Culte de Pentecôte

proposé par Michel Prat

Culte de Pentecôte 28 mai 2023

Textes : Actes 2 v 1 à 18 ; Galates 5 v 16 à 25 ; Jean 15 v 26 et 27 et 16 v 12 à 15

Le sens de la fête de Pentecôte a évolué avec le temps. Initialement, il s’agissait d’une fête des moissons. L’offrande des prémices était un signe de gratitude pour la récolte. Progressivement cette fête a évolué vers la fête de l’alliance conclue par Dieu et Noé qui intègre la promesse de la fécondité de la nature.

Cette fête de l’alliance a elle-même évolué vers la célébration de l’alliance avec un grand A : le don de la Thora. On ne sait pas très bien qui était premier au moment de cette Pentecôte. Nous devons entendre que c’était une fête qui clôturait le temps inauguré à Pâque et qui rassemblait de nombreux pèlerins dans la ville sainte.

A Jérusalem ce jour-là : Pentecôte

Comme j’aurais aimé me trouver à Jérusalem ce jour-là ! Avec un intérêt, je l’avoue, mêlé d’une certaine curiosité. Car enfin : ce bruit, ce vent, ces langues de feu. Ces analphabètes qui parlent soudain toutes les langues de la Méditerranée ; vous trouvez que cela fait très sérieux vous ?

Mais voici que ce regard de scepticisme se trouve brusquement interpellé par l’apôtre Pierre : « Ces gens n’ont pas bu, comme vous le supposez, il n’est d’ailleurs que neuf heures du matin ».

Cet argument péremptoire est relayé à un autre, un peu plus solide :« C’est ici ce qui avait été annoncé par le prophète Joël : vos fils et vos filles prophétiseront, vos jeunes gens auront des visions et vos vieillards auront des songes ! »

Avouons-le, le Saint Esprit, ce troisième personnage de la trinité en est un peu l’enfant terrible. Insaisissable, imprévisible, il nous fait un peu peur à nous Eglise Protestante Unie mais toujours Réformés, s’entend.

Nos frères orthodoxes ont de lui une très ancienne fréquentation et plus proche de nous, nos frères pentecôtistes et charismatiques semblent s’en accommoder même si certaines de leurs exubérances nous troublent un peu.

Dieu agissant en nous et aujourd’hui. Oui bien sûr. Mais comment distinguer certaines manifestations psychiques, psychosomatiques, de l’action du Saint Esprit ? Quelle est la part entre ce qui vient de nous, de nos profondeurs, de notre subconscient et ce qui vient de DIEU ?

Nous ne sommes pas d’ailleurs les premiers à nous poser ce genre de questions : L’apôtre Paul à Corinthe, s’est trouvé confronté avec ces mêmes problèmes. Dans la communauté ceux qui se prétendaient les plus spirituels, pratiquaient déjà le « parler en langues »

Il s’agit d’un phénomène connu qui n’est pas spécifique aux chrétiens. On en trouve des témoignages dans diverses civilisations. Les cultes Bachiques à Corinthe, le pratiquaient abondamment, d’où la très grande réserve de Paul à son égard : « Vous parlez en langues, très bien ! Quant à moi je préfère, dans une assemblée, cinq paroles intelligibles à dix mille en langues. » (I Co 14 v 19).

Jean situe le don de l’Esprit, le soir même de Pâques, lors de la visite impromptue que Jésus rend à ses disciples apeurés et enfermés. Il souffle sur eux, leur donnant son Esprit et les envoie à l’extérieur annoncer la bonne nouvelle.

Luc, dans notre récit, situe l’évènement cinquante jours plus tard, au jour de la fête des moissons qui commémorait la nuit de la libération d’Egypte avec Moïse.

Que se passe-t-il ? Ils sont réunis tous ensembles si le tous évoquent les 120 dont il est question dans Actes 1v 15 il ne peut s’agir d’une maison privée, probablement une annexe du Temple ce qui justifie la présence de nombreux pèlerins qui deviennent de fait les témoins de l’évènement.

Un peu comme au Sinaï, quand Moïse reçoit la Loi de Dieu, il y a du bruit, du vent, la maison tremble et une langue de feu se pose sur chacun des disciples. L’Esprit est à la fois collectif et individualisé, il concerne tous les disciples réunis et chacun d’entre eux individuellement. « Ils furent tous remplis du Saint Esprit et se mirent à parler en d’autres langues, selon que l’Esprit leur donnait de s’exprimer ».

Mais la Pentecôte fait ici éclater : le Sinaï, la Loi, Le Peuple et le Temple ! De plus elle inaugure un nouveau peuple universel.

Que s’est-il passé ? La plupart des commentateurs s’accordent à penser qu’il s’est agi de l’une de ces manifestations du « parler en langue ». Mais il est intéressant de noter que l’explication que Luc en donne rejoint celle de Paul.

Jésus les ayant quittés, c’est son Esprit qui leur communiquera la Parole de Dieu mais pas pour leur usage personnel. C’est une Parole communiquée pour être partagée, entendue et comprise par tous les habitants de Jérusalem et les touristes qui s’y trouvent, chacun dans sa propre langue. Le contraire d’un groupe d’initiés fermé.

Il y a d’abord le bruit qui fait accourir la multitude qui est bouleversée parce que chacun les entend parler dans leur propre langue. En grec le temps employé est à l’aoriste c’est-à-dire un temps qui évoque une action passée tandis que plus loin le verbe étonné est à l’imparfait c’est un temps qui évoque une action qui se poursuit dans la durée. Une fois le bouleversement passé, la multitude continue à être étonnée. Les témoins assistent à un événement qui les accompagnera dans le temps. Chacun les entendait parler dans sa langue maternelle, il faut souligner ici les mots langue maternelle : Entendre les disciples parler dans sa langue maternelle, c’est entendre leur parole dans la langue de son intimité. C’est entendre leur parole comme si elle nous était adressée à chacun d’entre nous, individuellement.

La liste des nations qui suit est hétéroclite et les commentateurs n’ont pas trouvé de logique à cette énumération qui associe des peuples à des régions et qui se termine en évoquant la citoyenneté romaine. Il y a des catégories religieuses (Juif et Prosélytes) des catégories ethniques (Crétois et Arabes). Cette énumération évoque une foule cosmopolite, bigarrée, parlant toutes les langues, selon toutes les coutumes. Tous les témoins, au-delà de leurs différences, ont un point commun : Ils entendent les œuvres grandioses de Dieu dans leur langue maternelle. L’Esprit nous invite là à élargir notre vision de l’Eglise pour y intégrer tous les chrétiens de toutes nations et toutes traditions.

Quel défi à recevoir dans cette énumération ! Ils sont là un certain nombre de paysans-pécheurs, accompagnés de quelques femmes, avec pour seule mémoire les semaines passées avec Jésus en itinérance à travers routes et villages.

L’Esprit de Dieu vient sur eux et commence alors l’évangélisation du monde entier ! Rien que cela et de plus la parole est venue jusqu’à nous sans quoi nous ne serions pas là pour en parler.

Même partageant avec Paul et Luc, une certaine réserve à l’endroit de manifestations « spectaculaires » de cet Esprit, nous ne pouvons cependant que nous interroger sur notre disponibilité à l’accueillir aujourd’hui pour communiquer l’Evangile.

Sommes-nous capables de le communiquer à chacun des habitants de notre cité et de notre environnement, dans sa propre langue, dans sa propre culture ? Sans doute un peu car nous avons des nouveaux arrivant dans notre communauté mais pas au point de mettre, comme à Jérusalem, toute la ville en émoi.

En ce dimanche où des adolescents, au terme de leur catéchèse sont reçus dans nos églises ; nous voilà invités à prier pour que ces fils et filles restent fidèles à l’Eglise pour que l’évangile se répande et que l’Eglise devienne toujours plus universelle.

Si notre liturgie comprend, avant la lecture de l’écriture, une prière d’invocation à l’Esprit c’est qu’il ne suffit pas d’être des perroquets de sa parole ou les mimes de ses gestes. Il faut qu’au travers de ces paroles et de ces gestes, la vie de Dieu nous saisisse et que nous puissions la partager avec tous.

Veuille Seigneur, nous aider à être de ces chrétiens qui demandent le Saint Esprit, le reçoivent sans crainte et partagent la Parole du Christ avec chacun dans sa propre langue.

Amen

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