Le verbe Parole incarné (Jean 1.1-14)

Au commencement, la Parole existait déjà. La Parole était avec Dieu et la Parole était Dieu. Elle était au commencement avec Dieu. Tout a été fait par elle et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans elle. En elle il y avait la vie, et cette vie était la lumière des êtres humains. La lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas accueillie.

Il y eut un homme envoyé par Dieu; son nom était Jean. Il vint comme témoin, pour rendre témoignage à la lumière afin que tous croient par lui. Il n’était pas la lumière, mais il vint pour rendre témoignage à la lumière. Cette lumière était la vraie lumière qui, en venant dans le monde, éclaire tout être humain. Elle était dans le monde et le monde a été fait par elle, pourtant le monde ne l’a pas reconnue. Elle est venue chez les siens, et les siens ne l’ont pas accueillie. Mais à tous ceux qui l’ont acceptée, à ceux qui croient en son nom, elle a donné le droit de devenir enfants de Dieu, puisqu’ils sont nés non du fait de la nature, ni par une volonté humaine, ni par la volonté d’un mari, mais qu’ils sont nés de Dieu.

Et la Parole s’est faite homme, elle a habité parmi nous, pleine de grâce et de vérité, et nous avons contemplé sa gloire, une gloire comme celle du Fils unique venu du Père.

Chers frères et soeurs en Christ,

Joyeux Noel à tous !

il n’y a pas d’autre formule pour fêter cette journée si particulière.  Aujourd’hui, en effet, c’est la fête de Noël…

Belle tradition qui est  attachante et un peu pieuse… même si sur ce point les choses sont fortement en train de changer  dans nos sociétés…  Mais Noël c’est toujours et encore, dans nos familles, un sapin avec des lumières et des cadeaux, avec des  enfants enthousiastes, des sons de musique et des chants

Noël…, c’est toujours très beau et même émouvant.  Il ne fait aucun doute, et personne ne peut y trouver à redire, nous exprimons tous, plus ou moins secrètement, ce jour là un peu de compassion à l’égard de nous-même…, et c’est pourquoi nous nous montrons  sous un  visage plutôt de bonne humeur et que, parfois même contre des circonstances difficiles,  nous arrivons à vivre des moments paisibles et réconfortants…

Noel c’est toujours une lumière nouvelle sur Dieu, bien évidemment, mais  c’est surtout  une lumière sur nous et sur nos proches…

Pour autant, Noël ne se résume pas à ces seules  choses si belles et émotionnelles, si paisibles et attachantes…

D’abord, convenons que lorsque  nous entendons  l’Évangile de la naissance de Jésus, il n’y a, du moins au début du récit, vraiment rien de très joli dans le premier Noël. Et c’est essentiel d’y être particulièrement attentif tant  la façon dont Dieu vient dans le monde semble  très importante, comme pour nous dire que c’est là justement que  nous  le trouverons… Et alors, force et de constater qu’il ne vient pas et ne se retrouve pas dans un monde sûr, dans un monde sécurisé, chaud et  réconfortant mais il se trouve au bord, au fond, dans le monde de l’exclusion, de la vie broyée… L’Évangile d’ailleurs insiste sur ce contraste  en commençant par nous montrer un empereur, Cesar Auguste, qui dans sa grandeur  recense la terre entière . Et, tout de suite après,  nous sommes amené à Bethléem, où il n’y a rien, juste un pauvre enfant emmailloté dans une simple mangeoire de bestiaux, entouré de rudes bergers.  Et, c’est là qu’est Dieu, dans la petitesse. Dans cette petitesse  qu’il a choisie pour nous rejoindre, pour toucher notre cœur, pour nous sauver et nous ramener à ce qui compte vraiment. Il vient dans l’en-bas des portes dérobées sur ces arrière-cours d’étables…  Là où se défont  les beaux discours et les belles spiritualités. Là où la vie est sans repères et où l’on en est réduit à  marcher sans arrêt dans l’équilibre de la précarité… Et, dans les nuits de la vie, aux bergers, comme à tous ceux qui étaient là avec, comme nous, leurs faiblesses et leurs fragilités,  l’ange dit : « N’ayez pas peur, ». Courage, ne perdons pas confiance, ne perdons pas l’espérance, ne pensons pas qu’aimer est du temps perdu ! Cette nuit, l’amour a vaincu la crainte, une espérance nouvelle est apparue, la douce lumière de Dieu a vaincu les ténèbres de l’arrogance humaine…

C’est extraordinaire et inouïe d’imaginer cette incroyable nuit de Bethléem… une incroyable nuit que tous les évangélistes ont raconté à leur façon…

Pour autant, parmi eux, il nous faut reconnaître que Jean, dans le  Prologue de son quatrième Evangile,  nous offre une méditation particulièrement profonde  de cette nuit là…

Dans son prologue, la  douceur précaire  et l’intimité relative de la naissance de Jésus dans l’étable de Bethléem sont métamorphosés. Là, il n’est pas question de l’enfant et de la mère, des bergers et de leurs brebis, du chant des anges, qui proclame aux hommes la paix à partir de la gloire de Dieu…

Pourtant,  cet Évangile nous parle aussi de la lumière qui brille dans les ténèbres… Cet Évangile nous parle aussi de la gloire de Dieu, que nous pouvons contempler dans le  Verbe qui s’est  existentiellement incarné, qui s’est fait chair… Et alors, nous réalisons que derrière ces mots magnifiques, au cœur de ces paroles à la grandeur incontestable,  l’étable où devait naître le Fils de David, parce qu’il n’y avait plus de place pour lui dans sa ville, cette étable devient  parfaitement visible tout d’un coup…

Et c’est pour cela que ce Prologue est au coeur de la liturgie de Noël dès les temps les plus anciens. En effet, dans celui-ci se trouve l’expression la plus authentique qui est la synthèse la plus profonde de cette fête et du fondement de sa joie et qui se résume en ces mots que nous devons porter dans notre coeur en cette fête de Noel : « Et lle Verbe parole est devenu chair et il a  planté sa tente parmi nous. ».

Ce ne sont pas seulement des mots tant nous parlons bien  d’une parole créatrice, tant nous parlons bien du Verbe parole de Dieu qui a tout créé, et qui a tout illuminé de sa Présence tant il est la  Lumière qui éclaire  tout l’univers et toute l’humanité… Étonnant, merveilleux,  mystère de foi de l’incarnation.

Et voilà que nous chrétiens, dès que nous entendons le mot «incarnation», nous pensons à la naissance de Jésus… Ce n’est pas erronée que de penser cela mais, ce faisant, nous oublions qu’il y a eu une précédente incarnation, décrite dans le livre de la Genèse, lorsque Dieu, en qui la vie était, s’est uni avec l’univers physique et est devenu cette  lumière   à l’intérieur de toute chose.  Et nous en oublions s aussi que tout ce qui est visible comme tout ce qui ne l’est pas, sans exception, est l’effusion de Dieu.

« Tout a été par lui, nous dit Jean, et sans lui rien n’a été de ce qui est advenu ».

Comprenons alors que bien avant l’incarnation personnelle de Jésus, le Christ éternel était déjà profondément enraciné dans toutes choses… L’évangile de Jean  ne nous dit pas autre chose lorsqu’il nous précise que le Christ est «une lumière que les ténèbres et les noirceurs ne  vaincront jamais ». Ce que disent à leur manière les scientifiques qui ont découvert qu’apparemment, l’obscurité totale n’est nulle part, même si l’œil humain le pense… ce que  Jésus nous dit lorsqu’il  nous parle de « la lumière du monde» pour bien nous faire comprendre que  la lumière n’est pas tant ce que nous regardons directement que ce par quoi nous voyons tout le reste et discernons pour apprécier toutes les choses dans leur plénitude…

Autrement dit, ici, en ce jour de Noel dans le temps, nous célébrons la naissance éternelle que Dieu le Plus-que-Haut a portée et porte sans cesse dans l’éternité, car cette même naissance est maintenant née dans notre temps, là, à Bethléem de Judée, dans la nature humaine de Jésus, le Christ enfin incarné. Désormais  Dieu n’est plus seulement une idée, il n’est plus seulement quelque chose à deviner à partir du Verbe Parole, il apparait, il se manifeste en se faisant humain. Cela s’appelle une épiphanie.

Et c’est bien c’est cette épiphanie  qui interrogeait Saint Augustin  l’amenant à se poser cette question que chacun de nous doit se poser dans la joie de Noel  : «À quoi nous sert-il que cette naissance se produise toujours, si elle ne se produit pas en chacun de nous ? »

Effectivement à  quoi cela nous sert-il que Marie ait donné naissance au Fils de Dieu il y a 2000 ans si nous ne donnons pas naissance au Fils de Dieu dans notre propre personne, dans notre temps et notre culture? . . .

Question qui nous place, comme disciple du Christ éternel, devant une immense responsabilité certes mais aussi devant  une incroyable et inouïe possibilité.

Ce Noel que nous fêtons vient nous rappeler l’extraordinaire privilège qui est le notre à savoir que Dieu lui même nous demande de manifester ou plus précisément  “d’incarner” sa présence même, sa présence de Verbe Parole sur cette terre là où nous sommes et tel que nous sommes. Dieu ne peut pas se révéler, Il ne peut pas apparaître dans notre histoire autrement qu’à travers nous ! Comme nous, nous ne pouvons pas nous réaliser, nous accomplir et arriver jusqu’à nous-mêmes sans passer par Dieu.

Si nous ne percevons pas dans le message de ce petiot, dans sa mangeoire à bestiaux, cette dimension nouvelle qui nous révèle nous-mêmes à nous-mêmes, alors nous resterons étrangers à notre cœur comme nous demeurerons étrangers au cœur de nos proches comme des autres. Et si  nous ne sentons pas tout ce qu’il y a dans l’Evangile de nouveau, de révolutionnaire, d’actuel, de merveilleux alors nous sommes comme  des idolâtres, notre religion étant tout à fait extérieure ne devenant qu’un tissu d’habitudes, de traditions mortes et d’assurances vaines.

Jésus Christ n’est  pas venu à Bethléem pour qu’à travers toute l’histoire, chaque année au coeur de l’hiver,  se perpétue une image de cet événement. Il est venu à Bethléem pour établir sa demeure au plus intime de nous-mêmes afin que chacun de nous devienne le sanctuaire du Dieu vivant.  Le vrai lieu de la naissance de Jésus, c’est notre cœur, et le seul moyen de  le rencontrer, c’est de nous recueillir jusqu’à ce que nous l’atteignions  jusqu’au plus profond de nous-mêmes afin de constituer une seule et même vie.

Nous avons à prendre conscience de ce que notre vie est un trésor infini, de ce que le ciel est dans notre âme et que nous ne pouvons être chrétien qu’en donnant à notre vie une telle grandeur et une telle beauté qu’elle apparaisse vraiment comme étant le temple de Dieu.

Et c’est cela que nous devons demander  à Celui que nous fêtons aujourd’hui, au Verbe Parole qui s’est incarné il y a quelque 2000 ans à Bethléem  pour venir nous dire le secret de l’homme… Demandons lui de nous conduire jusqu’à nous-mêmes, de nous apprendre à découvrir toutes les dimensions de notre existence pour que nous fassions de notre vie un chef-d’œuvre de lumière et d’amour.

C’est par là que nous répondrons au cadeau de Dieu. Et le plus beau cadeau de Noël que nous puissions faire pour la gloire de Dieu  dans le Très-Haut et sur la terre et  pour la paix de l’humanité c’est précisément de faire de notre vie une chose assez belle, une chose assez grande, assez noble, pour qu’elle soit digne de Lui être offerte comme une réponse d’amour à l’Amour infini qu’Il est.

Joyeuse fête de Noël à tous !

Amen

Pasteur Jean-Paul NUNEZ

Noël 2022

 

Print Friendly, PDF & Email