Evangile selon Marc 9 v 30 à 37
1 Entendons-nous bien l’évangile de Jésus Christ ?
Sœurs et frères en Christ,
Notre Seigneur dans l’Evangile selon Marc annonce toujours d’une manière claire sa Passion. Il doit être livré, crucifié, tué puis ressuscité des morts le troisième jour. Suite à cette annonce dure à entendre pour les disciples, et peut être pour nous aussi, ils réagissent. Leurs réactions sont à l’image de leurs inquiétudes. Jésus s’assied, nous dit le texte grec, comme nous sommes assis en ce dimanche matin, pour approfondir avec ses disciples un aspect de sa Passion.
Il y a une constante dans l’Evangile selon Marc et dans les autres évangiles, c’est que les disciples ont du mal à comprendre les propos de Jésus le Christ. Ils entendent bien les paroles du Maître mais ils ont du mal à l’écouter vraiment. Les disciples entendent ce qu’ils ont bien envie d’entendre.
Nous faisons comme eux souvent, nous entendons une parole et nous plaquons sur cette parole une interprétation qui nous arrange, qui nous fait plaisir, qui correspond à l’idée que nous nous faisons de la chose. Nous croyons écouter, alors qu’en réalité, nous n’écoutons que nous-mêmes.
D’où cette pédagogie de Jésus-Christ. Il annonce tranquillement la suite des évènements tout en marchant, puis il s’assied et reprend un aspect de son enseignement.
2 Travailler en équipe, pas si simple…
Dans les Evangiles nous découvrons la profonde relation que Jésus entretient avec les hommes et les femmes de son temps. Ces profondes relations qui nous sont narrées dans les Evangiles nous construisent et nous aident, nous aussi, dans notre relation à Dieu et avec le prochain. Nous pouvons aisément nous reconnaître, les uns et les autres, dans les réactions des disciples, dans leurs discussions. En effet, dès qu’il y a une équipe qui se constitue comme par exemple un conseil presbytéral, un groupe d’étude biblique, une équipe qui organise un concert, un délégué synodal qui rencontre d’autres délégués au synode régional, un groupe de musiciens… Dès qu’une équipe se met en place, dès qu’elle prend la décision d’être au service de la communauté, de l’Eglise, au service des autres, arrive aussi, par la même occasion, de temps à autres, certaines complications. Le récit nous décrit une de ces complications.
3 La peur du vide, de la chaise vide
Les disciples n’ont retenu qu’une seule chose de l’enseignement de Jésus lorsqu’ils étaient en chemin : sa mort… Et cette nouvelle les angoisses. Ils pensent à l’après. Comment vont-ils s’organiser ? comment vont-ils accompagner toutes celles et ceux qui les suivent ? Et la grande question qui les préoccupent : qui va être le décideur ? Qui va donner une juste vision au groupe ? Qui va analyser le plus finement les situations complexes ? Qui va être en capacité de comprendre le monde tel qui l’est ? Qui interprètera le mieux les paroles du maitre qu’ils auront conservées ? Cela s’appelle la peur du vide, de la chaise vide. Alors en homme prévoyant, pragmatique, ils pensent à la succession. Qui va prendre la place du Maître ? Qui va être le digne continuateur de l’œuvre commencer par Jésus-Christ ? Qui va commander ? Qui est le plus grand, le plus intelligent ? On comprend facilement la querelle qui surgit entre eux.
4 Instrumentaliser ou être au service de la vie
Les disciples pensent donc à la succession. Lequel d’entre eux va hériter du titre de maître pour orienter, guider les autres, guider l’Eglise. Les disciples commettent une erreur fondamentale. Sommes-nous si différents d’eux ? Ils veulent diriger leurs semblables, en réalité ils veulent instrumentaliser leurs semblables. Ils veulent que leurs points de vue l’emportent et que les autres adhèrent à leurs points de vue, un point c’est tout ! Et d’ailleurs, n’est-ce pas cela qui est insupportable à vivre : sentir que l’autre cherche à vous instrumentaliser, qu’il soit pasteur, catéchète, conseiller, animateur, simple témoin de Jésus le Christ, ou encore président d’une association culturelle, d’entraide, homme politique…C’est insupportable de sentir que celui qui vous parle cherche à vous instrumentaliser. Jésus le Christ nous montre finalement un autre chemin, un chemin de vie.
5 Un chemin de vie qui convoque notre réflexion et notre intériorité.
Dans ce chemin de vie, Il prend donc le temps nécessaire avec ses disciples, Il les accompagne, Il les écoute, Il les interroge, puis Il les enseigne. Son enseignement est fait de parabole et de gestes quotidiens. Il met un petit-enfant au milieu d’eux et le prend dans ses bras. Arrêtons-nous quelques instants sur ce geste d’amour de notre Seigneur. Nous pouvons discerner deux enseignements pour les disciples et pour nous.
Le premier : Le petit enfant est au milieu, au centre de tous les regards. Dans ce milieu, il y a aussi Jésus qui le tient dans ses bras. L’image est belle. Souvenons-nous de la naissance de nos enfants lorsque nous les présentions à la famille. Nous sommes au centre avec la merveille de notre vie dans nos bras. La scène que nous narre l’évangéliste Marc est belle et à la fois courante. C’est une scène familiale. Il y a de la joie à voir Jésus le Christ notre Seigneur avec cet enfant dans ses bras. L’impact de cette scène est immédiat sur les disciples. Ils se décentrent d’eux-mêmes. Ils ne pensent plus à « qui est le plus grand. » Ils sortent de leurs questionnements. Ils observent avec joie cette scène étonnante où Jésus prend dans ses bras ce petit enfant. Retenons donc ce premier enseignement, le décentrement de soi.
6 Un cœur Un, simple et joyeux
« Qui accueille, en mon nom, un petit-enfant comme celui-ci m’accueille. » Cette parole que le Seigneur leur livre les entraine vers une dépréoccupassions d’eux-mêmes. Il ne s’agit plus ici de se positionner par rapport à l’autre disciple, ni de se comparer pour se mettre en évidence, ni d’imaginer que l’un d’eux doit prendre la place du maitre. Cette parole, « qui accueille, en mon nom, un petit-enfant comme celui-ci m’accueille », va les entrainer vers un questionnement plus intérieur, plus profond.
Jésus notre Seigneur nous demande de réfléchir à la manière dont nous l’accueillons. Il demande à être accueilli comme nous accueillons un petit enfant dans nos bras. Souvenons-nous de notre disposition d’esprit lorsque nous prenons un petit enfant dans nos bras. Nous sommes émerveillés, nous sommes dans la joie, nous sommes tout à lui, dans le sens que tous nos sens, tout notre être est centré sur lui. Ce petit enfant dans nos bras, nous replonge dans notre propre petite enfance. Nous retrouvons, illico-presto, cette belle simplicité de la petite enfance, la nôtre. Le cœur des petits enfants n’est pas partagé. Il est un dans ce qu’il fait, dans ce qu’il reçoit, dans ce qu’il dit et c’est le charme de la petite enfance. Le cœur du petit enfant est simple et joyeux. Il est un. Quelque soit l’âge que nous avons aujourd’hui, ce cœur simple et joyeux, ce cœur un, est toujours présent en chacun nous. Nous pouvons donc accueillir le Christ avec cet état esprit, avec ce cœur un. C’est le second enseignement de ce récit.
« Qui accueille, en mon nom, un petit enfant comme celui-ci m’accueille. »
Le Christ ici demande à ses disciples, et à nous, de faire un pas de plus dans la compréhension de qui Il est. L’enjeu de leur débat qui était : qui sera le plus grand et donc qui prendra la place du maitre, tombe à l’eau. Jésus leur annonce qu’ils vont devoir l’accueillir Lui, le Seigneur, dans leur propre intériorité. Et pour que cela se réalise en toute simplicité, il les encourage à cultiver ce cœur simple et joyeux qu’ils avaient lorsqu’ils ont pris dans leurs bras un petit enfant. Il leur est donc demandé à ces chers disciples et, à nous aussi, de cultiver cette simplicité du cœur et cette joie pour l’accueillir et vivre de Sa présence.
7 Un malentendu persistant
Nous percevons ici, toutefois, un grand malentendu entre les disciples et Jésus. Les disciples perçoivent Jésus, notre Seigneur, comme « un grand homme » de ce monde. Ils projettent sur lui les attributs d’un prophète, d’un empereur, d’un prince, d’un roi terrestre, d’un président, d’un grand militaire, d’un grand entrepreneur. Bref, Ils voient en Lui un puissant selon le monde. Certes, Jésus leur a montré certains attributs de sa puissance. Il a autorité sur les éléments, sur la mort, sur la maladie. Les disciples qui le suivent ne voient et ne retiennent des actes de Jésus qu’une puissance d’écrasement à l’image de la puissance de certains états qui veulent dominer leurs voisins. Le malentendu est profond. Le Christ, Lui, se présente à eux, et à nous, comme un serviteur au service de tous, au service de la vie, de l’amour, du pardon. Marcher sur l’eau, multiplier les pains, guérir tout cela n’a pas pour but de montrer une puissance, mais seulement de leur faire prendre conscience qu’ils ont, devant leurs yeux aveuglés et leurs intelligences enténébrées, le Dieu Amour fait être humain en Jésus le Christ. Un Dieu Créateur remplit de bienveillance pour la Création et les créatures que nous sommes.
8 Une profonde communion
Faisons un dernier pas comme nous y invite l’évangéliste Marc : Jésus ajoute : « Et qui m’accueille ce n’est pas moi qu’il accueille mais celui qui m’a envoyé ». Cette seconde parole a de quoi décontenancé les disciples et nous-mêmes. Il y a peu, nous avons précisé qu’elle devait être notre disposition d’esprit : un cœur Un simple et joyeux pour accueillir le Christ dans notre vie. Voila que le Seigneur ajoute. « Et qui m’accueille, ce n’est pas moi qu’il accueille mais celui qui m’a envoyé. » Il y a de quoi en perdre son latin ! Mieux nous en perdons notre cartésianisme ! Nous comprenons tous que celui qui l’a envoyé c’est son Père qui est aussi notre père, grâce à Jésus. Ce qui est important de contempler, ce matin, c’est l’humilité du Seigneur Jésus. Il ne se met pas en avant, il oriente notre regard intérieur vers celui qui l’a envoyé. Jésus s’inscrit dans la volonté de Son Père qui est notre Père. Il nous offre par sa vie de vivre une communion profonde, dans notre intériorité, avec le Père. Jésus est celui qui va permettre cette communion. Il nous inscrit dans sa vie pour vivre cette communion. Il s’efface sans disparaitre, Il est le trait d’union. Il est le médiateur entre nous et le Père.
Ce Dieu Amour fait être humain en Jésus Christ que nous célébrons dimanche après dimanche n’est donc pas venu pour nous montrer Sa puissance mais pour être livré aux puissances de ce monde afin de sauver notre humanité et sa Création tout entière. Ce Dieu d’Amour est venu pour réconcilier l’être humain avec Lui-même. Il est venu pour créer une profonde communion entre Lui et chacun de nous. Que son Nom soit béni. Amen