Culte de Pâques

Culte de Pâques Clermont l’Hérault le 9 avril 2023.

Jean 20

Chacun des évangélistes a rendu compte de la résurrection de Jésus à sa manière. Jean comme à son habitude fait un peu cavalier seul. Il fait évidemment des choix en fonction d’une intention pédagogique, c’est cette intention que nous allons essayer de découvrir en observant l’ensemble du chapitre 20.

Vous avez peut-être remarqué que le verbe « voir » tient une place de choix dans ce chapitre, plusieurs verbes grecs sont employés sans qu’il soit facile d’en déduire quelque chose. Quoi qu’il en soit, si nous avons en mémoire l’histoire de la guérison de l’aveugle (ch. 9) nous savons en tout cas qu’il y a voir et voir…

Nous avons ici 4 scènes, comme 4 étapes d’un chemin de foi.

– La première scène qui a Pierre et l’autre disciple comme personnages centraux montre deux hommes qui voient sans voir, jusqu’à ce que l’un d’eux « comprenne » le signe qui semble rester fermé à l’autre.

– La deuxième scène est autour de Marie de Magdala. Elle observe le tombeau vide, les anges, Jésus, mais ne voit pas vraiment, ne comprend, que lorsque Jésus l’appelle par son nom.

– La troisième scène montre les disciples enfermés, tout heureux de voir Jésus. Jésus leur donne la paix pour les envoyer dehors.

– Thomas est le héros de la quatrième scène. La question du rapport entre voir et croire est clairement posée. La réponse nous concerne directement.

Reprenons ce chemin tranquillement

Le premier jour de la semaine, le dimanche donc, Marie-Madeleine arrivée de bon matin voit que la pierre a été enlevée. Pierre et l’autre disciple, l’ami de Jésus, accourus, voient… la description qui suit est très précise : L’autre disciple, premier arrivé, sans entrer dans le tombeau, voit les bandelettes, quand Pierre arrive, il entre et voit les bandelettes et en plus le linge qui entourait la tête de Jésus ; ce linge était à part, sans doute pas visible de l’entrée. La disposition des linges est bien précisée. L’autre disciple entre finalement, et là dit le texte : il vit et il crut.

Dans le tombeau il n’y a plus le corps crucifié de Jésus, mais des linges. Ces linges font signe. L’autre disciple quand il voit leur disposition comprend que Jésus est ressuscité, il comprend qu’il n’a pas été enlevé, qu’il ne s’est pas réveillé d’un coma et n’a pas défait ses bandelettes comme on déroulerait un pansement inutile pour l’entasser dans un coin. Son corps nouveau a laissé les linges comme une coquille vide affaissée et c’est en voyant cela que ce disciple comprend l’Écriture et croit. Le signe était là visible pour tous, attendant l’éclairage qui lui donnerait sens. Il comprend ce que l’Écriture désignait par résurrection, c’était bien plus qu’une réanimation.

Dans la deuxième scène, Marie-Madeleine regarde beaucoup de choses mais ne voit rien. Elle voit deux anges, elle voit Jésus, mais ne reconnaît personne. Les anges et Jésus la questionnent sur la raison de ses pleurs, dans les deux cas elle les justifie par la même raison : on lui a pris son Seigneur. Nous comprenons ainsi ce qui est au cœur de sa peine et de cet épisode, c’est la séparation. La question qui est posée ici est celle du lien entre Jésus et ceux qui l’aiment. À qui Marie s’accrochera-t-elle désormais ? Jésus, l’invite à une autre proximité. Sur le désir de présence corporelle, de communion sensible, ce passage nous dit bien des choses.

Les anges de chaque côté de l’emplacement où avait été le corps sont comme les anges au-dessus de l’arche de l’alliance du temple indiquant la présence d’un Dieu invisible ; leur présence signifie que dorénavant la visibilité de Dieu en Jésus prend fin. Le fait que Marie reconnaisse Jésus quand il prononce son nom, le fait qu’elle aille dire aux disciples non seulement qu’elle a vu Jésus mais ce qu’il lui a dit, indique également une nouvelle relation, une nouvelle façon d’être proche. Ses yeux l’ont trompée, pas la prononciation de son nom. Le mode de présence de Jésus à ses disciples change, mais il reste présent par son Esprit, Esprit qu’il donne à ses disciples pour qu’ils se remettent en route. Il vous est avantageux que je m’en aille, avait-il dit. Marie, au lieu de s’accrocher à ce qu’elle a connu, est invitée à entrer dans une autre forme de communion. 

– Troisième scène, troisième étape. Nous sommes au soir de Pâques. Les disciples sont enfermés au propre comme au figuré. Ils ont peur, ils ne savent comment envisager l’avenir. Jésus se présente au milieu d’eux confirmant ce que l’autre disciple avait compris, son corps n’est plus soumis aux contingences de cette création. Il n’est plus de cette création. Les disciples se réjouissent de voir Jésus, mais dans cet épisode, l’accent tombe aussitôt sur ce que Jésus fait pour les sortir de leur blocage. Il leur donne la paix, ils en ont bien besoin, et il les envoie, il les fait sortir de leur enfermement. Ils sont chargés d’être les témoins du Christ ressuscité, ils le seront par la puissance de l’Esprit que leur donne Jésus, il souffle sur eux indiquant que c’est son Esprit qui les accompagne. Cette Pentecôte est typique de Jean, pour lui la mort, la résurrection, l’ascension, le don de l’Esprit sont inséparables théologiquement. Les apôtres sont ainsi envoyés avec l’autorité de leur maître comme les témoins de l’Évangile, leur parole vaudra la sienne, les bases de l’Église sont posées.

– Quatrième étape. Thomas n’a rien vu et par conséquent prétend ne rien croire. Ce qui est d’abord souligné ici c’est que, pour Thomas, il n’est pas question de croire seulement sur la parole de ses amis, il veut voir lui-même. C’est ainsi que nous est posée la problématique qui est celle de l’Église : sur quoi fonder sa foi ? Sur quelle base croyons-nous ? Que ce soit un enseignement pour l’Église est aussi indiqué dans le fait que cette scène se déroule le soir du dimanche suivant, la nouvelle semaine qui commence est celle de l’Église. Thomas le jumeau, notre jumeau, est appelé à devenir croyant, c’est donc ce qui nous est demandé. Pour Thomas, comme pour les hommes d’aujourd’hui, l’enjeu est de croire autrement. Devenir croyant, c’est croire sur parole, croire sans avoir été premiers témoins, sans avoir constaté les signes dans le tombeau, croire sans avoir entendu la voix de Jésus.  

Thomas n’a finalement pas eu besoin des preuves qu’il réclamait, devant son Seigneur il ne peut que confesser : Mon Seigneur et mon Dieu. À quoi Jésus répond : Heureux ceux qui croient sans avoir vu. Cette parole conclusive de Jésus mérite un instant de réflexion. Les heureux dont il est question, nous peut-être, sont-ils plus heureux que les autres qui ont vu ? Il n’y a pas de raison de croire cela. Il est plus juste de comprendre qu’ils sont heureux bien qu’ils n’aient pas vu. La joie de la communion n’est pas réservée à ceux qui étaient là pour voir. Mais nous avions déjà constaté que, de toutes manières, les yeux sont insuffisants pour comprendre et percevoir ce que Dieu accomplit.

Ce chapitre nous a conduits sur un chemin qui va du premier matin à nos jours. Nous pourrions dire que les premières étapes nous ont manqué. Nous n’avons pas vu le tombeau vide, pas rencontré Jésus. Et pourtant, en étant placés devant ce qui nous est raconté, nous sommes nous aussi invités à ouvrir les yeux et les oreilles. C’est pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le fils de Dieu et que par cette foi vous ayez la vie que tout a été écrit. Jean n’a pas seulement dit : il est ressuscité. Il nous a montré le chemin de la foi. Nous sommes les jumeaux des premiers disciples envoyés comme témoins de celui qui est monté auprès de son père, notre père.

Partant des Écritures, éclairés par l’Esprit saint, le Ressuscité nous invite ce matin à devenir des hommes et des femmes de foi.

Amen

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