L’étoile du Levant (Mat,2.1-12 – Semaine de l’unité 2022)

«Nous avons vu son étoile à l’Orient   et nous sommes venus lui rendre hommage». 

Remercions, dans nos prières, le Conseil des Églises du Moyen-Orient de nous avoir réuni cette année autour de l’étoile des Mages. 

Beaucoup de choses ont été dites, depuis deux mille ans,  à propos de cette l’étoile, l’astre, la lumière ou l’éclat.. Appelez  comme vous voulez.  

Cette étoile, pour ces mages qui venaient du Levant, de cet Orient martyrisé depuis des siècles  ils ne l’ont pas suivi parce qu’elle bougeait  mais bien  parce qu’elle leur faisait signe de la suivre… Et, ce signe avait du sens au point qu’il avait résonné au fond d’eux. Ce signe  leur a parlé, et alors, ils se sont mis en marche. Ils savaient que cette lumière leur ferait découvrir celui qui est le Béni de Dieu, le Messie, le Christ, celui qui nous ouvre vers une vie sans fin quelque soit la grêle des démentis qui nous accable.

Comprenons bien que ces mages ne connaissaient pas les Ecritures. Sinon ils auraient su  chercher l’enfant directement à Bethléem. Mais, sans aucunes idées préconçues, ils sont parties à la recherche du Messie, et ils ont fini par le trouver. Et s’ils ont agi ainsi c’est qu’au fond d’eux, se trouvait l’essentiel : la confiance c’est à dire la foi. Et c’est cette foi qui leur a donné la force de se mettre en route, à la suite d’une lumière du ciel, pour chercher et rencontrer le Christ de leur vie à travers l’enfant Jésus. 

C’est toujours cette foi qui leur a permis sans aucun préjugé ni inquiétude, de s’arrêter à Jerusalem auprès d’Hérode et de de ses chefs religieux, qui eux par contre avaient une solide connaissance de la Bible et des écritures.  Et ces mages n’ont posé qu’une simple question qui traverse le temps et question qui nous est aussi posé :

« Nous avons vu son étoile à l’Orient  et nous sommes venus lui rendre hommage. Savez vous, vous, où il est? ». 

Mais tous ces gens, malgré leur connaissance et  leur suffisance,  ont été surpris de découvrir  qu’une lumière brillait dans le firmament pour des inconnus pour leur signaler que dans leur vie le Messie était né. Et, alors, tous ces bons religieux en ont été surpris au point d’en être  «troublé». 

Convenons qu’il y a de quoi être troublé. De réaliser que son devoir religieux, pourtant suivi à la lettre, est certainement nécessaire mais n’est pas suffisant pour répondre à la question des mages : « Savons nous, nous, où il est? ».  Convenons surtout que cette question ne nous parle plus, ne résonne plus, ne fait plus signe, ne fait plus sens.… et dans tous les cas ne nous mets plus en marche…

C’est effectivement troublant. Déconcertant.

Comme c’est déconcertant de voir qu’aujourd’hui, dans nos pays, peu de gens  partage notre foi, que peu de gens  participent  à la vie de nos différentes églises. Et toutes les fausses bonnes raisons que nous avançons, n’y change rien. Peut-être que comme les chefs religieux du temps de Jésus nous pensons que notre devoir religieux y suffit… Alors, nous avons le choix : soit nous essayons, avec beaucoup de malices, de faire un peu comme Herode et ses sbires et de laisser faire pour récupérer en retour, soit on saisi l’enseignement que nous transmet l’histoire des mages c’est à dire qu’on trouve les ressources pour se mettre tous en marche afin de  rester attentif à ce qui nous parle, à ce qui nous fait signe et nous illumine dans et malgré les signes du temps.

D’autant que,  cette étoile ce n’est jamais  une fin en soi, mais un moyen. Au point que lorsqu’elle s’arrête les mages, précise l’Evangile, sont remplis de joie. Parce qu’ils savent qu’ils ont atteint ce but qu’est le Christ.  

Ils savent ces mages ce qu’ils vont trouver,  ce qu’ils sont venus chercher…  Non pas quelque chose d’extravagant, de compliqué, de caché… Non, ils savent qu’ils vont trouver l’inouïe, le merveilleux, l’extraordinaire à travers un visage comme le notre, un visage qui parle notre langue et qui mange notre nourriture. 

Mais, ils savent aussi qu’à travers le visage innocent d’un enfant dans le berceau de Bethleem il y a bien plus qu’un visage comme le notre…

 il  y a le visage du futur adolescent qui s’inquiète et s’interroge sur son avenir et sur les grandes questions de la destinée humaine ;

 il y a là, le visage du maître qui scrute le coeur des disciples qu’il appelle en ouvrant leur personne au mystère de son Royaume ;

 il y a là, le visage du prophète dont la parole est brûlante au point de devenir “dure à entendre”, parfois même intolérable ;

  il y a là, le visage du condamné tourné en dérision et victime du mépris des pouvoirs établis ;  

il y a là, le  visage de la loque moribonde qui, à l’image d’un Orient déchiré depuis des millénaires, hurle publiquement sa souffrance  crucifié dans l’abandon et la solitude du bois du suplice  ; 

enfin et surtout,  il y a là, le visage du Ressuscité, de celui qui se relève de toutes les logiques mortifères afin d’ouvrir à l’humanité entière la douceur du salut et du pardon. 

Voilà ce que vont trouver les mages derriere le visage de l’enfant à qui il vont rendre hommage : Un visage comme le notre qui incontestablement doit nous remplir de joie c’est dire de lumière.

Et, ce qui est encore plus inouïe, c’est que ce petit enfant qui a notre visage, nous n’avons pas besoin de le nommer même si nous connaissons son nom.  Un nom que nous entendrons souvent car c’est ainsi que cet enfant lui même se nommera lorsqu’il sera adulte… Ce nom il est comme un astre béni de lumière qui devrait résonner  en nous de façon permanente  : Le petit enfant c’est le Fils de l’homme, le fils de l’homme le nom le plus ambigu de l’homme, tellement ambiguë que ce nom  délivre Dieu lui-même de sa propre ambiguïté de Dieu puisque  Dieu se révèle à tous comme le Fils, le plus pur, le plus humain de l’homme. Voilà pourquoi nous devrions laisser éclater notre joie au point de donner tous nos trésors, jusqu’à notre propre vie, à ce fils de l’homme qui est né de la femme et du Souffle créateur.  Nous réaliserions alors, à l’instar des mages, qu’adorer, louer et rendre hommage c’est toujours donner et offrir quelque chose de soi.

Les mages, après avoir vu  le Christ, retournent chez eux, transformés, mais ils retournent chez eux… Comme nous allons le faire nous mêmes dans un moment… C’est à dire qu’ils sortent de ce moment chaud et joyeux pour replonger dans leur vie quotidienne…  Et m^me dérouté, par une nouvelle route par un nouveau chemin… Cette rencontre c’est une luminosité neuve, un salut nouveau qui nous est  apporté c’est donc une dimension nouvelle dans notre vie de tous les jours…  

Voilà comment  ce visage a transformé les mages et se doit de nous transformer à notre tour pour qu’enfin il nous soit 

 possible de répondre à ceux qui nous le demanderons  : « Savons vous, vous, où il est? »

Et nous saurons répondre parce que désormais, c’est l’humanité de nos visages qui doit devenir par grâce une manifestation, une lumière  de la présence divine au sein du monde ! C’est ça, le prodige de Bethléem et de l’hommage rendu par ces inconnus venu du Levant : chaque visage d’homme dans son humanité même devient un signe, une étoile, une lumière… Il n’y a plus désormais d’autre chemin pour chercher Dieu que le visage de nos frères et soeurs , que l’humanité de nos frères et soeurs.  L’homme n’a plus d’autre ciel pour y voir le signe que la plénitude de son humanité, telle que ce petit enfant,  le fils de l’Homme, nous l’a révélée. L’homme ne connaît pas d’étoile plus lumineuse que l’amour à recevoir du visage de Dieu ou du visage d’un frère. Ce qui est la même chose que nous  cherchons tous.. Et que nous trouverons si tous ensemble dans l’unité, dans une commune union nous nous mettons en marche pour joyeusement lui rendre véritablement hommage.

Amen

Eglise de Nébian – Samedi 22 janvier 2022

Jean-Paul Nuñez

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