Culte avec Jean-Pierre JULIAN

Une humanité qui a pris la place de Dieu et qui ne s’en aperçoit même plus

La reconquête de notre cœur

Lecture Genèse 3 v 1 à 6 et Evangile selon Luc chapitre 4 v 1 à 14.

Sœurs et frères en Christ, Lors d’une précédente prédication nous avions approfondi la source du péché. Cette prédication est disponible sur le site internet de notre Eglise. Aujourd’hui nous allons approfondir comment ce péché va apparaitre au grand jour. Pour ce faire, nous allons nous appuyer sur le verset 6 de Genèse 3 et le récit dit de la tentation du Christ au désert dans l’évangile selon Luc. Dans un premier temps nous nous attarderons sur deux questions : D’où venons-nous et qui sommes-nous. Dans un second temps nous verrons comment Dieu s’y prend pour reconquérir notre cœur.

1 D’où venons-nous et qui sommes- nous

Commençons avec Genèse 3 verset 6.

Le passage à l’acte

« Elle vit que l’arbre était bon pour la nourriture, un délice pour les yeux et désirable pour agir avec clairvoyance. Et elle en donna à son mari qui était avec elle. »

Deux univers imaginaires en tension

En avalant la parole du serpent avisé, Eve et Adam pensent donc s’affranchir de leurs conditions de créatures. Ils pensent cela puisque le serpent avisé leur a dit qu’ils seraient « comme des Dieux s’ils mangeaient le fruit de l’arbre de la connaissance du bonheur et du malheur. Gardons à l’esprit que dans les deux premiers chapitres de la Genèse nous découvrons un Dieu bon, un Dieu plein d’attention pour notre humanité. L’écrivain Biblique dans ces deux premiers chapitres décrit une relation de plus en plus profonde entre Dieu et notre humanité. Le chapitre trois, avec l’arrivée du serpent qui parle, nous fait basculer dans un contre imaginaire, celui du serpent. Cet imaginaire du serpent va se construire en opposition avec celui du Dieu bon et aimant. Il est donc important de bien distinguer ces deux imaginaires que nous offre l’écrivain biblique à travers ces trois premiers chapitres du livre de la Genèse pour comprendre ce qui joue autour de cet arbre de la connaissance du bonheur et du malheur.

D’où venons-nous et qui sommes-nous ?

La parole du serpent avisée est donc entrée dans le cœur d’Adam et d’Eve (le cœur dans la Bible est le siège de notre réflexion, de nos décisions, de notre discernement, de notre esprit). Le simple fait de manger le fruit défendu, de passer à l’acte, a rendu visible la désobéissance à la parole du Dieu bon, du Dieu aimant. Le Péché ici est donc rendu visible par l’acte de consommé le fruit défendu. Le péché ici, c’est avant toute chose le choix et la décision de notre humanité de tourner le dos à Dieu, de lui être infidèle, de ne plus écouter sa Parole. C’est cet acte-là qui brise la confiance entre Lui et nous. Eve et Adam se sont affranchis, par leur libre arbitre, de ce Dieu bon. Ils n’ont pas mesuré, tous les deux, qu’en s’affranchissant du Dieu bon, ils devenaient esclave d’un autre imaginaire, celui du serpent avisé. Les intentions, les motivations, les désirs de cette parole du serpent avisé sont donc entrés dans le cœur d’Eve et d’Adam. Elles ont régné en eux, comme elles règnent en nous-mêmes. Oui, vous avez bien entendu : elles ont régné en eux comme elles règnent en nous-mêmes. Pourquoi dire cela ? Pourquoi en nous aussi ? Tout simplement parce que nous sommes symboliquement leurs descendants. Nous sommes issus de cette humanité-là, nous dit le rédacteur de ce récit. Nous appartenons pleinement à cette humanité-là que représente Eve et Adam. Ces trois premiers récits de la Genèse ont donc comme objectif premier de nous dire d’où nous venons ? Et qui nous sommes ? Le « d’où nous venons » et le « qui nous sommes-nous » est clair pour les deux premiers chapitres de la Genèse. Nous venons d’un Dieu qui est parole et qui est bon. Nous avons été créés selon son image et sa ressemblance et nous avons comme responsabilité la bonne gestion de cette planète. Comme nous sommes des êtres de relations, le Dieu bon nous a créés pour que nous apprenions à vivre une belle et profonde communion avec Lui et à aimer notre prochain comme nous-même. A partir du chapitre 3 le « d’où nous venons » et le « qui sommes-nous » se transforme en un clair-obscur, ou plutôt, en une obscurité qui va tendre vers des ténèbres de plus en plus ténébreuses. Ici, dans ce récit du chapitre 3, l’écrivain biblique, avec finesse, nous indique que notre rapport au réel change du tout au tout, suite au dialogue avec le serpent rusé. L’écoute d’Eve et d’Adam n’est plus orientée vers Dieu mais vers le serpent rusé. Le regard d’Eve et d’Adam n’est plus tourné vers Dieu mais vers le fruit de l’arbre de la connaissance du bonheur et du malheur. Le péché advient à l’existence ici

Le nouveau positionnement de notre humanité

« Elle vit que l’arbre était bon pour la nourriture ». Pour ceux et celles qui suivent notre étude biblique sur le premier chapitre du livre de la Genèse, il y a un adjectif qui doit vous interpeller. L’arbre était bon pour la nourriture. Dans le premier récit de la Genèse Dieu Dit et ce qu’il dit se réalise, puis Dieu vit que cela était bon, « Dieu vit que la lumière était bonne » et cette expression de Dieu : « il vit que cela était bon » revient plusieurs fois comme un leitmotiv dans ce premier chapitre de la Genèse. Dieu vit que cela était bon. Et voici que notre humanité à travers le regard d’Eve dit : « Elle vit que l’arbre était bon. » En effet, tout ce que Dieu dit et fait est bon et cet arbre a été créé par Dieu. Mais c’est lui et lui seul qui après avoir dit et fait, vit que cela était bon. Lui seul à autorité pour déclarer ce qui est bon. Le narrateur de ce récit en écrivant : « elle vit que cet arbre était bon pour la nourriture » indique clairement qu’Eve ici se met à la place de Dieu. Elle voit et elle dit ce qui est bon. La parole du serpent avisé à accomplit son œuvre dans le cœur d’Eve et Adam. Tous deux, prennent la place de Dieu en consommant le fruit de l’arbre de la connaissance du bonheur et du malheur. Puisqu’elle vit et qu’elle trouva le fruit bon pour la nourriture. Le narrateur de ce récit annonce ici clairement que l’écoute et le regard de notre humanité est en quelque sorte vicié. Nous n’entendons plus et nous ne voyons plus Dieu tel qu’il est réellement. Nous l’imaginons autre que ce qu’il est. Nous écoutons dans les profondeurs de notre être une autre parole que la sienne. Le plus souvent nous écoutons que notre propre parole. Une parole qui se croit seule et perdu dans cet univers. Une parole qui se prend pour Dieu sans même s’en rendre compte.

Une créature qui se croit libre et indépendante

D’une manière totalement étonnante aujourd’hui notre humanité trouve normal d’avoir cette posture indépendante et apparemment libre à l’égard du Dieu Biblique ou de tout autre dieu. Des commentateurs de la Bible déclarent parfois que nous assistons ici, dans ce récit biblique, à la naissance de l’autonomie de notre humanité. Comme si, celle-ci, voulait s’affranchir de toute autorité et en particulier de celle du Dieu Amour pour exister pleinement. Mais une autre parole insidieuse, en réalité, règne en nous. Elle est cachée maintenant au plus profond de notre humanité, invisible, insoupçonnable. Celle qui a dit à Eve et Adam « vous serez comme des Dieux si vous mangez le fruit de cet arbre. » Celle qui leur a dit : « Dieu sait ! ». Maintenant cette parole insidieuse n’a plus à rien dire. Elle laisse dire, elle laisse faire. Elle règne en notre humanité en silence. Eve et Adam qui sont donc le symbole de notre humanité sont devenus de parfaites marionnettes qui n’ont même plus consciences des fils qui les manipules. Le vouloir « être comme des Dieux » cette parole du serpent avisé l’a donc emporté sur le vivre de la seule parole du Dieu Amour. Adam et Eve ont avalé aussi cette autre manière de parler du Serpent avisé « Dieu Sait » ; ils vont s’autoriser à parler au nom de Dieu, tout comme nous d’ailleurs. Au fil du temps le nom de Dieu deviendra un prétexte pour tuer et assassiner, puis une figure de style dans les romans pour devenir aujourd’hui un simple juron dans notre pays : Nom de Dieu ! En plaçant leur confiance et en étant fidèle en cette parole du serpent avisé, Eve et Adam quittent symboliquement tous les deux l’univers du jardin d’Eden que Dieu à crée pour eux. Ils seront d’ailleurs chassés de ce jardin d’Eden par la suite nous dit l’écrivain biblique. Ils seront chassés pour vivre dans le monde dans lequel nous vivons tous.

2 La reconquête de notre cœur

Mais le Dieu en qui nous croyons ne s’est pas contenté de regarder notre infidélité et notre prétention à vouloir être son égal. Il va entreprendre la reconquête de notre cœur, malgré le fait que nous avions oublié son Nom, sa réelle bonté, son Amour sans faille, son image même. Cette reconquête de notre cœur sera annoncée dans l’ancien testament et elle sera effective à travers une personne : Jésus le Christ. C’est ce que nous allons voir maintenant et ce sera notre conclusion. (Je vous rappelle que le cœur dans la Bible c’est le siège de notre réflexion, de nos décisions, de notre discernement, de notre esprit)

Ecoutons maintenant ce que nous dit le récit de l’évangile selon Luc.

« Jésus remplit d’Esprit Saint, revint du jourdain et fut conduit par l’Esprit dans le désert, où il fut tenté par le diviseur pendant quarante jours. Il ne mangea rien durant ces jours-là, et après, qu’ils furent écoulés, il eut faim. Le Diviseur lui dit : Si tu es Fils de Dieu ordonne à cette pierre qu’elle devienne du pain. Jésus répondit : Il est écrit : l’homme ne vivra pas de pain seulement. » Mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu ajoutera l’Evangéliste Matthieu.

Le dialogue spirituel

Ce dialogue entre Jésus et le diable (le diviseur) est un dialogue spirituel. L’évangéliste nous fait entrer dans les profondeurs du cœur humain. Ici ce joue un combat permanent dans notre humanité, au plus intime de notre cœur, en notre intériorité. La reconquête de notre cœur commence ici dans ce dialogue spirituel. La parole qui l’emporte à chaque fois est celle de Jésus. C’est cette parole qui règne encore aujourd’hui en notre intériorité depuis la résurrection de Jésus le Christ, notre Seigneur. Le diable, en grec littéralement : le diviseur. Est une autre figure du serpent avisé. Il tente sur Jésus la même tactique qu’avec Adam et Eve le « vous serez comme des Dieux » devient : « Si tu es fils de Dieu ordonne à cette pierre de devenir du pain. » Dit autrement : « comme tu as faim, assumes ce que tu es, et, change les pierres en pain. Dit encore autrement : « Prouve-moi que tu es fils de Dieu. » Jésus le christ, notre Seigneur ne tombera pas dans le piège que lui tend le diviseur. Il ne répondra pas à la question que celui-ci lui pose.

La pleine humanité de Jésus le Christ 

Jésus assume ici pleinement son humanité. Et c’est cela qu’il est important d’entendre ce jour. Jésus assume pleinement son humanité. Et en l’assumant il va nous permettre de l’assumer nous aussi jusqu’à notre dernier souffle. L’Evangéliste Luc écrit : « Jésus à faim », après quarante jours sans manger cela est compréhensible. L’évangéliste Luc nous alerte sur cette notion de faim. Lorsqu’une personne a faim elle est prête à tout pour ingurgiter la moindre nourriture. Il nous alerte aussi, dans ce court passage, sur le fait que nous ne sommes pas seulement des êtres qui doivent sustenter leurs corps pour vivre ou survivre dans ce monde. Nous sommes des êtres de relations. Nous nous nourrissons des paroles, des émotions, des rires, des réflexions de nos semblables. Et nous avons besoin d’eux pour vivre en société, pour échanger et partager ce que nous vivons et ressentons. Mais l’évangéliste fait un pas de plus en rapportant cette parole du Christ Jésus : « l’homme ne vivra pas seulement de pain » mais, ajoute l’Evangéliste Matthieu « de toute parole qui sort de la bouche de Dieu ». Nous savons tous que la parole de Dieu s’est faite chair, elle s’est faite être humain en Jésus Christ. Et nous sommes donc appelé à nous nourrir de cette parole dans tous les sens du terme. La reconquête de notre cœur commence ici avec Jésus notre Seigneur. Il vient redonner à notre humanité le sens de notre existence. Nous avions perdu ce sens dans le jardin d’Eden nous le retrouvons dans un désert à travers l’humanité de Jésus le Christ. Ce qui est bon pour la nourriture, c’est de se nourrir de la Parole de Dieu, afin que celle-ci au fil du temps règne dans nos cœurs. Ce qui est bon à manger c’est donc la parole de Dieu. Une Parole vivante, vivifiante qui vit en chacun de nous, au plus intime de notre être et que nous découvrons en lisant la Bible et en interprétant la parole avec l’aide de l’Esprit Saint, jour après jour. Une parole vivante, vivifiante qui se donne aussi dans le pain et le vin que nous allons partager. Amen.

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