Prédication 19 avril 20

1 Pierre 1.3-9 : Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus-Christ! Conformément à sa grande bonté, il nous a fait naître de nouveau à travers la résurrection de Jésus-Christ pour une espérance vivante,  pour un héritage qui ne peut ni se détruire, ni se souiller, ni perdre son éclat. Il vous est réservé dans le ciel, à vous  qui êtes gardés par la puissance de Dieu, au moyen de la foi, pour le salut prêt à être révélé dans les derniers temps.

C’est ce qui fait votre joie, même si maintenant, puisqu’il le faut, vous êtes pour un peu de temps attristés par diverses épreuves.  Ainsi, la valeur éprouvée de votre foi – beaucoup plus précieuse que l’or, qui est périssable et que l’on soumet pourtant à l’épreuve du feu – aura pour résultat la louange, la gloire et l’honneur lorsque Jésus-Christ apparaîtra.  Vous l’aimez sans l’avoir vu, vous croyez en lui sans le voir encore et vous vous réjouissez d’une joie indescriptible et glorieuse  parce que vous obtenez le salut de votre âme pour prix de votre foi.

Chers frères et soeurs en Christ,

Souvenons nous comment l’apôtre Jean nous raconte l’apparition de Jésus à ses disciples le soir du jour de sa résurrection.  Les disciples s’étaient cachés dans une pièce, un cénacle où les portes étaient fermées. Ils avaient peurs. Mais ce qui est surprenant c’est qu’ils avaient peurs encore, la semaine suivante lorsque Thomas, lui aussi, verra le Christ. Ils avaient encore peurs alors que nous pourrions penser que le fait de voir le Christ ressuscité et même d’entendre sa bénédiction, « Que la paix soit avec vous ! », aurait dispersé leurs craintes en ayant, enfin, ouvert leurs yeux.

Si nous voulons lever cette incompréhension, il suffit de repenser à la semaine que nous venons de passer….  Il suffit de penser en quoi  notre célébration de la résurrection de Jésus-Christ, dimanche dernier, a changé, un tant soit peu, quelque aspect de notre vie. Et c’est d’autant plus interessant de penser à tout cela car nous aussi, nous nous trouvons dans des circonstances où nous avons peur. Et que même nous paniquons… C’est oublier que la panique, dont le nom vient de ces moutons que le dieu Pan s’amusait à effrayer, est toujours liée à une peur exagérée et incontrôlable. Nous avons peur et nous sommes de surcroît confinés c’est à dire que nous sommes exactement dans la situation des disciples… 

Et, exactement comme à eux, la résurrection, cette résurrection qui en principe fait sens à notre existence, cette résurrection que nous avons célébré dimanche dernier en ce grand jour de Pâques, cette résurrection qui mobilise portant notre prédication ne nous fait aucune impression.

C’est à un tel point qu’un pasteur a même écrit récemment : « La résurrection est une fiction utilisée pour exprimer la puissance de vie qui a été ressentie au contact de Jésus. ».  Cela peut surprendre mais il n’est pas loin d’avoir raison de le formuler ainsi tant pour nous, chrétiens,  sommes tellement habitués à la formule « Christ est ressuscité » que nous n’en ressentons malheureusement plus aucun « choc » à la dire et à la clamer. Au même titre qu’une simple fiction,  c’est devenu une formule liturgique devenue tellement machinale ou automatique qui, de fait, ne nous fait même pas ressentir une puissance de vie et qui, c’est un constat, ne nous enlève pas nos peurs ni nos paniques.

Et c’est d’autant plus évident que nous en arrivons à manquer d’espérance et à être bouleversé d’incompréhension de voir le monde si perfectionné que nous avons contribué à construire se disloquer sous l’effet d’un tout petit corps d’un dixième de micromètre de diamètre, dix mille fois plus petit qu’un grain de sénevé, qui se répand partout autour de nous et bloque toutes nos activités. Un presque rien, un presque vivant entre dans nos cellules et, dans une obstination aveugle, il devient une maladie redoutable  du contact humain qui est notre nature, qui est même  la source de notre prodigieuse richesse.  L’interaction, la relation  qui est notre fondement humain est  désormais le mode de transport d’un virus épouvantable. Et avant de tuer des gens, ce que cette petite chose met à terre, c’est notre société humaine où tout est relié.  Et donc nous craignons comme les disciples craignaient. Et donc nous doutons de la résurrection comme les disciples, eux-mêmes, doutaient.

Pierre, dont nous avons entendu le passage de sa lettre,  a été un des disciples tel que nous. Pierre a été  un des hommes  confinés et cachés derrière les portes fermées. Il a été un de ceux qui n’avaient pas, jusqu’à ce moment-là, saisi la nature et les implications de la résurrection.

Il a cheminé, comme chacun de nous est appelé à cheminer. Au point qu’un peu plus tard il a bien compris que ce qu’il vivait n’avait rien d’une fiction. Il n’était pas dans un simple ressentie. Il a été littéralement transformé en un autre homme, avec une nouvelle perspective sur la vie, sur sa propre vie et avec un nouveau comportement, surtout face aux diverses épreuves que la vie ne manque jamais de nous opposer. Et cette transformation est bien le fait de la résurrection même du Christ Jésus.

Voilà pourquoi,  Pierre, qui a connu et vécu cette transformation, a un message très important à nous communiquer en ces mots : « Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus-Christ! Conformément à sa grande bonté, il nous a fait naître de nouveau à travers la résurrection de Jésus-Christ pour une espérance vivante… »

Effectivement,  à travers la résurrection de Christ, Dieu nous a fait naître de nouveau.  Nous sommes appelés, tels les premiers chrétiens, tels la multitude de ceux qui nous précédés dans la foi, à  vivre cela comme une véritable révolution. Réalisons que la résurrection est notre point de référence, parce qu’elle était, et reste toujours, l’événement le plus important de notre vie et de l’histoire du monde. Et réalisons aussi, qu’en permanence, Dieu, « le Père de notre Seigneur Jésus-Christ », nous confronte à l’événement transformateur de la résurrection de Christ par le moyen de sa parole vivante…

Nous ne pouvons pas rester indifférent devant la résurrection.

Quand Jésus est apparu à Thomas celui-ci aurait pu  dire tout simplement qu’il s’était trompé… Au contraire, voir Jésus ressuscité a été  pour lui un choc transformateur qui l’a poussé à prononcer une déclaration  radicale  qu’aucun disciple avant lui n’avait encore jamais prononcé  : « Mon Seigneur et mon Dieu ! ».

Comprenons, à travers cette déclaration de foi de Thomas,  qu’en ressuscitant, Jésus n’est pas revenu à son état de vie antérieur.  Il ne s’agit pas simplement d’exprimer la puissance de vie qui aurait pu être ressentie au contact de Jésus. Le mode de sa manifestation à ses disciples, dont nous aussi nous sommes, est tout autre. Il n’est plus de l’ordre du compagnonnage continu, mais de la manifestation soudaine et gratuite qui échappe aux lois de notre espace et de notre temps.

Souvenons nous que le peuple hébreu bénissait Dieu, chaque jour, pour la création du monde et pour leur libération de l’esclavage en Egypte. L’Exode était leur point de référence, l’événement qui leur a donné la vie comme  peuple de Dieu. Mais l’Exode a cédé la place à une nouvelle délivrance infiniment plus importante à savoir  la résurrection de Jésus-Christ.  Voilà pourquoi, à l’exemple de Thomas, Pierre commence sa lettre en clamant : « Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus-Christ! Conformément à sa grande bonté, il nous a fait naître de nouveau à travers la résurrection de Jésus-Christ pour une espérance vivante,  pour un héritage qui ne peut ni se détruire, ni se souiller, ni perdre son éclat »

A nos yeux et dans notre cœur le monde devrait en être changé, tant dans la résurrection du Christ, qui est le fondement de notre spiritualité, tout est déjà accompli. C’est bien pour cela que Pierre parle au passé :  « Dieu nous a fait renaître ». C’est fait. Tout est joué, si l’on peut dire, mais pour autant tout reste encore à venir car, parce justement comme disciples, nous sommes  tendus  « pour le salut prêt à être révélé dans les derniers temps. », comme le rajoute Pierre.

Il y a longtemps que nous aurions dû comprendre que par « salut », il faut entendre la vie  « qui, pour reprendre les mots même de Pierre, ne connaît ni destruction, ni souillure ni vieillissement »  c’est à dire entendre une « libération » de tout ce qui est justement « destruction, souillure, vieillissement ». Un salut, une vie, une libération déjà accomplie en Christ, mais dans laquelle toute l’humanité n’est pas encore entrée, et c’est cela qui reste à venir. C’est bien  ce « déjà accompli » qui nous fait dès maintenant  et littéralement « tressaillir de joie » comme dit Pierre.  Les jours où nous sommes moroses, où nous sommes inquiets, peureux, soucieux, voire malheureux sont peut-être bien ceux où nous perdons de vue cette grande nouvelle de Pâques  à savoir que quoiqu’il arrive, quelque que soient les événements que nous vivons,  l’amour et la vie sont plus forts que toutes les haines et que la mort.

Comprenons bien, qu’il ne s’agit pas pour nous d’adhérer à une méthode, ni à une pratique particulière de bien-être par lesquelles on obtiendrait un changement de la personne, comme y tendent de nombreuses offres spirituelles aujourd’hui.

Par contre, cela relève d’une foi pascale, d’un coeur croyant attaché à l’évènement fou de la résurrection. Cette foi qui fait mentir nos attitudes humaines, et les mots qui les expriment.

C’est cela que Pierre appelle « l’espérance vivante »  à laquelle nous sommes nait à nouveau. A laquelle nous sommes littéralement «régénéré ». « L’espérance vivante »  qui se régénère  est donc une espérance qui ne s’épuise pas tant elle se reproduit incessamment elle-même comme une source jaillissante.  Comme la peau de notre corps se régénère, après une coupure ou égratignure, de même cette espérance vivante se régénère après les attaques nombreuses de nos doutes, de nos épreuves ou du monde dans lequel nous sommes.

Cette espérance, créée par la résurrection de Jésus-Christ, est une transformation de vie que chacun de nous doit montrer et faire voir. 

Demain, chacun de nous va commencer une nouvelle semaine confiné derrière les portes fermées… A la lumière de la résurrection, la question est désormais de savoir si nous ferons les mêmes tâches dans la même attitude ou si nous les aborderons différemment, si nous regarderons l’épreuve qui est la nôtre avec une intelligence nouvelle   transformée par la certitude que Jésus est ressuscité.

Par notre témoignage de chrétiens dans ce monde qui passe, nous avons à rendre manifeste dès maintenant la victoire du Christ sur la mort. Nous avons à le faire par notre parole et notre amour, par notre foi, par la manière dont nous pouvons panser les plaies. Nous nous devons d’agir  contre  toutes les logiques mortifères et toutes les formes d’oppressions. Nous avons à le faire en portant  et actant une « libération » de tout ce qui est justement « destruction, souillure, vieillissement ».

Pierre nous le dit bien : « vous obtenez le salut de votre âme pour prix de votre foi ».

Effectivement, croire, c’est être sauvé. Parce que croire c’est remplacer « épreuve » par « confiance » dans tout ce qui nous arrive. C’est à cette confiance active, au cœur des épreuves, que les autres pourront voir, peut-être, ce que nous-mêmes ne voyons pas encore. C’est parce que nous avons entendu le ressuscité  nous dire  « la paix soit avec vous », et que nous en aurons  témoigné dans nos vies  que d’autres pourront recevoir à travers nous  la même paix, pour en vivre dès maintenant et pour toujours.

« Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus-Christ qui nous régénère  à travers sa résurrection  pour une espérance vivante… »

Amen.

Pasteur Jean-Paul Nuñez

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