Il appela la foule avec ses disciples et leur dit : “Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il se charge de sa croix et qu’il me suive. En effet, ceux qui veulent sauver leur vie la perdront, et ceux qui la perdront à cause de moi et de l’Évangile la sauveront. Car que leur servira-t-il de gagner le monde entier et de perdre leur vie ?
-Marc 8:34-36
Les paroles de Jésus sont dures et amères : “Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il renonce à lui-même. » Cette phrase lourde de sens et dangereuse a souvent été mal comprise. Dans les traditions piétistes et moralistes, elle est souvent comprise comme le fait de dire “non” à quelque chose que l’on désire vraiment beaucoup, de renoncer à quelque chose que l’on aime profondément … Le renoncement à soi-même est trop souvent considéré comme signifiant que nous devons avoir une certaine haine de nous-même, nous sentir mal dans notre peau, réfléchir à notre échec et à notre culpabilité…
Pour autant, ce n’est pas l’objet de la parole de Jésus. L’appel à la vie de disciple n’est pas un programme destiné à nous faire sentir mal ou appauvris ou mal à l’aise. Jésus parle plutôt d’arriver à voir que Dieu, le créateur généreux qui donne sans compter, est le centre de notre vie et que le moi, pris isolément, n’a jamais, en lui-même, les ressources ou la capacité de mener une bonne vie. Renoncer à soi, c’est reconnaître que je ne peux pas être autonome, que je ne peux pas me suffire à moi-même, que je ne peux pas me faire moi-même ou m’assurer moi-même, et qu’essayer de le faire aboutira à l’isolement, à la peur, à l’avidité, à la brutalité et, finalement, à la violence. Cela ne peux pas marcher parce que nous ne sommes pas faits ainsi. Cela ne fonctionnera pas même si toutes les publicités de consommation nous appellent à vivre pour nous-mêmes.
L’alternative à la focalisation sur soi est de détourner son attention de soi pour savoir que notre vie est en sécurité et bien gardée par Dieu, qui nous aime plus que nous ne nous aimons nous-mêmes, pour savourer la générosité de Dieu et être ainsi libéré des angoisses, des besoins et des faims de ceux qui sont animés par un sens erroné et inadéquat de soi. Le moi qui est nié est le moi qui est reçu de Dieu et rendu à Dieu dans la confiance et la louange.
« Le sacrifice d’Isaac » de Marc Chagall, peinte en 1966. Illustre bien le renoncement à soi et la centralité de Dieu dans notre vie, inspirée par les enseignements de Jésus. Bien que cette peinture représente une scène biblique spécifique – l’épreuve d’Abraham qui est prêt à sacrifier son fils Isaac sur l’ordre de Dieu, avant d’être arrêté par un ange – elle capture profondément le thème du renoncement et de la confiance totale en Dieu.
Chagall, avec son style unique qui fusionne le réalisme avec le fantastique et l’onirique, utilise des couleurs vives et des formes expressives pour transmettre l’émotion intense et la profondeur spirituelle de la scène. « Le sacrifice d’Isaac » peut symboliser le renoncement ultime à soi-même, non pas en termes de privation ou de haine de soi, mais comme un acte d’obéissance et de confiance totales en Dieu, reconnaissant que notre vie et notre destin sont entre Ses mains.
Cette œuvre peut ainsi servir de méditation visuelle sur l’idée que se renier soi-même, selon les paroles de Jésus, ne signifie pas s’appauvrir ou se détester, mais plutôt s’ouvrir à une relation plus profonde avec Dieu, où notre identité est redéfinie et enrichie par notre engagement envers Lui. La peinture invite à réfléchir sur la manière dont, en renonçant à nos désirs et plans égoïstes, nous sommes en fait invités à entrer dans une vie plus riche et plus comblée, guidée par l’amour et la providence divine.
Dieu au centre de nos vies, notre vraie vie ne se trouve qu’en toi. Puissions-nous abandonner tout ce qui n’est pas la vie, tout ce qui n’est pas toi, afin de vivre dans cette liberté accordée par la croix. Amen.
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