Prédication du 12/01/20

Actes 10.34-43 : Alors Pierre, ouvrant la bouche, dit : En vérité, je reconnais que Dieu ne fait point acception de personnes, mais qu’en toute nation celui qui le craint et qui pratique la justice lui est agréable. Il a envoyé la parole aux fils d’Israël, en leur annonçant la paix par Jésus-Christ, qui est le Seigneur de tous. Vous savez ce qui est arrivé dans toute la Judée, après avoir commencé en Galilée, à la suite du baptême que Jean a prêché; vous savez comment Dieu a oint du Saint-Esprit et de force Jésus de Nazareth, qui allait de lieu en lieu faisant du bien et guérissant tous ceux qui étaient sous l’empire du diable, car Dieu était avec lui. Nous sommes témoins de tout ce qu’il a fait dans le pays des Juifs et à Jérusalem. Ils l’ont tué, en le pendant au bois. Dieu l’a ressuscité le troisième jour, et il a permis qu’il apparût, non à tout le peuple, mais aux témoins choisis d’avance par Dieu, à nous qui avons mangé et bu avec lui, après qu’il fut ressuscité des morts. Et Jésus nous a ordonné de prêcher au peuple et d’attester que c’est lui qui a été établi par Dieu juge des vivants et des morts. Tous les prophètes rendent de lui le témoignage que quiconque croit en lui reçoit par son nom le pardon des péchés.

Chers frères et soeurs en Christ,

Aujourd’hui, nous célébrons et nous nous souvenons comment Jésus a été baptisé par Jean-Baptiste dans le Jourdain. C’est un moment important tant le baptême de Jésus a été le point de départ de son ministère qui a changé, à jamais, le monde. Et, si nous sommes ici réunis c’est bien parce que cette mission et ce ministère de Jésus nous ont particulièrement touchés au point d’en devenir disciple. Ce qui signifie que comme chrétien, nous sommes aussi ici pour continuer le ministère de Jésus.

Et un des aspects de ce ministère est bien la transmission de la Parole à la façon dont Pierre, ce pêcheur devenu disciple puis apôtre , l’a fait connaître à tous.
Chacun de nous ressemble probablement plus à Pierre que nous ne voudrions le reconnaître. Souvenons nous combien Pierre a eu des moments où il n’a clairement pas compris ni Jésus ni la mission que celui-ci entreprenait. Au point qu’il y a vécu des moments où il c’est heurté à Jésus lui-même. Par contre, convenons qu’une fois que Pierre a, au sens propre, reçu l’Esprit Saint, il n’y a plus eu aucun moyen de l’arrêter dans la proclamation de la bonne nouvelle.
Comme beaucoup d’entre nous, Pierre a eu du mal à accepter un tel changement. Il était figé dans ses voies, ayant une idée claire de ce qui était juste et convenable en ce qui concernait sa foi et sa pratique. Et, même si Jésus a demandé, très explicitement, à ses disciples d’aller dans le monde entier pour annoncer l’Evangile, Pierre, lui, était de ceux particulièrement réticent à aller dans le monde des non croyants. L’idée de parler avec un non croyant le mettait très mal à l’aise. Il était difficile, pour lui, de surmonter ce qui allait à l’encontre de tout ce qu’il avait toujours accepté et cru. Il oubliait, ce que chacun de nous à tendance à oublier, à savoir que, notre foi nous demande, à l’exemple de notre référence qui est Jésus, de nous déplacer hors de nos zones de confort c’est à dire hors du doux et chaud cadre communautaire qui est le notre habituellement.

C’est bien ce que nous rappelle l’histoire de Corneille dont nous avons entendu un passage.
Corneille est un « centurion » c’est à dire un officier de l’armée romaine, un occupant en quelque sorte venant certainement d’ailleurs. L’histoire nous apprend que même s’il n’avait aucun engament religieux il n’en était pas moins, déjà, en marge de la communauté des fidèles. Comme beaucoup de gens sincères et attentionnés Corneille et le siens regardaient de l’extérieur les fidèles juifs et chrétiens. Et même si l’Evangile nous précise qu’il est un « craignant Dieu »,ce qui signifie qu’il avait des signes évidents d’une profondeur spirituelle allant certainement jusqu’à une pratique de la prière ou à une forme de méditation ou encore dans dans un engagement naturel dans l’entraide aux plus démunis, Corneille et ses proches n’en étaient pas moins, dans le contexte de l’époque, considérés comme « impurs ». C’est à dire que Corneille et les siens étaient considérés comme des non croyants puisqu’ils se tenaient formellement à l’écart des rites et des liturgies spécifiques de son temps. L’Evangile nous précise qu’un ange est venu à Corneille et lui a demandé d’envoyer chercher Pierre. Ce même Pierre dont on apprend qu’il vient d’avoir une sorte de rêve éveillé qui le met mal à l’aise puisque pour Pierre, lui qui par contre se pense et se veut bon croyant, il ne peut être question de toucher à de la nourriture impure et encore moins d’entrer dans la maison d’une personne impure… Pour autant, nous dit l’Evangile : « ce que Dieu, dans sa bonté et sa grâce infinie, purifie, vous ne pouvez pas l’appeler profane ». Et cette réalité de Pâques, car c’est bien de cela qu’il s’agit, et bien cette réalité de Pâques Pierre vient de la découvrir dans une vision bouleversante. Dans cette vision Dieu dérouille les oeillères hypocrites et exclusives que beaucoup de chrétiens portent de nos jours, tout comme Pierre les portaient à l’époque. Dans cette vision Dieu donne à Pierre une nouvelle et fidèle façon de comprendre tous ceux qui ne croient pas ou du moins tous ceux qui ne montrent aucun signe de croyance.
Et, alors, Pierre est amené à faire quelque chose qu’il n’avait jamais envisagé de faire de toute sa vie à savoir qu’il entre dans la maison d’un non-croyant, d’un mal-croyant, d’un idolâtre, païen et même athée… Et, là, une fois à l’intérieur, il découvre que d’autres personnes tout autant éloignées de la foi étaient présentes. Tous ces gens qu’il était possible de qualifier « d’impurs », tous, étaient impatients d’entendre ce que Pierre avait à dire. D’ailleurs c’est bien la première chose qu’il précise : « Vous savez, dit Pierre, qu’un croyant n’est pas autorisé à fréquenter un étranger ou à entrer dans sa maison. Mais Dieu m’a montré que je ne devais considérer personne comme profane ou impur d’être fréquenté. » Réalisons bien combien Pierre a connu un changement de cœur envers ceux qui ne faisaient pas partie des cercles de croyants. Il a compris que c’est le souffle même de Dieu, qui le conduit à porter l’évangile auprès de tout le monde. Et alors, dans un message très simple il explique simplement que Jésus de Nazareth celui qui a reçu, lors de son baptême, l’onction de Dieu, ce qui l’a manifesté en messie, et en Christ, celui là a ressusicté, celui là s’est relevé de toutes les morts !
C’est le discours que Pierre a prononcé chez Corneille, en ce jour mémorable. D’où l’importance des derniers mots qu’il annonce à tous ces gens qui l’écoutent :
Nous qui sommes ses témoins, Christ nous a enjoint de le crier à tous et d’en attester : oui, tous ceux qui adhèrent au Christ Jésus reçoivent par son nom la remise des fautes et des travers de leur existence. »

Ainsi, Pierre, lui le croyant obtus, fermé, hermétique vient de s’ouvrir, il vient de comprendre et il transmet à ceux qui l’écoute que toute personne quelle qu’elle soit, croyante ou non, peut entrer dans l’Alliance et dans la Promesse éternelle.
Là est la révélation centrale. La révélation est bien de comprendre qu’Ii n’est pas possible de concevoir que Celui qui est amour pourrait cesser d’aimer une seule de ses créatures. Il n’est pas possible de penser que le Tout Autre plus que Haut cesse d’aimer celui qu’Il a créé pour être sa propre image. Cela serait une contradiction dans les termes puisque Dieu ne peut pas cesser d’être amour.
Voilà pourquoi, tous les hommes, sans aucune exception, sont destinés, en et par Jésus-Christ, à être sauvés. Certains objecteront qu’il existe une prédestination. Ils ont raison. Mais cette prédestination ne peut être qu’une prédestination au salut. Ce ne sont pas des justes et des saints que Jésus est venu chercher, mais bien des pécheurs. Par contre, si nous concevons une grâce donnée en fonction d’un plus ou moins grand nombre de péchés alors réalisons que ce n’est plus une grâce. Etn tout cas ce n’est plus la grâce du Dieu d’amour éternel. Souvenons nous comment justement Paul nous rappelle que l’énormité d’une faute, d’un travers ,d’un péché ne peut pas empêcher la grâce : « Là où le péché abonde, la grâce surabonde.» Effectivement, cette grâce recouvre tout. Et par conséquent elle est effectivement universelle. C’est-à-dire que rien de la création de Dieu ne peut en être exclu ni même perdu.

Alors bien sûr, et c’est peut-être ce dilemme qui a habité Pierre, si tout le monde est sauvé, il est possible de se demander ce qui alors différencie les chrétiens des non-chrétiens… Ou tout simplement se demander à quoi sert de mener, en tant que chrétien, une vie pieuse, digne, honnête, morale… Sur ce point, il a longtemps que nous aurions dû comprendre, à l’instar de Pierre, que mener une telle vie ne sert à rien et qu’elle n’assure en rien le salut. Mener une vie vertueuse pour être sauvé est selon l’ensemble des Ecritures totalement faux. L’Evangile du Christ, à l’exemple de la mission de Jésus parmi nous, nous l’explique sans cesse ; nous menons une vie vertueuse parce que nous savons que nous sommes sauvés. C’est parce que la grâce nous a été faite que nous pouvons mener une vie honnête, une vie droite devant Dieu. Le salut n’est jamais le résultat de la vertu, mais il en est l’origine et la source.
Si l’on accepte cette certitude du salut universel, la transmission de l’Évangile est d’abord transmission de la bonne nouvelle qui justement est que tous sont sauvés. Par contre, effectivement, et cela chacun peut alors le découvrir, seuls ceux qui croient en l’Évangile le savent et le réalisent. Et ce n’est pas un détail. Car convenons que dans notre monde bien de nos contemporains angoissés, anxieux, remplis de crainte devant l’avenir, la guerre ou la mort, bien de nos contemporains livrés à la douleur d’une cruelle rupture, bien de nos contemporains désespérés d’avoir perdu leur amour, ou de juger qu’ils ont vécu en vain, ou de voir notre monde se dégrader comme il se dégrade et la nature violée, peu à peu saccagée, bien de nos contemporains sont doublement anéantis de ne pas savoir qu’ils sont aimés, accompagnés, sauvés, réunis et promis à un avenir de vérité, de justice, de lumière… Ne pas le savoir est le grand drame de l’homme moderne. La transmission de l’Évangile est la transmission de cette nouvelle étonnante : quoi qu’il vous arrive, rien n’est perdu, et vous êtes aimés. Pierre n’explique pas autre chose à Corneille et à ses proches lorsqu’il proclame :
« oui, tous ceux qui adhèrent à Christ reçoivent par son nom la remise des fautes et des travers de l’existence. »
Et s’il précise : « Nous qui sommes ses témoins, Christ nous a enjoint de le crier à tous, à tous et d’en attester » c’est bien parce que dorénavant, celui qui a entendu et reçu cet Évangile, celui qui est devenu en cela serviteur de Dieu est chargé d’une mission. Il a une « vocation ». Il faut que sur la terre cet Évangile soit annoncé. Celui qui a cru est devenu servant de cette annonciation. Comprenons bien qu’être chrétien n’est en rien un privilège ni un avantage, c’est une charge et une mission. Celui qui apprend la bonne nouvelle du salut est engagé à vivre dorénavant d’une façon différente, à devenir «saint» parce que sanctifié, c’est à dire à avoir pour fonction sur terre de transmettre ce qui lui a été donné.
Ainsi, à l’image de Pierre, nous avons à prendre le risque du témoignage. Dans la maison de Corneille il raconte simplement l’histoire de Jésus, et il arrive quelque chose d’étonnant. Ayons donc cette confiance que l’Esprit saint agit, d’une manière ou d’une autre, lorsque Jésus Christ est annoncé. Pas besoin d’être des spécialistes de l’évangélisation. Des mots tout simples suffisent.
En ce début d’année, ce passage de Pierre guide notre chemin de foi et d’ouverture existentielle. Pierre nous donne la possibilité de relier notre existence au mystère même de Dieu se révélant en Jésus Christ dans sa vie, sa mort et sa résurrection…
“Nous qui sommes ses témoins, Christ nous a enjoint de le crier à tous et d’en attester : oui, tous ceux qui adhèrent à lui reçoivent par son nom la remise des fautes et des travers de l’existence. »
Amen

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