En ce dimanche de juin très chaud, nous avons vécu un baptême “double” , celui de Rony et Ruby, les enfants de Reine et Rémy.
Toute la famille de Reine a participé à la liturgie avec de belles paroles prononcées.
Que Dieu les bénisse !
Prédication de Jean-Pierre Julian
Luc 9 v 51 à 56
Ne nous trompons pas de combat !
Sœurs et frères en Christ,
Le contexte actuel
Ce texte de l’évangile selon Luc peut, je le pense, nous aider à ne pas nous laisser entraîner dans une violence dévastatrice qui peut grandir dans notre cœur, notre âme et notre force face à l’injustice galopante. En effets, depuis quelques années nos médias sont le relais de beaucoup de drames qui se déroulent, pas seulement dans notre pays, mais aussi dans le monde entier. En effet, nous sommes informés quotidiennement des crimes de guerres en tous genres qui sont perpétrés ici et là, des chrétiens persécutés en Syrie, de la tragédie de Gaza, des massacres du 7 octobre, des multiples conflits dans le monde et, en particulier, entre l’Ukraine et la Russie, entre Israël le Liban, la Syrie et maintenant l’Iran, entre les USA et l’Iran. Et nous n’oublions pas le continent Africain avec, entre-autre, la secte Boko Haram qui pillent et massacres les villages qui ne leur font pas allégeance. Cela donne le tournis et nous nous sentons, par biens des côtés, impuissants, mais aussi envahi par une profonde tristesse de voir ainsi notre humanité se déchirer et vouloir à ce point anéantir l’autre. L’autre celui qui ne pense pas comme nous, qui n’est pas de la même religion, de la même idéologie. L’autre qui ne nous ressemble pas, par sa couleur de peau, ses choix éthiques. Parfois il y a même de la colère qui peut nous envahir et nous demandons que justice soit enfin faite ! Nous confions bien entendu à notre Seigneur toutes ces vies brisées et toutes ces vies qui brisent d’autres vies. Nous prions et nous refusons de nous laisser envahir par la colère car nous savons que la colère est mauvaise conseillère, qu’elle aveugle notre discernement. D’où cette méditation sur ces quelques versets de l’Evangile de Luc afin de découvrir plus en profondeur ce que notre Seigneur cherche à nous dire.
Ce que nous révèle l’Evangile de Luc.
Les disciples de Jésus passent donc dans la région de Samarie avant de se rendre à Jérusalem et cherchent un logement pour leur maitre et eux-mêmes. Ils essuient un refus catégorique. Il faut ici simplement se souvenir, pour comprendre ce refus net et précis des samaritains, que la Samarie fut la capitale du royaume d’Israël. Elle fut conquise par les assyriens et la population fut mélangée à de gens transplantés par les conquérants. Après le retour des juifs de l’exil à Babylone, la communauté juive de Jérusalem ne voulut avoir aucun contact avec les populations « mélangées » restées dans le pays autour de Samarie, d’où le fait du refus d’hospitalité net et précis. Un samaritain ne peut donc accueillir ces juifs comme Jésus et ses disciples qui sont apparentés à Jérusalem. « Puisque vous nous avez rejeté, nous vous rejetons ! » pensent donc ces Samaritains. Nous avons toujours une histoire qui nous précède, et nous devons en être conscients pour comprendre parfois certains comportements qui peuvent nous froisser.
L’état d’esprit des disciples Jacques et Jean
Ce qui est très intéressant dans ce récit c’est la réaction de Jacques et de Jean, deux disciples très proches de Jésus. Ils se sentent offensés par le non accueil de Jésus dans ce village Samaritain. Pourquoi se sentent-ils offensés ? Littéralement le verset 51 dit : « Or arrivait le temps où il (Jésus) allait être enlevé du monde et sa face se durcit pour se rendre à Jérusalem. » La manière donc Luc décrit Jésus est intéressante. Luc le présente comme le Seigneur qui va être enlevé, qui va vivre la Passion. L’expression littérale de la face qui se durcit, ou que sa face va vers Jérusalem au v 53 insiste sur la Seigneurie du Christ qui va vers l’épreuve par excellence. Les disciples Jacques et Jean sont donc persuadés de la Seigneurie de Jésus Christ. « Seigneur veux-tu que nous disions au feu du ciel de descendre du ciel pour les consumer : disent-ils ». Le rédacteur de cet Evangile nous oblige ici à réfléchir sur cette notion de Seigneurie de Jésus. Les frères de Zébédée sont persuadés que toute offense envers le Seigneur mérite d’être consumé par le feu. Ils se positionnent tous les deux comme les juges et les défenseurs de l’honneur de Dieu. Ces villageois samaritains en refusant d’accueillir Jésus commettent, aux yeux de Jacques et de Jean, un crime de lèse-majesté. D’où leurs réactions vengeresses : Veux-tu que nous commandions que le feu descende du ciel et les consume ?
Ils sont prêts à détruire, au nom de Dieu, un village avec femmes et enfants…Peut être pensent-ils que ce refus d’hospitalité est un blasphème…Peut être croient-ils que le fait d’avoir été choisi par Jésus, le Seigneur, leur donne une certaine puissance et une autorité pour juger les humains ? De quoi ont-ils peurs ces deux disciples pour penser ainsi et être prêts à agir de cette manière ? Sont-ils à ce point si fiers d’eux mêmes d’être les proches collaborateurs de Jésus le Seigneur pour prendre ce refus comme un camouflet, comme une injure faite à leur Seigneur donc à eux-mêmes ? Ou peut-être sont-ils animés par une idéologie dévastatrice qui les aveugles ?
Le désir d’en découdre
Ce texte met donc en avant notre désir d’en découdre dès que nous considérons qu’il y a une offense profonde, et que cette profonde offense mérite châtiment. Ne sommes-nous pas faits de la même pâte que Jean et Jacques ? Nous leurs ressemblons bien plus que nous le croyons. Pourquoi cherche-t-on à ce point à ne tolérer que ceux et celles qui nous ressemblent ? Pourquoi sommes-nous si fermés à la différence, à toutes sortes de différences ? Chaque être humain est unique et si Dieu nous permet de vivre sur cette terre, n’est-ce pas pour manifester cette unicité afin de la partager et de nous enrichir mutuellement de tant d’unicités qui nous entourent ? Le désir d’en découdre et d’être « impitoyable » n’est pas réservé qu’aux terroristes, qu’aux gouvernements qui dominent ce monde. Ce désir de destruction radicale fait partie de notre humanité, l’évangile nous le rappelle ce matin. Ce désir d’en découdre peut-être à tout moment alimenté par les évènements que nous vivons ces jours-ci à travers nos médias. Evènements qui nous choquent, nous blessent, nous meurtrissent. La question est de savoir si nous allons alimenter ou non ce désir d’en découdre et d’être impitoyable envers l’offenseur. Ce désir vit en chacun de nous. Et, reconnaissons-le, ce n’est pas si simple de reconnaitre que nous sommes animés par ce désir d’en découdre et de lui de résister par la même occasion. Résister à ce désir-là surtout lorsqu’un proche est terrassé, lorsque vous découvrez les carnages, les massacres qu’il y a eu dans la salle de spectacle du Bataclan et de ce qui se passe actuellement à Gaza et de ce qui s’est passé le 7 octobre en Israël, de ce qui se passe aujourd’hui en Israël, au Liban, en Syrie, en Iran, en Afrique. La question que soulève ce texte est celle-ci : dois-je, à ce point, ressembler à Jacques et Jean pour que justice soit faite ? Ou Alors vais-je suivre un autre chemin, l’enseignement de Jésus Christ ?
L’enseignement de Jésus
Jésus se retourna vers eux et les réprimanda. Pourquoi il les réprimanda « car ils ne savaient pas de quel esprit ils étaient animés ». Dit autrement, « Jacques et Jean vous manquez de discernement et vous ne réagissez pas selon l’Esprit de Dieu mais selon l’esprit de celui qui accuse, qui détruit, qui veut en découdre, qui divise, qui est impitoyable, qui cherche à séparer les humains entre eux afin qu’ils se dévorent. Vous êtes animés par cet esprit qui cherchent à séparer l’être humain de l’Amour de Dieu. »
« Vous ne savez de quel esprit vous êtes animés ! » Lorsque nous souhaitons la destruction, la mort d’un individu nous ne sommes plus en communion avec l’Esprit de Christ, l’Esprit de Dieu, l’Esprit Saint. Nous ne sommes plus en communion avec l’humanité, puisqu’en voulant détruire un homme différent de nous, nous nous détruisons nous-mêmes. Les disciples Jacques et Jean ont cru que Jésus vivait ce refus d’hospitalité comme un blasphème, comme un affront personnel…Dit autrement que l’honneur de leur Seigneur était en question, donc le leur en réalité. Et ils se sont dit : « nous devons laver ce déshonneur, cet affront en lui demandant si nous pouvions envoyer le feu sur cette ville… » L’erreur est donc ici dans cette compréhension que la mission du Chrétien serait de défendre l’honneur de Dieu…Pour qui nous prenons nous ? Comme si Dieu n’était pas assez grand et pas assez puissant pour se défendre tout seul ? Quelle prétention de notre humanité ! Bref, nos deux disciples par cette simple question et par la réponse courte, mais essentielle de Jésus notre Seigneur, viennent de prendre conscience qu’ils se fourvoyaient eux-mêmes et que leurs réactions s’inscrivaient plus dans un contre témoignage qu’autre chose…Vous ne savez de quel esprit vous êtes animés !
N’oublions jamais que ce désir de destruction de l’autre ou de soi-même a été cloué par Jésus Christ sur la croix. Nous avons tendance à oublier que nos désirs d’en découdre ont été crucifiés sur la croix par le Christ afin que ces désirs ne nous dominent plus. Ils nous agitent mais ne nous dominent plus. Ce qui nous anime dorénavant c’est le fruit de l’Esprit Saint dans nos vies. Relever celui qui est à terre, qui que ce soit, c’est plus porteur que vouloir en découdre avec quelqu’un pour l’écraser afin d’avoir toute la place. Oui, ne l’oublions pas nous vivons dorénavant selon l’Esprit de Christ. Nous ne sommes plus là pour défendre l’honneur de Dieu, nous sommes là pour témoigner de son Amour pour tous et d’en vivre. Nous sommes là pour proclamer la grâce surabondante du Seigneur Jésus, le seul être humain ressuscité des morts. Nous venons de baptiser Rony et Ruby qui seront appeler l’un et l’autre à témoigner par leur vie l’Amour de Jésus Christ. Ils sont porteurs tous les deux d’une grande, belle et bonne nouvelle. Oui, nous ne sommes plus animés les uns et les autres par cet esprit de croisade, ni par ce désir de vengeance, ni par cette idéologie que la fin justifie les moyens. Nous ne sommes par cet esprit de croisade grâce au crucifié/ ressuscité des morts. Nous avons reçu un autre Esprit, le Souffle Saint qui nous anime qui nous permet de résister à ce désir d’en découdre qui a été cloué sur la croix. Nous avons reçu ce souffle Saint venant du Crucifié/Ressuscité des morts, Jésus notre Seigneur qui nous permet de regarder chaque être humain comme un être pleinement aimé par Dieu.
Ne nous trompons pas de combat !
« Le Fils de l’homme, dit Jésus en parlant de lui-même, est venu, non pour perdre les âmes des humains, mais pour les sauver. » Et si nous sommes rassemblés ce matin dans ce temple c’est pour témoigner tout simplement de cette bonne nouvelle à tous ceux et celles que Dieu place sur notre chemin. Nous ne sommes pas là pour exclure, ni pour séparer le bon grain du mauvais grain, ni pour mettre d’un côté les purs et de l’autre les impurs, ni pour claironner que seuls les croyants seront sauvés et que tous les autres iront en enfer. Nous sommes là pour témoigner de l’amour incroyable de Dieu pour chaque être humain car nous sommes dans le temps favorable de Dieu. Ne nous trompons pas de combat dans les jours et les mois à venir.
Amen