FAUGERES et ses 4 temples.  par Marc Plana

Nous ne pouvons parler de temples sans évoquer la Réforme et son développement, au XVIème siècle, dans ce secteur. Venant essentiellement de Suisse et d’Allemagne, elle arrive par la rive gauche du Rhône, qu’elle franchit Tarascon-Beaucaire, atteint Nîmes, puis Montpellier.

Dans cette ville, elle touche les milieux universitaires et la haute société, mais aussi le clergé et les classes pauvres,

Par quelle voie parvient-elle à Faugères ? Différentes hypothèses ont été avancées :

  •   La plus vraisemblable est par Pignan, Cournontéral, Villeveyrac, St Pargoire, Montagnac (2 foires annuelles ) Pézenas ( 3 foires annuelles) … car la route qui menait à Faugères passait par ces 6 villages en venant directement de Montpellier ?
  •   Par Béziers ?
  •   Par Bédarieux ?

Aucune d’elles n’est certaine.

Les idées nouvelles circulent assez rapidement grâce aux échanges (Commerçants, marchands, artisans et surtout colporteurs).

Claude de Narbonne-Caylus, baron de Faugères et Lunas, est installé au château, à Faugères, et prend parti très tôt pour la Réforme.

Au milieu du XVIème siècle, le culte semble être célébré au château.  Une certitude en 1559, un consistoire (paroisse) existe et Faugères voit arriver son premier pasteur : le pasteur DAVID. Les biens de l’église romaine ayant été saisis, le culte est célébré dans l’église  jusqu’à la paix d’Amboise (1562) ; puis, à nouveau au château, jusqu’en 1577.

Claude de Narbonne n’est pas un tendre, mais à cette époque, qui est tendre ? Il attaque plusieurs places fortes catholiques, dont Lodève. La ville est pillée. La relique de saint Fulcran est sortie de sa châsse à la cathédrale, traînée en ville sur une claie ; le baron joue dans la rue avec la tête du saint… Quel émoi !

Par la suite, (en 1578), le baron ayant rendu visite à sa mère (fervente catholique) à Lunas, il est attaqué dans la nuit, décapité… et l’on s’amuse avec sa tête dans les rues de Lodève.

24 août 1572: La Saint Barthélemy : pas de massacre dans la région, ni à Béziers.

1″ Temple : En 1577, le baron donne aux protestants une grange en mauvais état comme lieu de culte et une maison “pour servir d’habitation au ministre”. Le temple est adossé au rempart et séparé de l’église par le cimetière.

30 avril 1598 : Promulgation par Henri IV de l’Édit de Nantes.

1622: Destruction du château et des remparts du village.

1663 : Les Commissaires royaux, en application stricte de l’Édit de Nantes, estiment que le temple est situé trop près de l’église. Ils donnent trois mois pour le détruire, avec la possibilité d’en construire un autre, ailleurs. Au-delà de ce délai, s’il n’y a pas d’autre lieu de culte, la religion prétendue réformée (RPR) ne pourra plus tenir d’assemblées à Faugères.

2ème  Temple : 1663. Les Consuls de la RPR (administrateurs du village) décident donc de construire un nouveau temple (dans la rue Droite actuelle). En 1681, un arrêt du Conseil d’État exclut “à jamais” les protestants des charges publiques.

18 octobre 1685 : Révocation de l’Édit de Nantes par Louis XIV (Édit de Fontainebleau).

Tous les avantages accordés par Henri IV aux protestants sont supprimés. Les assemblées sont interdites. Les temples sont détruits.

Une facture du 22 septembre 1688 précise que l’abattement du temple de Faugères a coûté 6 livres… Quant au cimetière protestant, il est vendu.

Suit la période du Désert qui va se prolonger pratiquement jusqu’à la Révolution.

Les assemblées se tiennent désormais secrètement dans une sorte de caverne (100 à 200 personnes) derrière les 3 tours (Plan de l’Euze).

En 1719, deux dames sont arrêtées et emprisonnées à la citadelle de Montpellier.

En 1754, des assemblées se tiennent à Bruscabres dans une sorte de carrière. Le faugerol Jean Raymond y est arrêté mais aucun catholique ne veut témoigner contre lui ni signer le procès-verbal. Il faudra aller à Caussiniojoul pour qu’un paysan, dans son champ, signe. Jean Raymond est envoyé aux galères à Toulon, puis Marseille. Les biens de la famille sont mis en vente, mais les habitants de Faugères se concertent pour laisser son épouse les racheter à bas prix.

Il reviendra chez lui en 1767, avec son assiette de galérien. On peut voir celle-ci au Musée du Désert. Il décèdera en 1779.

1787: Édit de tolérance signé par Louis XVI.

3ème` Temple : Cette période de liberté religieuse relative est interrompue par la Révolution. À la parution du décret du 21 février 1795 autorisant le libre exercice des cultes, les protestants de Faugères utilisent une salle basse des remparts comme lieu de culte, dans le haut du village.

Ils construisent quelques gradins en pierre, puis une chaire. Les premiers temps, l’accès se fait péniblement par une échelle, puis, après l’achat d’un terrain contigu, plus facilement par une porte. Cette salle sera finalement utilisée jusqu’en 1837.

Laissé ensuite à l’abandon pendant de nombreuses décennies ; on peut à nouveau voir ce lieu de culte grâce à l’action de Madame Jeanne Colignon, qui, après avoir œuvré pour la restauration des 3 tours, a créé une association et est parvenue à faire dégager entièrement ce 3ème  temple des broussailles, ruines et gravas qui s’y étaient accumulés.

Par la suite, Madame Colignon fera aussi rebâtir la maison du viguier, au centre du village, où elle passera les dernières années de sa vie.

4ème  Temple : C’est le temple actuel de Faugères, dans la rue du grand verger. L’inconfort du 3ème temple et l’augmentation du nombre de paroissiens amènent les Faugerols à envisager la construction d’un nouveau lieu de culte. Ils décident donc d’édifier de leurs mains un nouveau bâtiment ; il sera réalisé en un an, entre le 1er  janvier et le 31 décembre 1837.

La dépense s’élèvera à 14 000 francs, l’État ayant pris à sa charge 4000 francs et la Commune 1200 francs ; le reste a été donné par la population protestante. Bâti sur une partie des restes des remparts, on trouvera dans les fondations plusieurs boulets de pierre, derniers témoins du siège du village en 1622. On possède le texte du “Sermon pour la dédicace du temple” prononcé le 31 décembre 1837, par le pasteur Massé de Bédarieux, en présence du Sous-préfet de Béziers.

Un flacon hermétiquement clos contenant notamment le procès-verbal de pose de la lère pierre (en français et en latin) ainsi que différentes pièces de monnaie récentes a été déposé dans les fondations.

8 juin 1997: La communauté protestante de Faugères a tenu à célébrer avec un certain faste le cent soixantième anniversaire de la construction de son temple.

220 personnes ont participé au culte, présidé par le Pasteur Paul Durand qui avait été Pasteur à Faugères pendant de nombreuses années. La chorale de Montpellier animait également cette   cérémonie.

Cet article a pu être rédigé grâce aux éléments recueillis, il y a quelques mois, auprès de David et Paulette LANGLADE et de certains documents en leur possession.

Différents éléments ont également été puisés dans l’ouvrage d’Émile SÉGUY, “Une petite place protestante pendant les guerres de religion : FAUGERES”, édité chez Larguier à Nîmes en 1933.

Août 2008