En 1560, le Protestantisme fut introduit par le Genevois Pierre VIRET. Mais auparavant (vers 1550), la Dame de Saissac, Aldona de Beinuy, héritière de la maison de Foix-Carmaing et épouse de Gui II de Clermont,  affichait déjà son penchant pour le Calvinisme  qui commençait à se propager, facilitant ainsi « l’hérésie à s’introduire dans notre ville » d’après les termes de l’Abbé Durand dans son ouvrage « Histoire de Clermont-l’Hérault et de ses environs ».

La prédication de la doctrine de Jean Calvin provoqua des évènements conflictuels dans une région réputée catholique (Évêché de Lodève).

  

En 1563, un Édit de Pacification accorda aux Protestants Calvinistes l’exercice de leurs Cultes dans les faubourgs de la Ville.

Le 13 Avril 1598, Henri IV promulgua l’Édit de Nantes, qui reconnaît à ceux de la “R.-P.-R.” (abréviation de l’expression péjorative : Religion Prétendument Réformée) le « droit de vivre et de demeurer là où il leur plait dans le royaume de France », leur attribuant des villes libres royales (La Rochelle, Montauban, Uzès, Nîmes, St Foix) et 80 places particulières ou de sûreté.

L’Abbé Durand nous apprend que « depuis 1598, Clermont avait été donné aux Calvinistes comme place de Sûreté ».

En 1602 Clermont comptait 200 familles protestantes. Toutefois, depuis l’Édit de Nantes, la ville de Clermont était au nombre des villes où il n’y avait point d’exercice public du Culte Réformé. 

Les cultes devaient avoir lieu chez les particuliers.

 L’on sait que les « enterrements des “Religionnaires” ne pouvaient avoir lieu qu’à la pointe du jour, ou à l’entrée de la nuit, sans cérémonie et avec un convoi ne dépassant pas dix personnes ». Les sépultures se trouvaient dans des lieux privés, parfois dans des coins des cimetières catholiques à l’écart des autres…

Les Protestants venus aussi des Cévennes avec leur savoir-faire en matière de filatures, vinrent enrichir le nombre des Réformés dans notre région : les Cévenols (ou Huguenots, ou “Parpaillots”, dont le nom est repris dans notre patois local parfois).

La villeneuvette

En 1677 Louis XIV  prit les rênes de l’État et l’illustre Colbert assura la protection de la Manufacture Royale des Draps de Villeneuvette aux environs de Clermont. La fondation de Villeneuvette  par des Protestants Clermontais (et Montpelliérains) remonte à 1674. 

Les Protestants jouèrent un rôle primordial dans ce domaine :

  • Pierre Bayle (ou Baille) fut le fondateur de la Manufacture 
  • André Pouget lui succéda en 1682,
  • puis son frère, Honoré Pouget, dirigea l’entreprise de 1703 à 1720,
  • et Guillaume III Castanier d’Auriac reprit l’entreprise de 1720 à 1725.

Pierre Bayle ira recruter à l’étranger des contremaîtres, facturiers à Elbeuf, Sémur, en Flandre et en Hollande, autant d’éléments nouveaux qui livrent à « Villeneuvette » leurs procédés et leurs « secrets ». Parmi eux, nombre de Protestants, notamment des Hollandais.

On cite Jean Vendo : « ollandais », tisserand de draps, huguenot de religion »

Or Villeneuvette comprend une majorité de Catholiques dans la population ouvrière et les fondateurs ont édifié une chapelle catholique pour leurs dévotions qu’ils pouvaient accomplir sans quitter le site de cette Manufacture à caractère social.

C’était vraisemblablement la première travée de l’église actuelle, inaugurée en 1678.

Les Protestants n’ayant pas droit à des édifices cultuels propres, comme on le sait, continuaient à célébrer leurs cultes dans des maisons privées.

Lors d’une restauration récente de la maison de maître de la Grand-Rue, on a découvert sur un pilier, sur le tout premier enduit, une croix peinte surmontée de l’inscription INRI (Iesus Nazarenus Rex Iudaeorum = Jésus le Nazaréen, Roi des Juifs), et entourée des symboles du Pain et du Vin, un ensemble iconographique protestant réformé qui évoque la Cène et fait penser à la Communion sous les deux espèces.

Au dessus, on lit sous la voûte, la date « 1679 », soit un an après l’inauguration de la chapelle catholique.

Ne serait-ce pas ici le lieu de prière privé des dirigeants protestants de Villeneuvette ?

 

 

 

 

Le désert

Après la Révocation de l’Édit de Nantes en 1685, les Protestants connurent la Période du Désert ou du Refuge.

La période dite du Refuge ou du Désert est celle durant laquelle les Protestants choisirent de se réfugier dans les pays d’accueil étrangers protestants, où ils furent accueillis : l’Allemagne, la Hollande, l’Angleterre, l’Amérique du Nord, voire l’Afrique du Sud.

Plus de 200.000 Protestants quittèrent la France, une forte proportion de la population de l’époque. Il s’agissait d’une population jeune, active, parfois aisée. Ils apportèrent aux pays d’accueil leur richesse, leur savoir-faire, leur labeur.

Ceux qui restaient en France, vivaient dans une clandestinité et des conditions difficiles, et leurs lieux de culte se passaient dans des régions désertiques : « Le Désert », appelé ainsi en référence à la notion biblique vétérotestamentaire de la Traversée du Désert au sens physique et spirituel. L’actuel Musée du Désert en Cévennes en est un exemple proche.

En 1787, Louis XVI signait l’Édit de Tolérance, accordant aux Réformés de France l’état légal de non-catholiques et en 1802, le Consulat rétablissait la liberté de Culte.

Le 19ème et le 20eme siècle

Faisons un bond en avant de plus d’un siècle…

Au début du XXe siècle, la région connaît une période difficile avec la crise du vin de l’année 1907.

 Afin de situer la Communauté Protestante de Clermont-l’Hérault, il est bon de rappeler que l’Église Réformée de France est dépendante juridiquement de la Loi sur les Associations Cultuelles  de 1905. Elle est découpée administrativement en huit Régions. Chacune d’entre elles est dotée d’un Conseil Régional élu par un synode régional.

 Clermont-l’Hérault fait partie du Consistoire de l’Hérault, qui lui-même s’inscrit dans la Région C. L. R. (Cévennes – Languedoc – Roussillon).

Au début du Siècle le nombre des foyers protestants s’est amenuisé et il n’y a pas de lieu de culte dans la ville. La Paroisse Clermontaise et ses environs sont desservis par le Pasteur de Saint-Pargoire, où se trouvent un Temple et un Presbytère.

Dans les années 1930 à 1950, c’est le Pasteur Marchandise, puis le Pasteur Maurice Touchon, qui viennent de Saint-Pargoire pour assurer les services religieux : les cultes, les baptêmes, les mariages et les enterrements, dans une salle de la Mairie mise à la disposition de la Communauté Protestante.

C’est en 1950 que la Société d’Évangélisation du Bas Languedoc (S.E.B.A.L.), devant un phénomène de « déprotestantisation » met en place un Pasteur et instaure la Paroisse de Clermont-l’Hérault, sous le ministère du Pasteur Pierre Curie.

Un lieu de culte est loué au N° 60 de la Rue Frégère dans l’ancien atelier du photographe Mr Descamp.

 

En 1955, le Pasteur Jean Domon le remplace et obtient de la S.E.B.A.L. l’acquisition d’un immeuble plus vaste et mieux adapté aux demandes : cultes, réunions bibliques, tous services religieux, Foyer pour Jeunes – « Les Cantagrils » – réunions œcuméniques, etc.…

C’est au 30 de la Rue de la Croix-Rouge qu’a lieu l’inauguration du Temple de l’Église Réformée de France (E.R.F.) au printemps 1958, sous la présidence de Monsieur Mistral (Président de la Société Centrale d’Évangélisation de Paris) et en présence du Pasteur Pellegrin, responsable à Montpellier.

Grâce au Ministère dynamisant et diversifié du Pasteur Jean Domon, la Communauté Protestante connaît un véritable « âge d’or ».

 Une ouverture avec leurs frères catholiques verra la création d’un groupe œcuménique enrichissant qui perdure encore et s’intensifie. Les réunions du groupe biblique œcuménique ont lieu au Foyer Saint Vincent de Paul, sous l’égide du Père Victor Bonafé, et les manifestations annuelles pour la semaine de l’Unité se déroulent en alternance au Foyer Saint Vincent de Paul (rue Jean-Jacques Rousseau) et au Temple.

(..) Voilà donc plus de quatre siècles que le Protestantisme Réformé existe à Clermont-l’Hérault et alentours.

Marie-Claude ARDOUVIN-ORSSAUD

Juillet 2008

 

  Bibliographie :

– Abbé Durand : « Histoire de Clermont-l’Hérault et ses environs ».

– « Relations Catholiques-Protestants à Villeneuvette », Étude faite par les Amis de Villeneuvette et Suzanne Diffre.

– Article 33 de la Discipline de l’E.R.F.

– Henri Dubief et Jacques Poujol : « La France Protestante », Les Éditions de Paris, Les Éditions La Cause, 2005.

Documents iconographiques :

Document iconographique de la fresque : Fonds privé Mr Remy Bouteloup, Villeneuvette.

Nous remercions les généreux donateurs de ce document situé dans leur demeure privée.

 Photo de la Paroisse de Clermont-l’Hérault – Temple Protestant (photo du Pasteur Pierre Müller 1995), sous « Internet » : « les lieux de cultes protestants en Cévennes : Paroisse du Centre Hérault – Montagne », avec coordonnées du Pasteur Philippe FROMONT.

Logo de l’E.R.F. (cf. Internet – « Église Réformée de France”) : un sceau représente le buisson ardent et sur le fond bleu, une Croix Huguenote avec la colombe du Saint Esprit.

Une citation latine « Fragor, non consumor » : je brûle mais ne me consume pas (Exode, chapitre 3).

Portrait de Jean Calvin (Bibliothèque publique et universitaire, Genève, Suisse).

Portrait de Martin Luther, par Lucas Cranach l’Ancien, 1529 (Musée Kassel, Château de Wilhelmshöhe, Kassel, Allemagne).

Photographies de communiants protestants : Fonds privé, Mme Marie-Claude Ardouvin-Orssaud.