Matthieu 22, 1-14
Je me souviens de ce qu’on appelait alors « les habits du dimanche », quand j’étais petit. Je me souviens de ces vêtements il fallait y faire attention : une horreur. Je me souviens du dimanche soir et du bonheur que c’était d’enlever tout ça après la journée somme toute fort sympathique dont je garde les meilleurs souvenirs : le culte du matin, le repas à midi chez mes grands-parents, la ballade de l’après-midi en marchant le plus lentement possible… Mais les habits du dimanche, c’était juste horrible et ridicule mais un vêtement de fête.
Et puis tant qu’à parler d’accoutrement, parlons des mariages, de ces vêtements de noces. Je dois vous avouer que je ne suis pas fan des mariages : les mariés sont déguisés, ils ont parfois mis la plupart de leurs économies dans une robe ou un costume qu’ils ne remettront jamais, les garçons et les demoiselles d’honneur pareillement et les invités investissent dans une nouvelle tenue, ou encore un grand chapeau qui prendra la poussière très bientôt parce que franchement sortir avec ça sur la tête c’est un coup à se faire remarquer dans la rue… bref, qu’on le veuille ou non, les mariages c’est un peu carnaval.
11Le roi entra pour voir les invités et il aperçut quelqu’un qui ne portait pas de vêtement de fête.
12Il lui demanda : “Mon ami, comment es-tu entré ici sans avoir un vêtement de fête ?” Mais l’homme ne répondit rien.
13Alors le roi dit aux serviteurs : “Liez-lui les pieds et les mains et jetez-le dans l’obscurité du dehors. C’est là qu’il pleurera et grincera des dents.”
Et là, quand vous lisez ça, vous vous dites peut-être : « Ah ben dis donc ! Je vais arrêter de me plaindre » Ou peut-être vous dites-vous encore que vous allez moins rechigner à porter une tenue « républicaine »… Comme quoi, la question du vêtement n’est pas qu’une question propre à notre actualité. Si Jésus ou Dieu s’en mêlent on n’est pas sorti de l’auberge ! Je préfère de loin la pub de Mc Do qui dit : « Venez comme vous êtes ». D’ailleurs j’avais le sentiment que la Bible disait ça aussi, viens tel que tu es.
Mais ici, le monsieur n’a pas revêtu de smoking. Il est venu en jogging et comble de l’horreur il porte des sandales avec des chaussettes, le mauvais goût par excellence, alors on le met dehors… pieds et poings liés, dans les ténèbres, là où seuls les pleurs et les grincements de dents viennent rompre le silence.
Nous sommes un peu loin de la parabole des invités au repas chez Luc, celle où tous les estropiés et autres boiteux de la planète viennent manger ce que les autres, trop préoccupés par leurs emplois du temps, n’ont eu la politesse de faire.
Chez Matthieu, nous nous retrouvons avec des serviteurs qui partent en quête de gens très occupés et ces pauvres serviteurs se font tuer, le roi en colère fait disparaître les meurtriers (ben oui : œil pour œil, dent pour dent) et fait brûler la ville et là de se dire qu’il y a finalement une justice, peut-être. Les serviteurs restant doivent aller aux carrefours inviter tous ceux qui passent par-là, les bons, les mauvais, les beaux, les moches…
J’aime cette image du carrefour. C’est un lieu de croisement, un lieu où il est question de choix de direction car il y a souvent plusieurs chemins, plusieurs routes qui partent de là ou qui arrivent là. C’est un lieu de rencontre improbables et variées : il y a des carrefours desquels on peut aller vers un ghetto ou vers un quartier chic, et à cet endroit précisément se croise et se bouscule toutes sortes d’individus qui ne pourraient se croiser qu’à cet endroit-là. C’est dire que pour les serviteurs il s’agit d’inviter tous les humains parce que tous les humains sont appelés par la bonne nouvelle, même ceux dont nous pouvons penser qu’ils ne sont pas concernés… oui parce que j’ai parfois l’impression que mon Eglise s’adresse juste à ceux qui sont de culture chrétienne (voire protestante). Mais cette parabole nous invite je crois à renverser la perspective : les premiers invités n’en sont pas dignes et l’invitation s’adressent à ceux qui sont loin.
Et puis voilà que tous les êtres humains sont rassemblés et que la salle de noce est remplie de convives. Mon sentiment c’est que ces fameux convives ont été ramassés, comme des poissons pris dans la nasse. Ils sont là, tous dépareillés et je ne vois pas comment ils pourraient être tous super bien sapés puisque qu’ils n’avaient pas prévu d’être là ! Personne n’a revêtu son habit de noce au sens propre du terme. Personne. Mais il y en a un, au milieu de cette foule, qui détonne et qui va être jeté dehors.
On n’imagine pas Dieu en jeter un dehors…
Qui est cet homme ? Lorsque, dans une parabole, on trouve une opposition entre « tous » et « un », et bien le « un » ne peut être que moi. La question devient alors la suivante : ne t’occupe pas des autres, ils sont tous dans la salle des noces, les mauvais et les bons ; mais toi, toi as-tu revêtu l’habit de noces ?
Dans la Bible, l’habit est une marque d’identité. Revêtir l’habit de noce c’est avoir conscience que notre propre identité vient du fait que nous sommes des invités du roi. Pour le dire autrement, on ne vient pas dans un mariage en faisant une gueule d’enterrement. Nous sommes les invités du roi et à ce titre c’est un habit de joie que nous devons revêtir et j’utilise sciemment le verbe « devoir » car la joie est un commandement (Jean 15, 11Je vous ai dit cela afin que ma joie soit en vous et que votre joie soit complète. Et 1 Thess 5, 16Soyez toujours joyeux, 17priez sans cesse,
18soyez reconnaissants en toute circonstance. Voilà ce que Dieu demande de vous, dans votre vie avec Jésus Christ.) La foi est à l’image d’une salle de noce… contre ceux qui ont la foi triste.
Alors évidemment, chez nous protestants bien réformés qui avons pris l’habitude de cacher toutes nos émotions, il est parfois difficile de discerner la joie ou en tout cas de ne pas se méprendre face à des visages souvent très fermés. Je ne vous cache pas que le port du masque est pour moi une vraie gageure et si vous pouviez manifester un semblant de joie au moins avec les yeux ce serait parfait !!
Alors si nous partions de ce postula :
La joie comme habit de noce… je trouve l’image magnifique. Au fond, peu importe la tenue, pourvu qu’il y ait de la joie !
Est-ce à dire que l’homme n’était pas joyeux ? Sans doute par ce que c’est ce qui a fait que le roi l’a remarqué et qu’il s’est avancé vers lui : « Mon ami, comment as-tu pu entrer sans avoir un habit de noces ? L’homme resta muet »
Il aurait pu trouver une sombre excuse, n’importe laquelle… C’est quand même pas compliqué de dire pourquoi on fait la gueule, ça nous arrive à tous et souvent on sait pourquoi du reste. Mais il reste muet. Autant que son vêtement, c’est son mutisme qui condamne l’homme.
Il arrive que nous ne vivions pas notre foi comme une noce, que la joie soit compliquée, que l’on soit contrarié à tel point que nos petites contrariétés viennent empiéter sur notre foi, notre joie. Oui ça nous arrive à tous. Mais la parole est la seule chose qui puisse nous sortir de nos rancœurs et de nos mornes tristesses. Si je ne vis pas ma foi comme une noce, qu’au moins je ne garde pas le silence ! que je réponde à la question du roi : « Seigneur, pardonne-moi de ne pas vivre chaque jour comme une noce, pardonne-moi de vivre ma foi avec des habits ordinaires, pardonne-moi d’être sans joie. Mais peut-être Seigneur pourrais-tu m’aider à retrouver le chemin et à revêtir cet habit de joie ? » trouver dans ma vie ta présence……
La parole est urgente sans quoi il est vite arrivé de basculer dans la contrée des ténèbres, là où ne résonnent que les pleurs et les grincements de dents. Il y en a à qui cela plait de se morfondre dans cette contrée-là, peut-être, mais ce n’est pas ce à quoi nous invite la Bonne Nouvelle et ce quel que soit le carrefour de notre vie.
16Soyez toujours joyeux, 17priez sans cesse, 18soyez reconnaissants en toute circonstance. Voilà ce que Dieu demande de vous, dans votre vie avec Jésus Christ.
(1 Thessaloniciens 5)