque c’était mieux avant, il faut revenir aux fondamentaux anciens.

« (..) nous sommes tous des enfants de la lumière et du jour. (..) »

Réalisons que lorsque nous ne sommes pas pleinement présents, nous ne sommes pas réellement vivants. Nous ne sommes pas vraiment là, ni pour nos bien-aimés ni pour nous-mêmes.  Nous sommes en train de courir pour tenter d’échapper à toutes sortes de peurs. Nous ne pouvons pas profiter de la vie si nous gaspillons notre temps et notre énergie à nous faire du souci à propos de ce qui s’est produit hier ou de ce qui va arriver demain. Dans la vie quotidienne, nous avons la fâcheuse tendance à croire que le bonheur n’est possible qu’à l’avenir. Nous recherchons toujours les « bonnes » conditions qui nous manquent pour être heureux. Nous passons à côté de la vie, qui se déroule sous nos yeux. Nous recherchons quelque chose qui fera que nous nous sentirons plus solides, plus en sécurité. Mais nous avons tout le temps peur de ce que l’avenir nous réserve, peur de perdre nos possessions, les gens que nous aimons autour de nous, notre travail… Alors nous passons notre temps à espérer et à attendre ce moment magique, quelque part dans le futur, où tout sera comme nous le voulons. Nous oublions que la vie n’est disponible que dans le moment présent. D’autant que c’est le seul moment que nous avons.

Mais, quoiqu’il en soit,  le présent ne se fait ni avec le futur de l’optimiste ni avec le passé du pessimiste, mais, comme nous le montrent les événements que nous vivons, avec l’instant du tragique. Un volcan dégorgeant sa lave, le battement d’aile de chauve-souris chinoise qui provoque une pandémie, comme la civilisation qui s’effondre ou un corps qui s’avachit et se délabre tout cela sont des  manifestations de pur déterminisme. S’en offusquer relève de la pensée magique.

Ne soyons pas tels ces théologiens et ces bon croyants à l’image des pharisiens qui attendent de Jésus qu’il réalise un miracle. Jésus nous l’a bien précisé : « il ne vous sera pas donné d’autre signe que celui du prophète Jonas » C’est toute la réponse  que nous recevons lorsque nous questionnons pour obtenir un miracle. Et voici que devant l’énormité du malheur qui s’est déclenché sur les hommes de ce temps, devant la montée des périls qui s’accumulent, pour crever en malheurs plus immenses, c’est bien notre réaction commune. Il nous faut un miracle qui, à défaut, pourrait être un vaccin… Ou plutôt il nous faut un vaccin qui, à défaut, deviendrait un miracle. Mais, le miracle ne vient pas, et, il ne viendra pas.

Il y  a urgence pour chacun de  réapprendre la foi. C’est-à-dire fermement, sans chercher rien derrière, la confiance dans celui qui parle, celui qui attend une relation vraie, celui qui seul, quelle que soit les temps,  peut dire « Je suis ».  Mais n’oublions pas, n’oublions jamais que si cette parole est vraie c’est parce que, et, uniquement parce que c’est Jésus, Christ, Messie, Fils de l’Homme, Fils de Dieu, qui la prononce et lui donne par là un sens et une vérité éternelle.

« En effet, , comme le précise si bien Paul, Dieu ne nous a pas destinés à la colère, mais à la possession du salut par notre Seigneur Jésus-Christ,  qui est mort pour nous afin que, soit que nous veillions, soit que nous dormions, nous vivions ensemble avec lui. »

Alors puisque «nous vivons ensemble avec lui. » regardons le bien. Regardons  combien Christ montre ses plaies. Voilà le jugement dernier. Voilà le jour du seigneur c’est Jésus, Christ, qui nous dit qu’il nous aime et même qu’il nous aime  jusqu’à la mort de lui-même. C’est Christ qui nous aime toujours, éternellement. Et s’il y en a, parmi nous,  qui sont perdus, ce n’est pas Jésus Christ qui nous perd ou nous abandonne. Ce n’est pas lui qui nous rejette,  mais toujours nous qui le crucifions  lorsque nous nous refusons de l’aimer.

D’ailleurs contrairement à ce que nous avons tendance à dire, croire ou laisser supposer,  le jour du Seigneur, le jour du jugement, ce n’est jamais le jugement de l’homme par Dieu mais c’est  bien le jugement de Dieu par l’homme. Quoiqu’il arrive, la lumière luit dans les ténèbres. La lumière luit toujours, les ténèbres ne la reçoivent pas. Le verbe est dans le monde, et le monde a été créé par lui, mais le monde ne le connaît pas. Le verbe vient chez les siens et les siens ne le reçoivent pas. Ainsi comprenons bien, le jugement c’est que la lumière vient dans le monde et que nous nous obstinons à preferer  les ténèbres à la lumière…

Autrement dit, nous ne risquons rien du côté de Dieu, c’est lui qui risque, tout, de notre côté, car nous pouvons nous fermer, nous pouvons nous refuser, nous pouvons comme nous disons aujourd’hui nous confiner de lui, nous pouvons nous distraire, nous pouvons nous absenter…  En conséquence, il ne s’agit pas de se sauver, mais de sauver Dieu de nous, de sauver Dieu de nos ténèbres, de nos limites, de nos refus, de nos « confinements », de nos absences, de nos distractions, afin, comme dit  Paul, de ne pas éteindre l’Esprit, le souffle de vie.

Dieu est Amour, Dieu n’est qu’Amour, il ne peut qu’aimer et, quand l’Amour n’est pas aimé, il meurt… C’est ainsi. Et, n’importe qui d’entre nous peut le tuer, et c’est pourquoi  l’écrivain Graham Greene a pu dire dans son roman  la Puissance et la Gloire : « Aimer Dieu, c’est vouloir le protéger contre nous- même. »

Et, aimer Dieu et vouloir le protéger contre nous même c’est  prendre le temps d’entendre et de répondre à la question que nous pose le monde,  qui était  celle qu’il  posait déjà, en son temps, au prophète Essaie :  « Veilleur, où en est la nuit ? » .

Le monde nous interroge sur notre espérance.  De la part des « enfants de la lumière et du jour » que nous nous devons être,  il n’attend pas de nous les discours lénifiants de la société, les théories rassurantes des médias qui prouveront que tout ira mieux demain. Le monde attend de nous que nous vivions, présentement, dans l’espérance du salut, c’est-à-dire que nous vivions pour l’éternité, que nous vivions pour ce qui compte vraiment et qui ne passera jamais quel que soit le temps que nous vivons…

Amen

Pasteur Jean-Paul Nunez

Print Friendly, PDF & Email