Prédication du 12 avril 20

Marc 16.1-9 : Lorsque le sabbat fut passé, Marie de Magdala, Marie la mère de Jacques et Salomé achetèrent des aromates afin d’aller embaumer Jésus.  Le dimanche, elles se rendirent au tombeau de grand matin, au lever du soleil.  Elles se disaient entre elles: «Qui nous roulera la pierre qui ferme l’entrée du tombeau?»  Mais quand elles levèrent les yeux, elles s’aperçurent que la pierre, qui était très grande, avait été roulée.  Elles pénétrèrent dans le tombeau, virent un jeune homme assis à droite, habillé d’une robe blanche, et elles furent épouvantées. Il leur dit: «N’ayez pas peur. Vous cherchez Jésus de Nazareth, celui qui a été crucifié. Il est ressuscité, il n’est pas ici! Voici l’endroit où on l’avait déposé. Mais allez dire à ses disciples et à Pierre qu’il vous précède en Galilée: c’est là que vous le verrez, comme il vous l’a dit.»  Elles sortirent du tombeau et s’enfuirent, toutes tremblantes et bouleversées, et elles ne dirent rien à personne car elles étaient effrayées.

Chers frères et soeurs en Christ,

Pâques, l’annonce, presque inquiétante, du jour de la résurrection est comme la douce lumière de l’aube d’un matin éternel. A Pâques l’Evangile nous parle d’une aurore qui ouvre les tombes, d’un début qui fait parler les pierres, et d’une vision de la vie qui bouleverse toute l’existence.

Dans toute la semaine qui vient de passer, dans toute la semaine de la passion du Christ nous avons appris que les hommes  peuvent toujours détruire ce qui fait vivre.

Ce sont les hommes qui se sont acharnés sur  le Fils de l’homme. Ils lui ont fait toucher terre. Ils l’ont cloué au bois.  C’est ainsi,  les hommes ont cette capacité effroyable de crucifier toutes les paroles de bonté, tous les baumes de la tristesse, toute la douceur de la tendresse…

Quand aux femmes, elles étaient au pied de la croix à recevoir cette parole « Femme voici ton fils ». En disant cela c’est comme si, par ces quatre mots, Jésus avait dit « Cette humanité pour laquelle j’éprouve de Ia passion, cette humanité c’est toi, femme, qui m’y a éveillé..Cette humanité sensible, vulnérable, fraternelle, solidaire, et bien, cette humanité par moi révélée, femme, je la tiens de toi. Je suis Fils de l’homme parce que né de Ia femme, né d’une féminité sans ombre d’avidité, né d’une féminité qui ne conquiert ni ne subit, né d’une féminité qui ne possède ni n’est possédée.

Femme, voilà ton fils : comme toi tu m’as appris à vivre en homme, comme toi tu m’as mis au monde de la sensibilité humaine, mets donc au monde tous les hommes, mets-les à la passion de tous formés en humanité ».

C’est pourquoi ce matin, en cet éblouissant matin de Pâques,  l’Evangile  nous invite à prendre la route qu’ont suivie les femmes, Marie de Magdala et ses compagnes.

Ce matin l’Evangile nous invite à suivre ces femmes pour qu’elles nous conduisent du désespoir à l’espérance.

Tandis qu’elles vont au tombeau, tout est enveloppé dans la pénombre et l’obscurité. Ne nous y trompons pas, cette obscurité  c’est celle du monde.

Un monde dominé par la cupidité, par la convoitise, par l’agressivité, un monde qui n’est pas libre, un monde qui dément tous les desseins de Dieu, un monde qui est une caricature de la création authentique, bref un monde des ténèbres qui ne reçoit pas la lumière.

Cette obscurité  c’est celle qui est  dans les cœurs des hommes,  qui les rend opaques, si peu rayonnants de vie.  Cette obscurité,  c’est celle dans laquelle chacun doit se sauver tout seul, comme  dans la nuit de l’arrestation de Jésus, à l’heure des ténèbres. Cette obscurité  c’est celle  qui enveloppe ceux qui sont plongés dans la nuit de l’oppression de la violence et de  la guerre.

C’est l’obscurité qui étouffe la lumière de tous  les exclus de l’existence.  C’est l’obscurité de notre cœœur trop souvent éteint par la résignation.

Pour autant,  cette obscurité n’empêche pas les femmes de voir que la pierre posée devant l’entrée, aussi lourde que la mort, a été roulée. Si  les quatre évangélistes sans exception ont noté cela c’est que, pour eux qui connaissent les Écritures, ce fait est plein de symbole et de lumière.

En effet, souvenons nous que dans le livre de la Genèse, Rachel, la bergère, cette femme bien-aimée, voulait abreuver ses troupeaux. Mais elle ne pouvait faire pivoter la lourde pierre obstruant l’ouverture du puits. Jacob, le père d’Israël, est alors survenu. D’un seul mouvement de bras il a dégagé la bouche du puits et toutes les brebis assoiffées ont pu être désaltérées…

Or, voici qu’aujourd’hui, le Christ, nouveau Jacob, père de l’Israël de Dieu, la porte des brebis, va de son bras, de lui-même, rouler la pierre de son tombeau et de tous nos tombeaux.
Et alors, comme Jacob à Béthel, les femmes peuvent redire :
« Vraiment Dieu était en ce lieu et on ne le savait pas ! Et il est  pour nous tous la fontaine de  vie. »  La voix des femmes réponds ainsi à l’écho du mystérieux sourcier des évangiles : « Venez à moi, et vous serez désaltérés. »

A Pâques, on l’évoque sans cesse l’eau..  Que ce soit les eaux originelles ou  celles du déluge,  de la mer Rouge que dut franchir Israël, ou encore l’eau du baptême. C’’est normal cette évocation, l’eau, symbole absolument féminin, c’est l’image de la naissance et de la régénération. Et la source d’eau vive c’est celle qui nous permets d’ouvrir les yeux.  D’avoir les yeux de la confiance et de l’amour.  Comme les yeux  des femmes qui  là, dans le tombeau,  vont voir  l’ange assis à droite, vêtu d’une robe blanche .. C’est avec les yeux de la confiance et de l’amour que nous pouvons voir un ange. La vérité de notre vie réside dans la vision de cet ange, vêtu de la lumière du ciel, du rayonnement du soleil et des nuages. Cette image du matin de Pâques  nous la portons en chacun de nous, au milieu même de nos désespoirs apparents. Cette image du matin de Pâques c’est aussi celle qui  nous laisse  découvrir que ni l’âge ni la décrépitude ne sont l’ultime vérité de notre vie. En chacun de nous resplendit une beauté ineffaçable, une espèce de lumière qui ne saurait s’éteindre, une vision de l’amour qui nous fait rêver les uns aux autres.  Désormais,  les ombres mêmes témoignent de la clarté, et le désespoir manifeste seulement l’insuffisance de notre espérance.

C’est là  la bonne nouvelle que le jeune homme et ange a révélé aux femmes venues au tombeau :    « Christ est ressuscité. Il n’est pas ici… Il vous précède en Galilée ».

Et alors ces femmes vont aller parler aux apôtres.Si Marie-Madeleine, Marie, mère de Jacques, et Salomé, n’avaient pas surmonté leur peur, si elles n’avaient pas parlé aux apôtres, nous ne serions pas là  aujourd’hui car il n’y aurait pas d’Evangile. L’Evangile n’a été mis par écrit que parce que ces femmes ont cru et ont parlé. Nous n’existons que parce que ces femmes ont parlé. Ces femmes sont nées à la Parole. Elles ont évangélisé les apôtres. Elles ont transmis la Nouvelle. Le mot Evangile n’est pas dans l’Evangile car l’Evangile commence juste après.

Nous tous sommes ces femmes qui ont parlé aux apôtres ; nous tous sommes ces apôtres qui ont écouté ces femmes ; nous faisons partie de l’Evangile, ici et maintenant, car l’Evangile n’est jamais fini.  L’Evangile de la Résurrection, ce n’est pas un mot sur une page, c’est un chant de louange dans notre cœur, un cri de joie sur nos lèvres, un message joyeux que nous devons colporter partout : Christ est ressuscité ! Il nous précède en Galilée !’’ Ces mots, c’est à chacun de nous  de les dire à notre tour… A chacun de nous de les crier avant d’aller retrouver chacun notre bonne vieille Galilée. Mais désormais de façon  complètement différente.   Car il ne nous est pas demandé de retourner en arrière. Ce n’est pas un retour en arrière. Comprenons que rien ne peut plus être comme avant, car la pierre a été roulée, la peur a été ôtée, la mort a été vaincue. Notre  frère aîné  nous précède dans la Galilée de Dieu, dans le cœur du Père, où il nous attend.  Libérés de la peur, « nés de Dieu », nous retrouvons notre monde, nous retrouvons notre vie et nos épreuves, nos blessures et nos combats… Nous retrouvons notre Galilée à nous.

Notre Galilée à nous c’est celle où nous avons pour la première fois entendu l’appel que nous pouvons suivre pour vivre: « Bienheureux ceux qui pleurent», « Bienheureux les affamés»,« Bienheureux les persécutés», « Bienheureux.. » Toutes ces paroles de consolation que Jésus lançait en Galilée sont comme les traces de la route où il nous a précédés. Nous pouvons aller de nouveau à la rencontre de l’autre. La vie est loin d’être finie. L’espérance n’appartient pas au passé.  Dans notre Galilée à nous, quand une petite part de l’obscurité du mal est vaincue, quand le désespoir de l’angoisse trouve une petite lumière d’amour, quand les larmes sont séchées et que la solitude trouve une compagnie, quand un étranger devient frère, quand vient la paix et que disparait la violence, quand un faible est consolé, quand un mourant est accompagné par l’affection et s’en remet aux mains de Dieu, voilà que le monde ressuscite.  Et cette résurrection nous appelle à faire un monde tout neuf en nous transformant d’abord nous-même, en refusant nos esclavages, en refusant nos servitudes internes, en refusant d’être simplement une convoitise et une cupidité, en essayant de transformer tout ce que nous sommes, en essayant d’écouter cette musique silencieuse au fond de nous-même, cette présence du Père qui murmure en nous comme une eau vive…

Dans notre Galilée à nous, nous ne cheminons plus vers le néant de la tombe. Ce ne sont plus la nostalgie, le cynisme, le désir désespéré de se sauver tout seul qui l’emportent. Nous sommes soulevés par une espérance indestructible et notre vie devient cheminement et pèlerinage vers le lieu de la vérité, vers ce bord du lac de Génézareth où le ciel se reflète dans l’eau.

Incontestablement, depuis la vision de ces femmes notre vie s’est définitivement ouverte à l’espérance, à la joie, à la communauté. Depuis lors, nous n’avons plus besoin de chercher le Vivant parmi les morts, car il nous accompagne, il nous parle, il rompt avec nous le pain. Lui qui est tout-amour et toute-bonté ne cesse jamais de croire en nous, et parce qu’il signifie pour nous la vie, qu’il la suscite, qu’il l’a ressuscite, qu’il l’est, nous ne cesserons jamais de croire en lui, ni de nous aimer les uns les autres de tout cœur.

En ce magnifique matin de Pâques, les femmes nous ont permis de nous rappeler  que les hommes ont la possibilité  de tuer mille fois la vie. Cela nous le savons. Mais surtout elles nous ont appris que cela ne rend que mille fois plus crédible la puissance inaltérable de l’amour.

« Christ est ressuscité. Il n’est pas ici… Il nous précède dans chacune de Galilée à nous».

Joyeuse et lumineuse Pâques à tous !

Amen

Pasteur Jean-Paul Nuñez

 

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