Des vœux, certes…mais… (Colossiens 1.9-11)

Colossiens 1.9-11 : (..) Nous prions pour vous et nous demandons que vous soyez pleins de la connaissance de la volonté de Dieu, avec toute la sagesse et l’intelligence du Souffle, pour marcher d’une allure digne du Seigneur, pour lui plaire en tout, faire tout ce qui est bon pour donner du fruit, grandir par la connaissance de Dieu, être dynamisés par la puissante force de son éclat, pour n’être, dans la joie, que résistance et patience.

Et, rendez grâce au Père qui vous a rendu capable de partager l’héritage des saints dans la lumière.

Chers frères et soeurs en Christ,

Bonne année à tous :« « Que le Dieu de l’espérance vous remplisse d’une paix et d’une joie  sans défaut  afin que vous débordiez d’espérance, par la force du Souffle Saint ».

En ce début d’une année nouvelle, il m’a semblé, ô combien, significatif de réénoncer ces paroles de bénédiction de Paul à ses frères et soeurs de Rome. Puissent ces paroles  accompagner notre chemin ainsi que le chemin de notre communauté pour le temps qui s’ouvre devant nous. Ces paroles de Paul sont des paroles de force, de courage, d’espérance. Non pas une espérance illusoire, basée sur de fragiles promesses humaines; ni une espérance naïve qui imagine un avenir meilleur seulement parce qu’il est l’avenir. Cette espérance a sa raison dans la bénédiction même de Dieu, une bénédiction qui contient le souhait le plus grand, le souhait de l’Église pour chacun de nous, souhait rempli de toute la protection affectueuse du Seigneur et rempli de toute son aide providentielle.

Il ne m’était guère possible aujourd’hui, premier jour de l’an et, également, jour du Seigneur, de faire l’impasse sur le fait de ne pas vous souhaiter une bonne année. C’est ainsi qu’est notre coutume et notre tradition qui nous donne l’occasion de faire un pas les uns vers les autres en échangeant les voeux les meilleurs… Et, concernant ces voeux, là où je viens de vous transmettre la bénédiction que Paul souhaite à ses frères et soeurs de Rome, aujourd’hui, il semble que la très grande majorité des personnes se souhaitent en premier la bonne santé… rajoutant alors « c’est quand même ça qui est important »La sincérité et la bienveillance n’est nullement en cause sur ce point.  Et c’est très bien que chacun s’adonne à de tels voeux. Mais, pour autant, convenons qu’au fond de nous, nous savons que l’année ou les temps qui viennent  se dérouleront comme ils doivent se dérouler, avec ou sans nos vœux… C’est pour cela,  qu’à ce propos, notre langue emploie l’expression de « voeux pieux ». Et concernant les « voeux pieux » nous avons  oubliés que ces locutions si particulières et autres idiotismes religieux font parties des interdits du Deutéronome tout simplement parce que selon les Ecritures il est important d’accueillir et de vivre ce qui nous arrive au présent,  et de se sentir responsables face aux événements et de se sentir libres d’agir, en particulier pour éviter tout écueil d’un fatalisme ou d’un déterminisme qui voudrait que tout soit dit ou écrit d’avance… Et si l’on appelle cela des « vœux pieux »  c’est parce que bien souvent cela ressemble étrangement à ce que nous avons coutume d’entendre dans nos églises et dans nos temples à savoir de belles paroles qui ne contribuent à aucun engagement de notre part, à aucun  changement  dans le monde dans lequel on vit, qui ne modifient en rien ni ce que nous sommes ni  la réalité de ceux qui les entendent. Et même pire, car; ce faisant, nous  contribuons, contre notre réelle volonté,  à précipiter le divorce entre notre foi et le monde réel à un tel point que notre société sécularisée exprime, aujourd’hui,  une indifférence complète à l’égard de nos églises chrétiennes…

A ce propos, quand j’étais jeune enfant, dans l’entourage du quartier où je vivais,  le souhait que les gens échangeaient était : «  Bonne année, bonne santé et le paradis à la fin de vos jours ». Cette ritournelle, qui se trouve d’ailleurs dans Poil de Carotte, le livre de Jules Renard, sentait bon la foi populaire, bien enracinée dans l’espérance chrétienne du Royaume. Cette formule a semble-t’il disparu, tant avec le temps, elle a du  paraitre vraisemblablement  trop marqué comme commence à l’être, aujourd’hui, une crèche, un sapin voire même jusqu’au mot de Noël…

Par contre il est étonnant de voir comment, plus ou moins consciemment, nous adhérons aussi facilement, même si cela est coutumier, à des rites religieux d’une autre époque, tel celui précisément du Nouvel an. C’est en l’an 46 avant notre ère  que 1er janvier comme  Jour de l’An a été  officialisé par Jules César.  Les romains selon le calendrier julien dédiaient ce jour а Janus, dieu  des commencements. D’ailleurs, le mois de janvier doit son nom а Janus, qui avait deux visages : l’un vers l’arrière qui est le passé, et l’autre vers l’avant qui est l’avenir… Ainsi, indépendamment, entre autre,  des calendriers asiates et de la fête juive de Roch Hachana, qui, elle, se fonde sur le livre du Lévitique,  notre fête du Nouvel an, qui s’est universalisée, rend  hommage а ce dieu de la transition, vigilant gardien des passages, des portes et des croisements…

Quoiqu’il en soit, depuis cette nuit, nous avons ouvert un nouveau calendrier, sur une nouvelle année… pour autant, ce geste annuel ne va nullement renouveler  notre vie comme par  magie. Effectivement, à l’exemple de nos ancêtres réformés qui fuyaient les religions populaires et leurs superstitions , ce n’est pas parce que  nous passerions le nouvel An sous silence que notre histoire personnelle s’arrêterait soudainement, parce que nous n’aurions pas marqué, de manière factuelle, l’entrée dans une nouvelle année qui n’a de neuf que le nom. Et nous savons fort bien que si nous n’échangeons pas de vœux à l’occasion de cette nouvelle année, l’année aura quand même lieu…

Ainsi,  lorsque  Paul  demande, dans ses prières, que nous soyons « pleins de la connaissance de la volonté de Dieu, avec toute la sagesse et l’intelligence du Souffle, pour marcher d’une allure digne du Seigneur » Paul souhaite nous faire comprendre que c’est Dieu et Dieu seulement qui rassemble en lui notre existence. C’est Dieu, qui, seul, peut prendre la mesure de ce que nous sommes dans le temps qui passe…

.Ainsi, peu importe que ce  passage dans une nouvelle année soit l’occasion de repas festifs,  de cotillons,  de vœux, de champagnes… mais  pour autant notre état d’esprit  de disciples de Christ, état d’esprit  tout empreint, encore et toujours,  de la joie et de l’espérance de  Noël avec, déjà, un regard sur la Pâques de la résurrection, notre état d’esprit doit nous inciter à une attitude spirituelle pour pouvoir réfléchir sur ce que nous vivons dans le présent et d’y discerner toutes les  grâces que nous recevons,

Et quand Paul rajoute qu’il est important que nous soyons « dynamisés par la puissante force de  l’éclat du Seigneur, pour n’être, dans la joie, que résistance et patience. » il nous incite à être attentifs aux signes des temps. Il souhaite que notre  « intelligence spirituelle », nous permette d’avancer dans la connaissance discernée, intuitive et perceptive dont le fruit est une profonde compréhension de l’interconnexion de toutes choses, grâce à laquelle nous pouvons nous situer aussi bien  dans le temps que dans l’espace pour  percevoir la volonté de Dieu et accomplir son œuvre dans le monde… Autrement dit, le discernement, auquel nous exhorte Paul,  est ce qui nous permet d’arriver à  « voir à travers » l’apparence des choses jusqu’à leur signification plus profonde et à apprendre à connaître les interactions de l’amour de Dieu avec notre place unique dans ce monde.  Les temps, quels qu’ils soient,  nous livrent des signes, et, à travers son Évangile, le Christ éternel nous donne d’en saisir la signification. Autrement dit, il faut, non pas nous en remettre au futur ni regretter le passé, mais servir la présence de Dieu en toutes choses etvivre sur la terre l’amour  qui est  déjà celui du ciel… même s’il nous arrive, parfois de traverser des obscurités.     Voilà pourquoi il ne s’agit pas de se demander si tel ou tel événement nous concerne ou pas… Mais bien de réaliser, en toute occasion, « avec toute la sagesse et l’intelligence du Souffle, pour marcher d’une allure digne du Seigneur », que ce monde, dans lequel nous vivons a été créé pour nous. Et donc d’accomplir ce qu’il nous revient d’accomplir pour l’améliorer afin de le laisser un peu mieux du fait de notre séjour. 

Voilà pourquoi, l’Évangile est absolument étranger à la recherche  d’augures, du merveilleux et de l’extraordinaire. Il ne veut connaître que le possible et ce qui le rend possible à savoir tout simplement le moindre de nos gestes qui est toujours  à la simple portée de notre main.

D’ailleurs, nous devrions ne jamais oublier que tous les miracles, qui parcourent les écritures, ne renvoient pas à un  potentiel qui serait une continuité entre une cause et son effet ; mais les miracles renvoient bien à ce qui arrive sans cause, autrement dit à ce qui est possible. Ce que nous appelons miracle est ce signe qui renvoie à un acte qui rend possible la possibilité, et même plus précisément qui rend possible… l’impossible.  Comme acte, il est ce geste, accompagné ou non de parole, mais néanmoins toujours parlant de lui même,  qui, échappe à la fatalité des choses  tant par lui, un à-venir est se présente toujours à nous. Et s’il manque de perspectives dans notre vie, ce n’est pas parce que Dieu ne fait rien pour nous, mais bien à cause de notre « peu de foi » qui justement se satisfait trop souvent des seuls « voeux pieux ».

Alors, lorsque Paul nous souhaite que nous soyons accompagnés par « toute la sagesse et l’intelligence du Souffle, pour marcher d’une allure digne du Seigneur »  il nous demande que  sous l’action du Souffle saint,  nous ayons cette intelligence spirituelle pour rester attentif  aux signes des temps, à l’accueil du présent, à l’écoute de la Parole de Dieu, au dialogue de la prière,  à la patience dans l’adversité afin, que quoi qu’il advienne,  notre Pasteur éternel  nous conduise vers les sources d’eaux vives…

Et nous, nous avons à poursuivre cette œuvre, aujourd’hui, peut-être même plus qu’hier, dans ce monde désenchanté, où nos contemporains ont une conscience vive de la précarité de leur existence dans un monde incertain.

Nous avons, à travers toutes les nombreuses activités de notre petite  communauté  à rendre possible ce qui semble impossible…

Car c’est bien  à travers nos gestes et nos participations diverses et variées, qui assument notre histoire et qui nous engagent dans  le risque de l’avenir que le salut est en train de se réaliser. Réalisons ce que cela veut dire… Cest bien cette la possibilité du salut, à saisir, là, dans le présent de ce que nous sommes et tels que nous sommes, que proclamait Jésus et qui constitue la quintessence de l’Evangile que des communautés telles que les nôtres  annoncent  depuis les temps apostoliques jusqu’à aujourd’hui…

Voilà pourquoi l’apôtre Paul nous invite tout en restant lucides, conscients, les pieds bien sur terre et ancrés dans le présent  a ce que nous placions cette année qui s’annonce   sous la bénédiction du Seigneur qui nous veut du bien, qui nous fait du bien, qui nous dit du bien afin que nous soyons « dynamisés par la puissante force de son éclat, pour n’être, dans la joie, que résistance et patience ».

Amen

Pasteur Jean-Paul Nunez

Clermont l’Hérault 1er janvier 2023

 

 

 

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